De retour dans les rayons de l'étage, Seokjin trouva son accompagnateur plus détendu qu'auparavant, presque... à son aise. L'intervention de Taehyung avait visiblement apaisé l'atmosphère. Pas étonnant, il n'avait pas été nommé chef de l'animation pour rien. Les deux garçons franchirent le rayon papeterie et, tandis que le jeune chef en vantait les mérites et la diversité, il fut coupé.
« Je peux jeter un œil aux livres ? » s'enquit Namjoon.
Son ton autant que son regard prouvaient qu'il tentait autant que possible de contenir son enthousiasme. Seokjin en fut surpris : il demeura muet un court instant avant de bafouiller.
« Euh... o-oui, bien sûr.
— Merci beaucoup. »
Le jeune homme voulut lui indiquer le classement des livres mais n'en eut pas l'occasion : déjà Namjoon avait filé sans hésiter, en direction du rayon littérature étrangère. Seokjin le suivit d'un pas rapide, porté tant par la curiosité que par l'élan même de son collègue. Le cadet était déjà occupé à lire les tranches de chaque roman. Un « yes » à peine murmuré lui parvint quand Namjoon tira du meuble l'exemplaire d'un essai allemand traduit en coréen très récemment. Le jeune homme néanmoins, probablement parce qu'il agit dans la précipitation, fit tomber le livre.
Aussitôt, Namjoon écarquilla les yeux et, jetant un regard paniqué à son aîné.
« Désolé, désolé ! s'excusa-t-il en ramassant aussitôt l'objet dont il consulta plusieurs pages avant de soupirer de soulagement. Il est pas abîmé, tout va bien... encore désolé. J'aurais dû faire plus attention.
— C'est rien. Tant qu'il y a aucun dégât, c'est pas un souci. T'aimes lire à ce point ?
— Comment ça ?
— Quand même, ça se voit : t'avais des étoiles dans les yeux quand t'as filé rayon livres. Bibliophile ?
— Peut-être pas non plus, » répliqua Namjoon en haussant les épaules.
Pas de chance : son regard fuyait en se posant non sur Seokjin mais sur le livre qu'il tenait. Ça lui donnait un petit air de chien battu, si bien que pour la première fois depuis leur rencontre, le jeune manager lui trouva un air attendrissant et presque attachant. Il ignorait si c'était dû à sa petite maladresse, à sa passion pour les livres ou bien à sa moue embarrassée, mais il le trouvait mignon. Ce comportement contrastait particulièrement avec son costume propre tiré à quatre épingles et ses cheveux plaqués de manière excessive sur son crâne. Avec ses lunettes rondes qu'il avait enfilées pour lire, il avait l'air du parfait petit premier de classe – il l'était, après tout.
« T'as choisi ce livre au hasard ou parce que tu le connais ? s'enquit Seokjin.
— Je le connais, finit par admettre le jeune garçon après une hésitation. Quand j'étais aux États-Unis, j'en ai lu la traduction anglaise. Je savais pas qu'il était aussi traduit en coréen.
— C'est une traduction récente, affirma Seokjin, mais y en avait une qui existait avant ça.
— Oh, je vois.
— Tu le veux ?
— Oui, je pense que je vais le prendre : j'avais pas eu le temps de le finir, ça m'en laissera l'occasion. »
Pourtant, il ne partit pas à la caisse : le jeune homme en effet préféra se concentrer sur les autres articles du rayon qu'il passa en revue en quelques regards rapides.
« Oh, vous avez aussi Demian ? s'émerveilla Namjoon en tirant de la bibliothèque le roman en question.
— Oui, depuis quelques années, les ventes sont reparties à la hausse.
— C'est super que ce genre d'ouvrage soit redécouvert.
— Les plus grandes œuvres de la littérature sont celles qui ne vieillissent jamais.
— Je suis complètement d'accord, » approuva Namjoon avec un ton d'une douceur surprenante.
Il ne quittait pas des yeux le petit roman, et son regard exprimait un tel bonheur que Seokjin sentit un sourire poindre sur son visage malgré la rancœur qui persistait, faible cependant.
« C'est cadeau, déclara-t-il. Prends-les, je vais en toucher deux mots au libraire, je reviens.
— Tu sais, je manque pas d'argent, je peux les payer.
— Je sais, opina Seokjin, mais c'est pas parce que tu payes une Rolex à ton père que je vais estimer que ça sert à rien de t'offrir deux livres. L'autre jour, j'ai offert un porte-clés à Taehyung, il était super content. »
C'était un porte-clés avec un petit personnage en forme de cœur rouge qui arborait un large sourire. Il figurait sur le fond d'écran du jeune garçon qui estimait qu'il le mettait toujours de bonne humeur. Ainsi, en découvrant le petit porte-clés, Taehyung avait ouvert de grands yeux brillants et avait sauté au cou de son frère en le remerciant chaleureusement.
Namjoon imagina, touché, les deux garçons profiter de plaisirs simples et se réjouir de petits riens. Lui, il avait grandi dans le luxe ; ça ne l'empêchait pas d'apprécier à leur juste valeur les objets qu'on lui offrait... mais il n'était simplement pas du genre à s'enthousiasmer pour si peu. Les biens matériels ne coûtaient rien pour sa famille et lui, si bien qu'il préférait à un quelconque article une étreinte, un moment de bonheur, et ce genre de choses que l'argent n'offrait pas. C'était sans doute pour cette raison qu'il n'aimait pas particulièrement Noël : alors que lui désirerait ce genre d'instants heureux en famille, ses parents, eux, préféraient les démonstrations d'opulence. Ils donnaient de l'argent, ils offraient et recevaient de splendides cadeaux, ils organisaient un copieux dîner... mais Namjoon n'avait jamais eu droit aux plaisirs simples de Noël que Seokjin semblait connaître par cœur.
Peu à peu, il commençait à comprendre le point de vue de son collègue, et plus que le trouver touchant, il l'enviait. Il enviait cette capacité qu'il avait à regarder Noël avec les yeux d'un enfant.
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Le magasin de Noël [Namjin]
Fanfiction[Terminé] Fils du propriétaire d'une immense chaîne de magasins de Noël, Kim Seokjin est un grand amoureux des fêtes, passion qu'il partage avec son petit frère Taehyung. Or quand, une semaine avant Noël, il apprend que son père a revendu l'œuvre de...