Papillon

Chapitre 3

Pour être tout à fait franche, Elisabeth avait prévu une ambiance similaire, en ce premier et unique lundi matin des vacances de son fils. Toutefois, elle ne s'attendait pas à ce que ce dernier soit le plus excité du couple.

« Allez, Sacha, dépêche-toi !

- Andy, on a plus de deux heures d'avance...

- Et alors ?! Je te signale qu'on doit être sur place au moins une heure avant l'embarquement !

- Oui, et on est à vingt minutes de la gare. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on a dormi chez tes parents, parce qu'on voulait t'éviter un stress inutile.

- Et moi, je te rappelle qu'on a les douanes à passer et que ça ne se fait pas en un claquement de doigts !

- Andy, je suis Anglais, donc je sais parfaitement à quoi ressemble l'enregistrement de l'Eurostar... »

En réalité, Elisabeth s'était plutôt attendue à ce que Sacha soit le plus pressé de partir. Il n'avait certes pas géré grand-chose lors de leur séjour à Rome, mais son excitation chaque matin et cette façon tout à la fois diplomate et ferme de les mettre dehors pour aller visiter la ville révélait son plaisir de voyager. De plus, le jeune homme était un grand habitué des transports, quels qu'ils soient, donc l'enseignante pensait que le métis prendrait la tête de ce petit séjour en amoureux.

Or, Elisabeth réalisait à cet instant que la familiarité de Sacha avec les voyages l'avait rendu très apaisé. Lors de leur week-end en famille, il ne paraissait en effet jamais stressé à l'idée de manquer leur avion, et ce matin, il se préparait au départ tranquillement sans surveiller constamment sa montre. Il s'était même levé un peu plus tôt afin de préparer un bon petit-déjeuner à tout le monde, et Hans avait été ravi en découvrant des pancakes et des œufs brouillés dans son assiette.

« Ah non ! Stop ! Andy, par pitié, arrête de vérifier notre valise !

- Mais je suis sûr d'avoir oublié quelque chose !

- Non, tu n'as rien oublié. Ce qui te perturbe, c'est qu'on ait une valise pour deux, et je t'assure que s'il nous manque quelque chose, on pourra l'acheter sur place. On part pas au fin fond de la campagne !

- On ne sait jamais ! »

Ce matin, ce n'était donc pas Sacha qui faisait tourner tout le monde en bourrique, mais Andrew. En effet, le grand blond éprouvait une peur panique à l'idée de manquer son train, et Elisabeth en avait eu la preuve à de multiples reprises. Le flegme de son copain amplifiait son stress, sans parler de cette histoire de valise unique contenant toutes leurs affaires, car Andrew ne pouvait concevoir que Sacha parte en voyage avec uniquement un sac à dos, alors même que leur appartement était pourvu d'une machine à laver. Et connaissant son gendre, Elisabeth savait parfaitement qu'il n'avait rien d'un gros dégoûtant portant le même caleçon toute la semaine. Il était simplement mieux organisé et moins matérialiste qu'Andrew.

« On ne part que six jours ! Qu'est-ce que ça va être quand tu vas partir pour ton semestre à l'étranger...

- Je rentrerai avec deux valises et j'enverrai plein de choses en France par colis. Mais arrête ! Sacha, non, j'ai pas fini de vérifier !

- Si, tu as assez vérifié notre valise. Et après tu te plains que je me prépare pas assez vite ? »

Ainsi, Andrew faisait la misère à son petit ami depuis leur lever, et il angoissait tant qu'il n'avait rien avalé du petit-déjeuner. Elisabeth avait bien essayé de l'apaiser, mais Hans l'en avait rapidement dissuadé car leur fils n'écoutait absolument personne.