Chapitre 20

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« Salut, Sacha. Voilà, je voulais juste te présenter mes excuses, par rapport à mon attitude de mercredi dernier. J'ai beaucoup réfléchi cette semaine, et je tenais à te dire que j'étais vraiment désolée. J'ai été très vexée de ne pas être invitée, parce que je t'apprécie beaucoup, parce que Vince et Andrew sont mes amis, et parce que j'aime notre groupe et j'aurais aimé faire partie du vôtre. De plus, je m'étais pas rendue compte de l'impact de mon attitude sur Andrew et toi, ni de l'attitude de Jérôme envers toi. J'ai décidé de couper les ponts avec Bao, afin que toi et moi redémarrions sur de nouvelles bases.

- Bonjour, Méliane. J'accepte tes excuses, mais tu peux continuer à parler avec Bao. Je ne me permettrai jamais de te demander de renoncer à une amitié pour moi.

- Non, elle ne m'a apporté que des ennuis. Je préfère m'éloigner d'elle pour le moment. Est-ce que tu serais disponible pour qu'on puisse boire un verre et discuter ?

- Non, je ne suis pas disponible, et je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Nous nous sommes déjà dit beaucoup de choses et je ne vois pas ce qu'on pourrait rajouter.

- J'aimerais juste discuter avec toi pour te prouver que je suis une bonne personne !

- Je ne doute pas un seul instant que tu sois une bonne personne, Méliane. Le problème, c'est ta propension à diffuser des ragots pour te rendre intéressante. Ce n'est pas autour d'un verre que tu résoudras ce problème. L'avenir me montrera si je peux te faire confiance ou non. Je vais te laisser, je pars travailler. Je te souhaite une bonne journée. »

***

Avec des gestes sûrs révélant tout son savoir-faire, et surtout sa passion pour les belles lignes sans accrocs, Sacha retraçait un dessin complexe sur la peau de sa cliente. Il s'agissait de l'un de ses projets les plus ambitieux depuis le début de sa carrière de tatoueur, de ceux qui pouvaient virer au fiasco comme valoriser ses qualités d'artistes. A vrai dire, sur le coup, Sacha avait refusé le projet tant il se sentait peu qualifié pour une telle pièce, mais Vicky refusait de s'en charger, Rebecca était trop chère et Isaline paraissait confiante.

Sa cliente du jour souhaitait compléter sa collection de tatouages inspirée des Studios Ghibli avec une pièce dorsale du dragon Haku positionné sur sa colonne vertébrale. Autant dire qu'un tel projet nécessitait un véritable travail de précision, autant sur le dessin car il fallait respecter les codes genre que sur les lignes qui ne devaient souffrirent d'aucun tremblement. A cela s'ajoutait la difficulté de la zone faite de creux et de bosses, dont la sensibilité pouvait occasionner des soubresauts et nombre de ratés. Autant dire que Vicky détestait tatouer les colonnes vertébrales et plus encore de jouer sa carrière pour ce genre de cliente.

Bon, dans les faits, Vicky était surtout fort peu aventureuse et préférait se cantonner à ce qu'elle savait faire. Sacha, en revanche, souhaitait gagner en polyvalence, donc il avait finalement accepté le défi. Il en était d'ailleurs assez satisfait, pour le moment. Ce motif le sortait complètement de sa zone de confort et il le trouvait très réussi, tout comme sa cliente qui mobilisait de grands efforts pour ne pas bouger malgré la douleur. D'autres auraient aisément passé leur temps à se plaindre, mais elle désirait tant un tatouage sur cette zone qu'elle luttait contre elle-même pour faciliter le travail de Sacha.

Cependant, une seule séance ne serait jamais suffisante pour terminer un tel tatouage. L'objectif du jeune homme était de tracer tous les contours, car il lui serait impossible de le reprendre convenablement une fois le stencil effacé. Les détails, notamment au niveau de la crinière et des pattes, seraient pour plus tard, et il leur faudrait une autre séance encore pour appliquer les couleurs.

Le métis mit fin à la séance quand il sentit que la jeune femme n'en pouvait plus. En vérité, elle était sa seule cliente de la journée, et la séance s'était étirée sur plusieurs heures entrecoupées d'étirements et de pose clopes. Le tatoueur savait d'avance qu'il mobiliserait trop de concentration et d'énergie pour réaliser des tracés parfaits pour recevoir qui que ce soit d'autres. Cette organisation leur avait permis de tirer une heure de plus, mais il ne voyait aucun intérêt à la torturer davantage.

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