Chapitre 47

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Seokjin demeura coi, interdit, rendu complètement stupide par les mots de son cadet. Alors... Namjoon s'était aperçu de ses sentiments ? Du moins, il avait remarqué qu'effectivement, il ne le regardait plus de la même manière depuis plusieurs jours déjà.

Devant le silence auquel il se heurta, Namjoon décida de poursuivre.

« Je suis pas stupide : tous ces moments qu'on a passés ensemble... j'ai déjà profité de bons moments avec des amis, ou bien seul avec un pote, mais y avait jamais cette... tension. Tes yeux parlent, pas besoin de mots. Te fatigue pas à nier, ce serait encore plus énervant. »

Namjoon avait baissé les yeux, à présent son ami ne pouvait plus rien lire dans son regard. Tout ce qu'il voyait, c'était cette colonne vertébrale voûtée, preuve du dépit de son ami... du moins de ce garçon dont il croyait qu'il ne pouvait rester que l'ami. Est-ce qu'ils avaient réellement cette relation de simple amitié ? Est-ce que ce n'était pas ce que tentait de se figurer Seokjin pour éviter d'avoir affaire à ses émotions ?

Ne craignait-il pas, finalement, de faire face à Namjoon et de se voir rejeté ? Il avait été convaincu que s'il apprenait ses sentiments, ce dernier en aurait été horrifié. Namjoon n'aimait pas les hommes, ça lui apparaissait comme une évidence : il n'y avait pas tant de garçons intéressés par d'autres hommes, si ? Comment aurait-il pu imaginer que ses sentiments aient la moindre chance d'être réciproques ? D'ailleurs... est-ce qu'ils étaient réciproques ?

« Tu... est-ce que tu m'aimes ? balbutia Seokjin si bas qu'il douta que son ami l'ait entendu. Je... je comprends pas... t'es vexé que je t'aie rien dit ?

- Toi, est-ce que tu m'aimes ? »

Seokjin détourna à son tour les yeux, gêné par la question. Pourquoi ? Il était pourtant si simple d'avouer, si simple de balancer ainsi cette phrase, « je t'aime », alors qu'est-ce qui justifiait ce silence dans lequel il demeurait si profondément enlisé.

Namjoon releva son regard dont il débordait mille émotions contradictoires indescriptibles. Devant le visage embarrassé de son aîné, comprenant que ce dernier ne répliquerait rien, il poussa un soupir. Seokjin ne paraissait pas capable d'admettre ce qu'il avait sur le cœur, et... d'une certaine manière, Namjoon ne le supportait pas.

Il avait appris, au cours de sa vie, à se montrer direct, à dire les choses, quitte à ce qu'elles ne plaisent pas. Seokjin, donc, l'avait impressionné lorsque, peu après son arrivée, il avait fait preuve d'un véritable rentre-dedans, furieux, en lui expliquant à plusieurs reprises ce qu'il n'aimait pas dans son comportement vis-à-vis de son magasin. Il admirait les gens qui savaient ce qu'ils voulaient, les gens incisifs, ceux que la finance appelait des requins.

Il aimait ce caractère, il avait aimé Seokjin, car alors il voyait brûler dans son regard cette fougue qui prouvait qu'il défendrait à tout prix ce magasin auquel il tenait tant. Et... maintenant que l'aîné demeurait muet alors qu'il s'agissait de sentiments pour lui, Namjoon se sentait... vexé.

Seokjin était franc et décidé lorsqu'il était question d'une boutique, en revanche il ne savait pas prendre de décision pour ce qui était de son cœur. D'une certaine façon, il semblait à Namjoon que ça prouvait une chose : il passait après le magasin de Noël. Seokjin n'était pas attaché à lui autant qu'il le croyait. Ses regards, ses actes, ses mots... tout paraissait désormais si superficiel. Il avait cru intéresser Seokjin, mais c'était faux. Un petit coup de cœur, peut-être, mais rien de plus. Il n'était pas amoureux, Namjoon en était désormais convaincu. Il ne l'aimait pas assez pour défendre ses sentiments, pour les affirmer avec aplomb.

Il se sentait... déçu.

« Laisse tomber, soupira Namjoon, je sais même pas pourquoi j'ai parlé de ça. C'était stupide, je te l'avais dit. Je savais bien que ce serait juste gênant. Je suppose que... que je t'ai pris pour quelqu'un que t'étais pas. Oublions tout ça, et faisons comme si c'était jamais arrivé. »

Quelqu'un avec du caractère, un caractère tendre mais qui pouvait s'endurcir lorsque ça devenait nécessaire. Il ne devait probablement pas compter assez pour Seokjin...

Namjoon se redressa vivement, abandonna ses affaires sur le bureau à l'exception de son portable, et il attrapa son manteau avant de s'en aller sans un mot de plus. Ce fut si soudain que Seokjin ne reprit ses esprits qu'une fois seul dans la pièce. Namjoon s'était comme évaporé, et un instant il douta même que ce moment ait été réel. Pourtant, il le revoyait, celui dont il était amoureux, esquisser une expression de simple colère et s'en aller en faisant voler son manteau derrière lui pour l'enfiler d'un geste précis. Il le revoyait, lui lancer un dernier regard emprunt de regrets.

Il le revoyait, lui murmurer un « au revoir » dépité qui le suppliait de le retenir ou bien de ne plus jamais chercher à approfondir leur relation.

Et Seokjin n'avait pas su comment agir.

Le magasin de Noël [Namjin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant