Chapitre 24 : J-3

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Seokjin était toujours amer lorsqu'il ouvrit les yeux, au matin de cette journée enneigée. Il n'avait strictement aucune envie de se lever, si bien qu'il attrapa son portable pour flâner sur internet le temps de trouver le courage de quitter ses draps chauds.

Par curiosité, il tapa le nom de Namjoon après une hésitation et... il trouva un article daté du soir précédent. Il ne se rendit compte qu'à ce moment-là de l'erreur commise la veille, et il lui fallut relire plusieurs fois le titre pour bien comprendre.

« Le milliardaire Kim Namjoon offre un Noël magique aux enfants de l'hôpital d'Ilsan. »

Seokjin se passa une main sur le visage tandis qu'il comprenait son manque de délicatesse, et plus il lisait, plus il s'en voulait. Son collègue, en vérité, avait apporté bon nombre de jouets du magasin de son père à l'hôpital de sa ville d'origine, pour les enfants malades. Le trajet qu'il avait dû effectuer et le temps qu'il y avait passé expliquaient son retard de la veille au matin. L'article, enfin, indiquait que Namjoon n'avait pas divulgué cette information, c'était l'hôpital qui l'avait annoncé à la presse quelques heures après son départ.

Le jeune homme ne comptait simplement pas parmi ceux qui se vantaient de leur générosité. Il n'avait pas souhaité en parler une fois arrivé devant Seokjin, soit par la faute de sa discrétion, soit de son agacement contre son aîné.

« Je suis désolé, murmura-t-il pour lui-même, putain mais quel con je fais... »

Dépité, il planta le visage dans son oreiller en couinant, furieux contre lui-même pour sa sottise. Il n'aurait jamais dû tirer de conclusions hâtives, il paraissait désormais si stupide, quelle honte ! Pourquoi ne lui avait-il simplement pas demandé la raison de son retard ? Bien sûr qu'il avait une bonne raison d'arriver en retard, il était de ceux qui arrivaient sans cesse en avance, pourquoi tout à coup jouerait-il au mauvais employé, en retard et insolent ?

De fait, une fois au magasin, Seokjin se contenta de faire les cent pas dans son bureau, espérant que cette fois-ci son collègue serait à l'heure : il n'imaginait pas entamer sa journée avant de lui avoir présenté ses excuses pour tout ce qu'il lui avait reproché. Il fallait absolument qu'ils parlent, qu'ils parlent à cœur ouvert pour enfin mettre des mots sur les émotions qui les éloignaient l'un de l'autre. Ça devenait urgent : plus le temps passait, plus leur relation se dégradait. Ça ne pouvait plus continuer.

« Seokjin-ssi, qu'est-ce que tu fais ici ? »

L'appelé sursauta ; il ne s'attendait pas à voir son collègue arriver une demi-heure avant l'horaire prévu. Pourtant, ça lui ressemblait bien...

Alors qu'il se sentait capable de prendre son courage à deux mains pour déballer tout ce qu'il désirait déclarer à son cadet, Seokjin se retrouva finalement à court de mots, pris au dépourvu. Il balbutia quelque chose tout bas avant de s'éclaircir la gorge pour reprendre de manière intelligible.

« Je... je voulais m'excuser pour hier... et pour les autres jours aussi.

- C'est vrai ? s'étonna Namjoon.

- Oui, j'ai été odieux avec toi, et pour des raisons stupides.

- Tu t'en rends enfin compte...

- C'est pas cool de remuer le couteau dans la plaie, bouda l'aîné.

- Mais c'est mérité... et qu'est-ce qui t'a fait prendre conscience de ça ?

- L'article d'hier soir.

- Oh...

- Oui, je... j'aurais dû chercher à comprendre ton retard plutôt que te le reprocher immédiatement. J'ai été injuste envers toi, et pas seulement hier. J'espère que tu me pardonneras. J'ai compris mes erreurs, et mon frère m'a aidé à ouvrir les yeux. Je suis sincèrement désolé, vraiment. T'es quelqu'un de bien... même si t'es parfois agaçant. Juste... occupe-toi des comptes de l'entreprise, mais m'en parle pas. Je veux pas en entendre parler. Dis-moi juste si t'as besoin de moi, si quelque chose de grave se profile, ou des trucs du genre. Mais j'aime pas parler argent. Ça me met mal à l'aise. »

Namjoon arborait un air sérieux qui ne laissait pas deviner ce qu'il éprouvait. Pourtant, une fois la tirade de son collègue achevée, un sourire se dessina progressivement sur son visage, remplaçant cette moue énigmatique qui inquiétait Seokjin. Jusque-là droit et crispé, le cadet parut se détendre et acquiesça.

« Ça marche, approuva-t-il, on ne parle plus de chiffres, et toi t'arrêtes de m'engueuler pour un oui ou pour un non.

- Ça me va, rit Seokjin. On fait ça. »

Namjoon, dans un geste qu'il avait régulièrement effectué aux États-Unis, tendit la main à son collègue qui lui sourit et la lui serra en retour.

« Marché conclu, se réjouit Seokjin, et merci pour ta clémence.

- C'est normal de s'inquiéter quand un nouveau arrive pour devenir, en plus, co-manager. T'as flippé, t'as voulu t'imposer, et à la place t'as joué au tyran. Tu sais... moi ce que j'ai vu, c'était pas un petit con qui voulait me faire chier, c'était surtout un garçon profondément attaché à son magasin, ses employés et de belles valeurs, un garçon qui a eu peur que le chiffre d'affaires vienne faire s'écrouler son petit monde. T'as voulu protéger ce que tu considères, à juste titre, comme l'œuvre de la vie de ton grand-père, et c'est une noble cause. T'as juste été maladroit. »

Le magasin de Noël [Namjin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant