38 - Second message divin

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Zilla

Un bruissement, léger comme le vent. Rien de nature à alerter mes sens, mais suffisant pour me tirer de mes songes. Les yeux encore collés de sommeil, je tâte à l'aveugle l'autre côté du lit. Là où devrait se trouver Os. Vide.

Je grogne et roule dans la direction du bruissement. La lumière du soleil à peine levé me permet seulement de distinguer les vagues contours de sa silhouette. Déjà habillée.

— Tu allais encore partir sans prévenir, lancé-je d'un ton dont je ne cache pas le reproche.

J'ai du mal à voir dans cette pénombre s'il se donne la peine d'esquisser l'un de ses faux sourires d'excuse.

— Je ne voulais pas te réveiller.

— Je voulais que tu me réveilles !

Je me hisse et étire un bras vers lui. Dois-je me considérer veinard qu'il ne fasse pas un pas en arrière ? Il laisse mes doigts agripper sa tunique et le tirer vers moi. Je le fais basculer sur le matelas et m'enroule sur son corps pendant que je dévore son cou.

Il geint plus qu'il ne gémit.

— Zilla, j'ai pas le temps. Selmek m'attend.

— Il attendra encore un peu, dis-je en glissant ma main sous les tissus.

— Justement non. Le gibier sort à l'aube.

Pour autant, il ne cherche pas à repousser mon intrusion et se colle même davantage contre moi jusqu'à quérir mes lèvres. Si doux soient ces préliminaires, ils ne durent pas. Il est pressé et je suis raide de ma trique du matin. Je le prends sans le ménager et me surprends d'y puiser toujours autant de plaisir.

Après un dernier et bref baiser, il se lève et lutte pour renfiler ce pantalon trop large pour ses hanches. Ce spectacle m'étire un énième sourire pervers.

— Os, je peux te poser une question ?

Il fait volte-face et même si son visage n'affiche aucune forme de contrariété, je sais, à force de le fréquenter, que je l'embête à le retarder. Mais il ne répliquera pas. Parce qu'on s'amuse tous deux de ce jeu puéril.

— Si nous rentrons de la chasse les mains vides, je t'en tiendrai pour responsable.

— Qu'a-t-elle de spécial, cette fille ?

Os nous a raconté sa vision — ou son message divin, comme il l'appelle — de la manière la plus plate et synthétique qui soit. Une histoire de prêtresses au service d'une divinité quelconque, attaquées par un groupe dissident de la ville voisine qui a choisi de vénérer un dieu ennemi.

Je lui ai demandé si ce fameux dieu qui guide Os fait partie de cette mythologie-là. Que nenni. « Ces dieux-là n'existent que dans l'imaginaire de ceux qui y croient », a-t-il répondu. Son dieu à lui est réel. « Et qu'en est-il du Saint Chromé ? » ai-je demandé. Il m'a seulement renvoyé une grimace dépitée qui vaut toutes les réponses. Heureusement qu'Aristote — que son âme rugisse avec les chevauchées ardentes — n'est plus de ce monde.

Bien que ce soit aux antipodes de nos habitudes de porter secours à des femelles agressées, Os nous a fourni une bonne raison de venir en aide à l'une d'entre elles en particulier. Celle qui l'a contacté. « Elle sait où se trouve la Terre Promise. »

Alors, légitimement, je me demande qui elle est pour disposer d'une connaissance qui échappe même à Os.

— Elle est comme moi.

Tourné de profil, je surprends un sourire timide sur ses lèvres. Pas de ses habituelles expressions factices qu'il mime pour s'adapter aux gens, non, un sourire sincère.

Je n'ai pas le temps de m'en étonner qu'il est déjà sorti, son chien lui courant après.

Je soupire et ferme les yeux encore cinq minutes. Je renonce finalement à trier les implications de cette révélation. Je m'habille et sors à mon tour. Au fond de la clairière, je découvre que Delvin opère déjà une série de tractions, suspendue à une branche.

Elle en saute gracieusement et fronce ses sourcils en me voyant — il semblerait qu'il s'agisse de la seule expression qu'elle ne daignera jamais m'accorder.

— Tu es en retard.

— Au moins, t'as eu le temps de t'échauffer en m'attendant.

Elle croise les bras, probablement courroucée de ne pas entendre un « pardon ». Elle ne pouvait quand même pas s'attendre à des excuses de ma part, si ?

— Et toi, alors ? Tu t'en dispenses ?

Je songe avec un rictus coquin à mes brèves activités physiques du réveil. J'imagine que ça peut compter comme un échauffement. Je lui rétorque que je suis prêt et nous passons les deux heures suivantes à échanger des prises d'arts martiaux pendant que le restant des troupes s'éveille tranquillement.


Les Chasseurs de MiragesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant