52 - Dieu ?

19 3 2
                                    

Fen

Nom d'une bite en bois ! Est-ce qu'un jour ce Dieu à la con voudra bien nous faciliter la vie ? Même le Saint Chromé est moins loustic que ça. Elle est là ! À même pas une poignée de kilomètres de nous, elle est là. Cette foutue ville qui nous obsède depuis des mois. Et on n'est pas fichu de pouvoir l'atteindre.

Qu'est-ce que c'est que cette espèce de grillage ? Ce truc mesure au moins dix mètres de haut. « Seulement neuf mètres cinquante », précise la loupiote cinglée des chiffres. Je m'en carre, moi. La seule question qui me taraude, c'est : comment on est censés passer ça ?

Même le père Talinn baisse les bras. Soi-disant qu'il n'a jamais vu une technologie pareille dans sa palanquée d'archives. Transparente — ce qui nous laisse tout le loisir de baver sur l'inatteignable objet de nos convoitises — elle brasille d'arcs bleus, couleur flamme de propane. Sauf que dès qu'on essaye de toucher la paroi, la vicieuse nous repousse comme un aimant de même polarité ! Des poteaux d'un métal lisse et brillant soutiennent le bousin à intervalles réguliers. Évidemment : aucune prise pour escalader.

— Un moyen de la contourner ? Une entrée quelque part ? demande Zilla à Monsieur-Réponses-à-tout-ou-presque.

— Non. C'est l'entrée, déclare Os.

Sa neutralité habituelle m'exaspère plus que d'ordinaire. Il se fout de la gueule de qui celui-là ? On vient de se farcir des milliers de kilomètres pour ses chimères, pour que la route s'arrête là, et ça ne lui fait rien ? Je m'étonne que Delvin ne lui ait pas déjà sauté à la gorge avant de nous tancer avec un : « Je vous l'avais bien dit que c'était que des conneries ! »

Sauf que conneries ou pas. Elle est bien là, cette ville. Réelle ou putain de mirage ? Y'a qu'un moyen de savoir. Et on ne saura pas.

Je sens que la frustration est en train de me cuire le ciboulot. À tel point que je balance un énorme coup de pied sur la barricade. La force de répulsion me fait tanguer, même pas elle me laisse approcher un orteil ! Je tombe et atterris sur mon postérieur. Aïe. Nous narguer ne lui suffit pas, faut qu'elle nous humilie en plus !

C'est à ce moment-là que cet ennemi inerte choisit de nous porter le coup de grâce : d'une minuscule trappe — invisible avant qu'elle s'ouvre — se déploie un objet aussi rikiki, tout scintillant de ce métal bizarre, dans un bruit qui me rappelle le frottement de deux pièces mal lubrifiées dans un moteur. Qu'est-ce que c'est censé être ce truc au juste ? Est-ce qu'un si petit machin peut être dangereux ? Qu'est-ce qu'il en dit l'Os ?

Il n'en dit rien. Il mate, aussi intrigué que nous. Enfin, j'en sais rien, j'aimerais croire qu'il l'est.

Je sursaute et reporte mon attention sur le petit objet : une voix féminine vient d'en sortir.

— Bienvenue à l'Interstice. En raison des quotas imposés par la loi Sérénité et en vertu de l'article quinze de la commission démographique du bureau des admissions, nous ne pouvons ouvrir nos portes à l'immigration qu'à deux individus masculins et un individu féminin. L'obtention d'un acte de citoyenneté restera soumise à l'appréciation du comité d'évaluation des compétences. Merci de bien vouloir choisir les candidats les plus aptes parmi vous. Toute tentative de fraude sera passible de poursuites ou de réponses létales, dépendamment du contexte. Au nom de la Sérénité au sein de l'Interstice, nous vous souhaitons une agréable journée.

— Oh ! T'es qui toi ? Qu'est-ce que c'est que ce charabia ? Laisse-nous rentrer ! braillé-je sans savoir si la dame à la voix sans âme peut nous entendre en retour.

— Tu perds ton temps. Ça ressemble à un enregistrement automatique. Ou à une AI.

Merci Talinn, mais je n'ai aucune idée de ce que signifie ce que tu viens de dire. Moi, tout ce que je capte, c'est cette nénette qui se fout ouvertement de notre gueule.

Les Chasseurs de MiragesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant