Le magasin de Noël [Namjin]

Chapitre 41

« Namjoon-ah, tu veux bien m'attendre dans la cuisine deux minutes ? demanda Seokjin sans quitter des yeux la bouche sombre qui semblait servir d'ouverture sur le séjour dont les lumières étaient éteintes. Y a des boîtes de nouilles dans un placard, tu peux les ouvrir et faire chauffer l'eau ? »

Son cadet accepta d'un signe de tête et se rendit dans la pièce que Seokjin lui indiquait du doigt. Il avait senti dans sa voix autant que dans ses gestes une telle détresse qu'il n'avait pas pu s'opposer à lui, il avait compris que quelque chose de grave se jouait, et qu'il valait mieux qu'il n'interfère pas.

Les minutes passèrent rapidement tandis qu'il préparait deux boîtes de nouilles et mettait à chauffer suffisamment d'eau. Pourtant, lorsqu'il fut temps de rouvrir les paquets et de profiter d'un bon dîner bien chaud, Seokjin n'était toujours pas de retour. Peu désireux de le déranger, Namjoon ne fit rien d'autre que mettre correctement la table et leur préparer également un peu de thé – quelque chose en lui savait que son aîné aurait besoin de se sentir consolé, et la chaleur du repas et de la boisson lui ferait sûrement du bien.

Dix minutes étaient passées, et toujours rien. Les nouilles, bouillantes, ne risquaient pas de tiédir avant une bonne demi-douzaine de minutes supplémentaires, or Namjoon s'alarma non pour le dîner, mais pour son ami : en tendant l'oreille, il venait de surprendre un sanglot qu'on tentait d'étouffer, provenant du salon. Conscient qu'il allait gêner Seokjin, il s'y rendit quand même, car il savait également qu'il avait besoin de réconfort.

Le jeune homme était agenouillé devant la cheminée où les flammes vacillantes luttaient pour ne pas s'éteindre. Seokjin était plongé dans l'obscurité, son visage plongé entre les mains, et son corps n'était éclairé que par la faible lueur qui ondulait sur lui. Il n'avait pas entendu son ami, qui s'approcha d'un pas léger.

Seokjin sursauta et fit volte-face.

« Namjoon-ah ? Q-Qu'est-ce que tu fais ? balbutia-t-il en se passant l'avant-bras sur les yeux – il ne parvint pas à en retirer toutes les larmes.

- Je... ça fait dix minutes et... j-je m'inquiétais... Tu veux en parler ? demanda-t-il après un court silence.

- Comment quelqu'un que j'ai si peu connu peut me manquer autant ? »

Et sur ces mots, Seokjin se laissa submerger par la peine une fois de plus. De ses yeux sombres coulèrent des larmes de cristal taillées de sorte à lui érafler les joues lorsqu'elles s'échappèrent, abandonnant derrière elle la sensation d'un sillon de douleur. Ce n'était pourtant pas ce qui le faisait le plus souffrir.

« Hyung... qu'est-ce qui s'est passé ? » murmura Namjoon en s'agenouillant auprès de son ami avant de passer un bras autour de ses épaules.

Seokjin continua de sangloter silencieusement, incapable de calmer ses pleurs. Namjoon accentua son geste, raffermit son étreinte, et prit son aîné entre ses bras en s'assurant de le serrer de sorte qu'il comprenne qu'il n'était pas seul et qu'il pouvait se confier à lui.

Pas un mot ne fut échangé pendant de longues minutes, au cours desquelles Seokjin enfouit son visage dans le cou de son cadet qui le laissa faire. Il ignorait ce qui avait bien pu provoquer une telle crise de tristesse chez son aîné habituellement si enjoué... mais la photo d'une belle jeune femme lui ressemblant, posée sur la cheminée et encadrée par deux boules de Noël, lui laissa penser qu'il existait encore des choses à propos de son passé que Seokjin avait souhaité taire jusqu'à présent. Namjoon ignorait s'il se sentait ou non prêt à tout lui expliquer, mais ça importait peu : ce qui comptait, désormais, c'était que le jeune homme retrouve le sourire, parce que... parce qu'il était beau, quand même, son sourire.

Namjoon rougit discrètement à cette idée, et dans un réflexe qu'il ne songea pas à retenir, il embrassa la chevelure de son ami toujours prostré dans ses bras. Seokjin eut un hoquet de surprise, s'immobilisa, et ses sanglots se stoppèrent instantanément, comme suspendus par l'étonnement. L'autre regretta aussitôt son geste.

« Je suis désolé, s'excusa-t-il immédiatement, j'aurais pas dû...

- Recommence, murmura Seokjin. S'il te plaît... »

Pris de court par sa demande, il ne s'exécuta d'abord pas... mais le fit peu après. D'une certaine manière, ça le rassurait, lui aussi, et ça le soulageait de pouvoir offrir ces quelques marques de tendresse à son aîné. Il finit par passer une main dans ses cheveux, les lui caressant en même temps qu'il l'incitait à garder le visage dans le creux de son cou. Seokjin avait enroulé les bras autour de sa taille, les yeux clos, et peu à peu il sembla que ses pleurs se tarissaient. Enfin, il repoussa gentiment son cadet et se moucha.

« Tu te sens mieux ?

- Oui, merci.

- Les nouilles sont prêtes. »

Il craignait de mettre son ami mal à l'aise s'il évoquait ce qui venait de se passer. Pourtant...

« Tu peux les amener ici ? Je... t'as raison, ouais... j'ai envie de parler. »