Chapitre 20

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« Je rentre à pied, m'attends pas, indiqua Seokjin qui avait troqué son veston de vendeur pour ses vêtements habituels.

— Il s'est passé quoi, encore ? s'étonna Taehyung.

— Les bénéfices, des employés à virer, la routine, quoi. Je me casse.

— Tu veux que je t'accompagne ? Je termine dans dix minutes.

— Non, je préfère rester seul.

— Comme tu le sens, dans ce cas. On se retrouve à la maison.

— Ouaip. À toute. »

Son frère le salua et le regarda partir avant de pousser un soupir.

Lorsque Seokjin sortit du magasin, la nuit était déjà tombée et, s'il ne neigeait pas, il n'en faisait pas moins froid. Les températures avaient dégringolé et le jeune homme ferma dans un frisson sa longue doudoune matelassée avant de resserrer son écharpe autour de son cou. Il fila sans plus attendre ; marcher le réchaufferait.

Tout au long de son trajet, il tourna et retourna les mots de Namjoon. Certes, d'une certaine manière, il avait raison, mais... hors de question pour Seokjin que ses salariés soient vu comme de simples sommes d'argent. Il ne les connaissait pas tous personnellement, mais il avait lié une forte amitié avec tous les chefs de rayons – en vérité, avec tous ceux qu'il était amené à côtoyer régulièrement. Il ne pouvait pas laisser Namjoon parler avec une telle légèreté de licenciements, même s'il s'agissait d'expliquer qu'il ne comptait virer personne.

Que se serait-il passé si Jimin avait été déstabilisé par ses nombreuses questions et n'avait pas fait bonne impression ? Namjoon aurait-il pensé le remplacer, alors ? Il ne pouvait de toute façon remercier personne sans l'accord de Seokjin, n'est-ce pas ?

Au souvenir de cette ligne dans le contrat, le jeune homme se sentit instantanément rassuré : effectivement, il était mentionné que de telles décisions ne pouvaient pas se prendre par l'un des deux responsables. Il devaient chacun donner leur accord. Namjoon n'était pas mauvais, simplement obsédé par les chiffres autant que Seokjin l'était par Noël.

Rasséréné, il avait retrouvé son calme lorsqu'il franchit la porte de la villa familiale. Taehyung arriva presque au même moment que lui avec Hoseok, qu'il avait invité à dîner pour terminer la conversation qu'ils avaient entamée en voiture. Chacun se salua et, constatant que son frère souriait et se montrait sincèrement apaisé, le cadet ne chercha pas à revenir sur le sujet.

« Bon, pour le dîner, qui voudrait une omelette faite maison ? » proposa-t-il.

L'idée remporta un franc succès et la soirée s'avéra tranquille, ponctuée par-ci par-là des rires des uns et des autres. Le grand-père des garçons était venu les saluer rapidement de crainte de les déranger, et leur père était resté dans son bureau.

Ainsi, Seokjin oublia complètement les évènements précédents, de sorte qu'ils furent remplacés dans son esprit par les éternels sourires de Hoseok et la douceur habituelle de Taehyung. Ils lui remontaient toujours le moral, parfois même sans en avoir conscience. Parce qu'ils débordaient de vie, Seokjin avait l'impression d'effectuer une cure de jouvence chaque fois qu'il passait du temps avec eux : le monde des adultes, avec tous ses problèmes et ses incertitudes, n'existait plus lorsqu'ils se réunissaient. Seul demeurait le bonheur de se retrouver, un bonheur simple, presque naïf.

Hoseok partit tard, si bien que les deux frères se couchèrent peu après. Les chambres étaient voisines, ils partageaient un mur mitoyen, ce qui les rassurait : ils avaient emménagé dans cette imposante demeure quelques années auparavant, alors que jusque-là ils avaient l'habitude de dormir dans la même petite pièce. Ils avaient été intimidés par la villa et, s'ils avaient d'abord choisi de vivre dans la même chambre, les semaines et les mois passant, ils avaient décidé d'avoir leur propre espace – ils étaient incapables de travailler lorsqu'ils se trouvaient dans la même pièce. Malgré tout, ils avaient tenu à avoir deux chambres côte à côte.

Taehyung et Seokjin partagèrent une rapide étreinte avant d'aller dormir, et si l'aîné se sentait mieux, il demeurait cependant en son cœur une pointe de rancœur qui, peut-être, cachait non pas de la colère mais de la déception : il commençait à apprécier Namjoon, dont il avait l'impression qu'il s'était ouvert à lui au cours de la journée. De fait, plus que de la fureur, c'était de la peine qu'il ressentait. Il avait cru un instant que le jeune garçon le comprenait enfin, qu'il avait saisi à quel point ce magasin comptait pour lui... mais Namjoon restait fixé sur les chiffres.

Pourvu que tout s'arrange.

Le magasin de Noël [Namjin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant