Chapitre 51

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D'abord confiant, Seokjin sentit toute sa bravoure s'évaporer lorsqu'il se planta devant la porte de son bureau. Il filtrait un fin rayon de lumière en dessous, preuve s'il en fallait une que Namjoon était bel et bien à l'intérieur. Lui aussi était arrivé plus tôt que prévu... il arrivait toujours plus tôt que prévu, et s'il n'avait pas passé une nuit avec lui, Seokjin aurait même douté qu'il quitte le magasin pour dormir.

Le jeune homme déglutit avant d'avancer une main tremblante vers la poignée de la porte. Est-ce qu'il s'apprêtait vraiment à déclarer sa flamme à quelqu'un qui, une semaine plus tôt, n'était pour lui qu'un parfait inconnu ? Qu'y avait-il de logique là-dedans ? Tout était si précipité, comment pouvaient-ils savoir s'ils se plaisaient sincèrement ou si ce n'était pas qu'un coup de cœur – ce que Seokjin redoutait le plus, à vrai dire.

Il serra le poing : c'était ces craintes qui avaient refroidi puis agacé Namjoon, car malgré ce que sa tête s'acharnait à lui dire, son cœur, lui, était convaincu de l'amour qu'il éprouvait pour lui. Seokjin agissait comme un garçon complètement dingue de son collègue, lui-même s'en était rendu compte depuis le début... mais ses actes et ses réflexions n'allaient pas dans le même sens, si bien que ça avait semé la confusion dans l'esprit de celui qu'il chérissait, et ça avait fini par le vexer.

Seokjin abaissa violemment la poignée, agacé par ses propres doutes. Son cœur, lui, n'en avait aucun :

« Namjoon-ah, déclara-t-il en voyant son ami derrière le bureau, écoute-moi.

— Euh... bonjour ?

— Oui, bonjour, grommela Seokjin en se sentant coupé dans son élan. Faut que je te dise quelque chose d'important... parce qu'à mes yeux, t'es quelqu'un d'important. T'es chiant, vraiment, et j'aime pas ta putain de manie à tout ramener à l'argent. Mais merde, t'as raison, et même si ça m'empêche pas de trouver ça chiant, je reconnais que sans toi j'aurais pas le courage de faire tout ce boulot de gestion. En fait, que ce soit dans l'entreprise ou de manière personnelle, ouais, ça arrive que tu m'énerves, mais je suis pas assez con pour pas reconnaître que j'ai vraiment besoin de toi. Je... je peux juste pas me passer de ta présence, au boulot comme en dehors. Au boulot parce que t'es un co-manager de talent, et en dehors parce que... parce que je t'aime.

« J'en étais pas sûr, j'agissais comme un ado incapable de savoir ce qu'il voulait vraiment, et je le regrette sincèrement. Je suis désolé de t'avoir peiné en refusant d'admettre quelque chose que je te montrais pourtant depuis des jours. Oui, j'aime être avec toi, j'aime les moments qu'on passe ensemble, et je voudrais qu'il y en ait plus, toujours plus. Je voudrais apprendre à te connaître mieux, parce que je voudrais pouvoir affirmer avec sincérité que j'aime tout de toi. Mais déjà, aujourd'hui, après des heures passées à discuter, je peux au moins affirmer que oui, je t'aime. Alors... est-ce que je peux espérer que ce soit réciproque ? »

Sa dernière phrase, le jeune homme (qui avait pourtant jusque-là parlé avec un surprenant aplomb) la prononça d'une manière timorée qui laissait voir qu'il avait conscience de se jeter à corps perdu pour avouer des sentiments qui ne lui seraient peut-être pas rendus. Il se sentirait stupide si son ami devait lui avouer qu'il n'éprouvait rien pour les hommes, mais finalement, peu importait. Il lui avait dit tout ce qu'il avait sur le cœur, et malgré la peur, il se sentait avant tout soulagé d'avoir pu décharger ainsi tout ce qu'il devait dire – car il le devait.

Son cœur tambourinait dans sa poitrine, c'en devenait douloureux. Ses yeux voyageaient partout sauf sur la silhouette devant lui, et sous l'effet de l'appréhension, de l'adrénaline s'était mise à couler dans ses veines et son corps était devenu brûlant. Le climat lui sembla étouffant, toutefois il n'eut pas le temps d'y songer : devant lui, Namjoon se redressa, et son mouvement attira sur lui le regard de Seokjin qui avait baissé la tête d'un air coupable.

« Je comprendrais que tu refuses ce que j'éprouve, affirma-t-il à voix basse, et je suis désolé si ma confession t'a froissé, c'était pas mon but. Je voulais juste... que tu le saches. Mais je veux pas que ça change quoi que ce soit entre nous.

— Vraiment ? » s'enquit Namjoon de sa voix délicieuse.

Il paraissait surpris, mais la pointe d'amusement qui perçait dans son ton attira l'attention de son ami qui planta son regard incrédule dans le sien. Pas de colère, pas de haine, Seokjin ne vit dans ces doux yeux noirs que de la tendresse et de la joie. De la... joie ?

« C-Comment ça ? bégaya-t-il.

— Parce que moi, hyung, expliqua Namjoon en contournant le bureau d'un pas atrocement lent, j'aimerais que ce que tu viens de dire change quelque chose entre nous. Tu comprends ?

— Euh... tu...

— J'aimerais sortir avec toi, Seokjin, parce que moi aussi, je t'aime. »

Le magasin de Noël [Namjin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant