Chapitre 3

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Isaline ne faisait vraiment aucun effort. Il s'attendait pourtant à ce qu'elle y mette les formes cette fois après le désastre vestimentaire et corporel de la dernière fois, pour reprendre ses propres termes. Rémi devait bien reconnaître que se présenter avec les jambes en jachère, une culotte couverte de petits canards et des chaussettes dépareillées et résolument enfantines n'étaient pas du plus bel effet quand on se trouvait dans un jeu de séduction avec un homme. Le kinésithérapeute avait certes compris que sa patiente se fichait complètement de sa tenue vestimentaire et n'éprouvait qu'un intérêt modéré pour ses cheveux au tie and dye bleu virant à une sorte de bleu vert pastel moche et qu'il avait toujours vu attachés derrière sa nuque. Néanmoins, à leur dernier rendez-vous, Rémi avait été on ne peut plus clair sur ses intentions, mais de toute évidence, Isaline n'en faisait pas grand cas.

Bon, pour être honnête, Rémi n'espérait pas que la tatoueuse sorte le grand jeu. Il avait déjà aisément deviné à ses fringues et à sa façon de se tenir qu'elle ne portait que des jeans et frocs confortables, des baskets ou des petits tennis, et ses tee-shirts conviendraient beaucoup plus à son fils de vingt ans qu'à elle-même. Isaline ne mettait jamais de maquillage et ne coiffait guère sa tignasse, sauf pour la démêler, et quant à ses bijoux, ils se résumaient au strict minimum. Ainsi, la tatoueuse ne brillait pas pour sa féminité, et après sa journée de boulot, Rémi ne pensait pas ouvrir la porte sur une femme en petite robe moulante et collants opaques. Il ne pensait pas non plus se retrouver face à une Isaline en jean trop large et tee-shirt Mario Bros, avec les mêmes problèmes de sous-vêtements et de chaussettes que la semaine passée.

Rémi n'attendait pas grand-chose. Juste quelque chose d'un peu joli qui montrerait qu'elle n'était pas juste là pour qu'il la masse gratuitement et lui paye à manger. Quelque part, il avait la sensation de mériter mieux que ça. Mieux que toutes ces femmes croisant sa route et suivant à chaque fois le même schéma, où il se retrouvait systématiquement seul à la fin de l'histoire et avec quelques centaines d'euros en moins sur son compte bancaire.

« Isaline, on y va ?

- Oui, deux minutes. »

Pourtant, malgré sa déception, Rémi ne pouvait s'empêcher de la trouver belle dans son débraillement constant. Il prit donc plaisir à la regarder alors qu'elle répondait à un message sur son téléphone, assise sur un siège de la salle d'attente et les coudes posés sur ses genoux, en une position masculine qui lui correspondait bien. Sans doute faisait-elle partie de ces femmes qui avaient grandi comme des petits mecs et qui avaient vu leurs longs cheveux, leurs seins et leurs règles comme des trucs qui n'avaient rien à faire là et qui les emmerdaient constamment. Isaline lui faisait l'effet d'une femme qui n'avait jamais trop su quoi faire avec sa féminité et qui ne savait pas se mettre en valeur, à moins qu'elle préfère ne pas le faire.

Et pourtant, qu'est-ce qu'elle était belle... C'était même étonnant qu'une aussi belle femme soit célibataire. Elle était plutôt grande, avec une peau pâle sans le moindre grain de beauté et une taille plutôt marquée, de ce qu'il avait pu en juger. Son ventre plat et les formes harmonieuses de son corps étaient certainement dus au sport quotidien et à une alimentation restreinte par le manque de temps et peut-être d'intérêt pour sa santé. Si Rémi appréciait la belle ligne de sa silhouette, ce qu'il préférait le plus restait son visage qui avait créé un véritable chambardement dans son être au premier regard.

Il se rappelait encore du moment où elle s'était assise à côté de lui, emmenée par des pompiers. Allan se plaignait de son bras, aussi Rémi n'avait-il pas fait très attention à elle, mais quand il avait tourné la tête mécaniquement en l'entendant gémir, son visage tout entier avait viré au rouge et son cœur s'était emballé comme cela lui était rarement arrivé dans sa vie. Le kinésithérapeute avait aussitôt tourné la tête de peur qu'elle ne remarque son trouble et il lui fut bien difficile de garder toute son attention sur son fils et ainsi éviter de la regarder, elle. Or, quand Isaline leur adressa la parole pour la première fois et engagea la discussion avec lui, Rémi sentit comme un étau se refermer sur lui, instantanément.

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