61 - La cité des fantômes

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Delvin

Soldate. Je serais soldate. Il leur aura quand même fallu trois de leurs gardes à terre pour les convaincre de mes talents au combat.

Une fois rassurés sur mes compétences, ils ordonnèrent à deux de ces trois malheureux de m'accompagner jusqu'à mon nouveau poste. « Jouez le jeu », disait Os. Je ne suis pas à l'aise de me séparer de Selmek ni de Talinn que je suis censée protéger.

Je m'attendais à devoir composer, au sein de mon escorte, avec des mines aussi amorphes que celle de Zora. Le plus jeune trépigne d'excitation dès notre sortie du tribunal des admissions.

— C'était incroyable ! Où as-tu appris à te battre comme ça ?

Je manque de trébucher sur un pavé. Quel enthousiasme...

— Là d'où je viens, les ennemis sont nombreux et impitoyables. Savoir se battre est essentiel.

— J'adorerais apprendre à me battre comme ça...

Je fronce des sourcils intrigués.

— Vous n'avez pas d'entraînement dans la garde ?

Le bleu hausse les épaules et frappe un caillou qui traînait sur la route quasi immaculée.

— Il y en avait avant, mais depuis que l'administrateur a mis en place le pacte de Sérénité, il n'y a plus de crime, donc plus besoin de s'entraîner.

Son aînée lui envoie un coup de coude bien senti. Ce n'est visiblement pas le genre de propos qu'il est convenable de servir à un nouvel arrivant, ni de prononcer tout court, en fait.

— Excusez-le. Ses propos dépassent sa pensée.

Le regard noir de sa collègue suffit à coucher le jeune dissident comme un chiot honteux. Il bredouille quelques excuses.

— Pardon, je ne disais pas ça pour remettre en question les décisions de notre administrateur. C'est une bonne chose que la paix règne à l'Interstice, n'est-ce pas ?

Je hoche la tête, avec un semblant de gêne. Un étrange sentiment de culpabilité m'étreint. Sommes-nous réellement légitimes de les attaquer afin de « rétablir la liberté » ? Même si ces habitants sont sous emprise, ils ont l'air de conserver leur personnalité. Quel droit avons-nous de rompre leur tranquillité sans demander leur avis ? Fut un temps, je conspuais le barbarisme et la violence des Rafales. À quel moment ai-je moi aussi franchi la ligne ?

J'évite de laisser les doutes s'entremêler dans ma tête. Pour l'instant, je dois penser à mes amis, ceux qui se mettent en danger ici et ceux qui restent coincés derrière la barrière. Ils sont les priorités. Le jeune, dont j'apprends qu'il s'appelle Reno, me tend l'uniforme de la garde. « L'armure » se constitue d'un cuir noir souple moins solide et moins protecteur que ma tenue actuelle. Je l'enfile quand même. Apparemment, c'est obligatoire.

Reno et Sylva, la plus expérimentée, me font faire le tour du rempart de la cité. Il n'est pas grand, pas très haut non plus. C'est la colline qui donne à la ville son surplomb. Je songe qu'en cas d'attaque, cela leur laisse une panoplie de défenses bien maigres. Si Sylva fronce un sourcil soupçonneux à l'idée que je m'inquiète si vite de leurs protections, Reno me répond avec insouciance :

— Personne ne peut nous attaquer avec cette barrière. Puis, même dans l'improbabilité où cela arriverait, nous avons les rayons à plasma.

À ces mots, il étire le bras pour désigner deux canons d'un modèle identique à celui qui a attaqué Rana. Il y en a le même nombre sur la partie sud du rempart. Une goutte de sueur perle à mon front et j'espère que l'œil de Sylva n'est pas assez aiguisé pour la voir.

Les Chasseurs de MiragesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant