Chapitre 33

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Seokjin ne pouvait pas se mentir : il y avait du monde en caisse, il y avait du monde partout, en vérité, il devait absolument donner un coup de main... Mais il avait besoin de croire que c'était nécessaire qu'il surveille Namjoon pendant les premières minutes de son service en tant que père Noël. Il n'en fut pas déçu : son ami, vêtu de blanc et de rouge, souriait aux enfants, les portait sur ses genoux avec une aisance surprenante, et sa voix grave n'avait pas même besoin d'être modulée pour que les enfants s'émerveillent.

Sans savoir pourquoi – du moins il préféra occulter l'explication à cette attitude –, Seokjin resta un long moment debout devant la vitre sans tain d'un bureau de la comptabilité qui donnait sur la petite scène où se trouvait son cadet. Il l'observait sans bouger, comme fasciné par le charme magnétique de son ami. Il trouvait Namjoon plaisant à regarder, même en dépit de l'épais costume qu'il avait revêtu. On devinait son corps massif, notamment du fait des épaules développées du jeune homme – sans doute appréciait-il la musculation – et c'était loin de laisser Seokjin indifférent.

Namjoon n'entrait peut-être pas dans les standards traditionnels de la beauté coréenne, mais il entrait parfaitement dans les siens : élancé, des muscles fins, un visage qu'il jugeait harmonieux et délicat, orné d'un sourire innocemment charmeur, et une intelligence qui n'avait d'égal que sa bonté d'âme.

Un hoquet de surprise coupa court aux réflexions de Seokjin lorsque, rougissant lui-même de sa propre bêtise, il s'aperçut que peu à peu, en apprenant à connaître son collègue, il ne lui avait fallu que quelques jours pour tomber sous son charme. Un coup de foudre l'avait cloué sur place, ici, derrière cette vitre, tandis que son cœur s'emballait à la seule vue du beau Namjoon... que Seokjin était désormais conscient d'aimer.

Il en avait connu, des coups de cœur, ce n'était pas la première fois. En revanche, c'était probablement la première fois qu'il s'avérait aussi vif, aussi rapide, et surtout aussi... surprenant. Il haïssait encore Namjoon deux jours plus tôt, comment pouvait-il maintenant... non... non, en fait, il ne l'avait jamais réellement haï. Peut-être, finalement, s'était-il en vérité rendu compte dès le début que son cadet n'avait aucun tort. Il l'avait admis plus d'une fois, c'était son cœur qui demeurait convaincu que Namjoon était quelqu'un de mauvais. Or... déjà alors Seokjin devait reconnaître à son co-manager bon nombre de qualités.

Et lorsqu'il avait finalement su dépasser ça, tout avait explosé en lui, ses sentiments avaient jailli, nés jour après jour mais contenus de telle sorte que la révélation n'en apparaissait que plus brusque.

« Quel con je fais, » soupira-t-il dépité en quittant son poste d'observation pour retourner travailler.

La matinée fut pour Seokjin ni agréable ni désagréable : il la passa à la caisse, à sourire aux clients pendant qu'il songeait à ce qu'il éprouvait désormais pour son nouveau collègue. Oui, il avait déjà aimé, il avait déjà eu un petit coup de cœur pour un ou deux de ses employés. Toutefois, il s'agissait d'employés qu'il ne voyait qu'une fois par semaine tout au plus, alors qu'il côtoyait Namjoon quotidiennement. Ça expliquait la force de ses sentiments : il avait réellement appris à connaître son ami, il ne s'agissait pas de sentiments nés d'un physique, d'un sourire. Ils avaient discuté, deux heures durant, au restaurant et au café. Ils avaient appris du travail de l'autre, ils s'étaient confiés, ils s'étaient souri. Pas surprenant que Seokjin n'ait pas pu résister, finalement.

Une fois que sonna l'heure de sa pause déjeuner, Seokjin quitta sa caisse avec un soupir de soulagement. D'un naturel perfectionniste, surtout lorsqu'il s'agissait d'apporter satisfaction au client, il aimait s'assurer que jamais aucun d'entre eux ne patientait trop longtemps avant de régler les achats, si bien qu'il se mettait lui-même une pression écrasante pour faire vite et bien. Ça le stressait, mais une fois le travail achevé, il se sentait fier de lui, et il lui semblait que l'intérêt des clients devait passer en priorité. Ses employés travaillaient de manière plus calme et posée, ce qu'il ne leur reprocherait jamais – ça ne lui viendrait pas à l'idée –, mais de son côté, il se sentait obligé de se lancer dans une véritable course dès lors qu'il se positionnait derrière la caisse.

Vidé de ses forces, donc, Seokjin ne réfléchit pas un instant lorsqu'il se dirigea (par réflexe, donc) vers son bureau : quand il souhaitait un peu de tranquillité, il somnolait sur son siège quelques instants. C'était beaucoup plus calme que la salle des employés.

Pareil à un véritable zombie, il marchait de manière mécanique, sans songer un instant à ce qu'il avait promis quelques heures plus tôt à son cadet : la fatigue lui voilait le regard, il avait besoin de repos, c'était là tout ce à quoi il pouvait penser.

Par conséquent, il écarquilla les yeux lorsque, ayant poussé la porte de son bureau dans un bruyant bâillement, il découvrit Namjoon torse nu, sa chemise entre les mains et son déguisement de père Noël à ses pieds.

Le magasin de Noël [Namjin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant