Le magasin de Noël [Namjin]

Chapitre 9

« J'imagine que vous n'êtes pas vendeur, remarqua Namjoon sans se départir de son ton neutre mêlé d'une pointe de cynisme.

— Effectivement, répliqua froidement son interlocuteur.

— Kim Seokjin ?

— C'est moi-même.

— Enchanté, je suis Kim Namjoon. J'espère que nous notre collaboration se passera bien et que nous serons efficaces. Je remercie votre grand-père de m'avoir confié la responsabilité de la gestion de ce magasin. »

Seokjin se contenta d'acquiescer.

« Vous n'avez pas l'air de m'apprécier beaucoup, songea Namjoon.

— Je suis désolé de paraître distant, voire méfiant, mais notre seul échange m'a laissé un souvenir quelque peu... amer.

— Je vois... L'histoire des riches et du Noël matérialiste ?

— Exactement.

— On peut se tutoyer ?

— Si tu veux.

— D'accord. C'était une généralité, tu sais, ça implique qu'il y a des exceptions. Faut pas s'indigner pour si peu.

— Ma famille entière est une exception, dans ce cas.

— Tu m'en vois ravi. »

Seokjin poussa un profond soupir : Namjoon ne semblait pas méchant. C'était quelqu'un de calme et de très terre à terre – trop pour lui, d'ailleurs. Sans doute étaient-ils partis du mauvais pied, tout simplement. Il suffisait qu'il tente de faire bonne figure, et peut-être ensuite pourrait-il le percevoir de manière plus valorisante.

Il l'espérait...

Namjoon se frotta la nuque en se raclant la gorge. Seokjin, sans s'en apercevoir, le dévisageait avec une mine sombre, ça le déstabilisait – et il en fallait beaucoup pour le déstabiliser. Le regard du jeune garçon était perçant, gelé, comparable à une flèche de glace qui lui transpercerait l'âme pour en extraire l'essence. Seokjin en effet avait des prunelles d'un brun profond, des cheveux châtain clair qu'il avait coiffés correctement, et il arborait une tenue propre qui pourtant se trouvait à mille lieues de l'élégant costard avec lequel Namjoon aurait cru le voir arriver. Il était doué de traits d'une beauté sans égal, et le nouveau venu se surprit à se demander à quel point un sourire pouvait embellir ce visage fermé. Ses lèvres charnues devenaient certainement plus que désirables lorsqu'elles s'étiraient en un rictus, même léger.

Namjoon se ressaisit aussitôt.

« Est-ce que tu serais disposé, donc, à me faire visiter ton superbe magasin ?

— Pour commencer, je voulais te dire de prendre tes aises dans ce bureau : je n'y travaille jamais, je n'y ai installé aucune affaire personnelle. Tout ce que j'ai ici, ce sont des documents que je déteste avoir à consulter. Alors si tu veux qu'il devienne tien, n'hésite pas, je te le laisse avec plaisir. Tu me soulages d'un sacré poids, alors je voulais t'offrir ça pour ton arrivée, un espace pour toi.

— Vraiment ? E-Enfin, je veux dire... merci beaucoup. Ce serait un plaisir de pouvoir travailler ici. »

Effectivement, le bureau de Seokjin était le plus grand. Il s'agissait d'une large pièce tapissée de bibliothèques qui débordaient de dossiers en tous genres traitant des finances de l'entreprise. Seul le mur du fond, simple vitre, offrait aux jeunes gens une vue imprenable sur Séoul et apportait à la pièce l'éclat du soleil qui se levait. Au centre trônait un long meuble de bois clair surmonté de quelques affaires, derrière lequel était installé un siège de cuir élégant à roulettes. Enfin, à l'écart, on avait disposé trois confortables fauteuils autour d'une petite table basse qui servait à accueillir d'éventuels collaborateurs pour une boisson.

Les meubles étaient faits d'un bois pâle, les sièges d'un cuir blanc : la pièce était particulièrement apaisante et lumineuse, Namjoon s'imaginait aisément passer ici des heures et des heures à étudier de manière ininterrompue les dossiers qui s'entassaient. Ça le fascinait. Seokjin avait beau ne pas l'apprécier à sa juste valeur – du moins, c'était son avis –, Namjoon se sentait malgré tout valorisé à l'idée qu'à peine arrivé, on lui déléguait un des plus importants bureaux. Ça prouvait que son nouveau collègue lui faisait confiance... ou bien qu'il s'impatientait tant de se débarrasser de ce bureau qu'il était prêt à le céder à n'importe qui, même lui.

« Je t'en prie, répondit Seokjin. Maintenant, allons-y : le magasin est grand, mieux vaut s'y mettre tout de suite. »