19. Premier message divin

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Talinn

Mon énergie s'est éteinte dans les derniers rayons de cette journée épouvantable. Pourquoi a-t-il fallu verser tout ce sang ? Quel était le sens de ces combats ? Et que signifiait cette vision ? Les chevauchées ardentes ? J'aimerais avoir leur simplicité d'esprit et leurs croyances mystiques, mais je suis un homme de science. Dont la rationalité est déjà mise à rude épreuve depuis un bon moment.

Je monte la garde, du haut de mon camion, vers l'horizon vide et noir. À l'opposé du camp des Vautours, établi dans la ville. Sur ce flanc, Grimm a posté des tireurs plus aguerris, mais il fallait bien laisser des effectifs réduits pour surveiller le désert à l'est. Le néant ? À moins que...

Je plisse les yeux. Difficile de faire encore confiance à ce sens après les facétieux tours qu'il m'a joué et pourtant, c'est bien des volutes de poussières que je distingue sur les crêtes osseuses et sous la lueur sélène. Un motard.

À ma gauche, Demeter l'a aperçu aussi. Son canon scié se lève dans la direction de la silhouette qui fonce droit sur nous. Je dois réagir. Et au quart de tour.

— Non, Demeter, c'est peut-être Zilla !

Plus qu'un peut-être, c'est un sûrement. À mesure que le pilote se rapproche, je distingue le voile caractéristique de ses cheveux qui flottent au vent.

— Justement. Grimm a ordonné qu'on l'abatte à vue.

— As-tu perdu l'esprit ? C'est l'un des nôtres !

Et encore notre chef, me retins-je d'ajouter. La situation est passée hors de contrôle depuis les évènements du jour. La mutinerie n'en est plus au stade de projet, elle s'est concrétisée. Je pourrais rester sagement à ma position, laisser Demeter descendre Zilla... et risquer ma peau en obéissant à un furieux comme Grimm qui n'accorde sa valeur qu'au sang et au massacre. Certainement pas à la science.

Je cours sur la planche — passerelle improvisée entre nos deux promontoires — pour arriver au niveau de Demeter et saisit le canon de son fusil. Il bascule au moment du tir et la balle se perd dans les étendues désertiques.

— À quoi tu joues ? Bouge de là, Talinn, ou je te bute aussi !

Demeter n'a jamais été mon meilleur pote, tant s'en faut, mais de là à l'imaginer capable d'appuyer sur la gâchette... Et pourtant, le chasseur s'est dégagé d'un bond et brandit son canon en plein sur ma poitrine...

Une détonation déchire l'air. Je sursaute. Ce n'est pas pour moi. La balle transperce la gorge de Demeter. Le malheureux porte ses mains à sa trachée tranchée et s'écroule dans un pathétique gargouillis. J'ai eu ma dose de sang pour aujourd'hui — pour toute une vie — je détourne le regard. Zilla est là, en contrebas, à califourchon sur une Triumph, un simple colt à la main.

— Merci Tal.

Je secoue la tête. Pourquoi est-ce que j'ai l'impression de voir un fantôme ? Il n'est parti que quelques heures et il me donne déjà le sentiment d'avoir changé. Sa silhouette est crasseuse, maculée de sable et de sang, surtout son bras droit, blessé par balle. Comment pouvait-il conduire dans cet état ?

Je réalise que ce serait plutôt à moi de le remercier de m'avoir sauvé la vie. Mais nous n'avons pas le temps pour ça.

— Grimm a usurpé le pouvoir et a ordonné à ses hommes de tirer à vue.

— J'avais remarqué.

— Il est près du feu avec une quinzaine de ses gars.

Pas dur à trouver, il suffit de suivre les rires et les braillements. J'avise le canon scié de Demeter. Il n'en aura plus besoin. Zilla, en revanche... Je lui lance l'arme avec la sacoche de cartouches. Il rattrape le tout avec son adresse habituelle et hoche la tête en signe de reconnaissance. Son menton se dresse fièrement pour livrer son commandement.

Les Chasseurs de MiragesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant