Chapitre 5

1.1K 77 71
                                    

De toute évidence, Vicky avait eu tort de s'habiller ainsi ce matin. Elle aurait mieux fait d'écouter John qui lui avait crié à travers le salon qu'il faisait 5°C ce matin et qu'elle risquerait de se transformer en glaçon si elle sortait avec son short, ses collants d'automne et cette veste ne ressemblant en rien à un manteau. La tatoueuse suivait habituellement les conseils avis de son mari mais elle était à la bourre, alors elle se contenta de déposer un énorme bisou sur sa bouche et de filer avec son bébé à la crèche. Depuis, elle avait pris le métro et rejoint le shop, où elle attendait depuis bien cinq minutes en claquant des dents et des genoux, les poings enfoncés dans les poches tirant sa veste vers le bas pour gagner quelques millimètres de protection.

Vicky manquait encore d'organisation mais ça allait venir. La tatoueuse n'avait plus l'habitude de venir aussi tôt au shop et en dépit des nouveaux horaires auxquels John et elle-même essayaient de se tenir, sortir en temps et en heure de la maison s'avérait encore difficile. Après tout, elle n'arrivait jamais au shop avant dix heures et demie depuis la naissance d'Evan et elle prenait son temps tous les matins pour prendre son petit-déjeuner, faire un brin de ménage et emmener son petit garçon à la crèche. Isaline et Sacha, de leur côté, débarquaient aux alentours de dix heures afin d'aérer et nettoyer les lieux, parfois rejoints par Vicky quand John commençait tard au collège ou par un tatoueur commençant une session pile à l'ouverture.

Cette routine s'était vue bousculée par l'accident domestique d'Isaline. Les premiers jours, Sacha et sa tante avaient essayé de trouver une organisation afin de pallier le manque de mobilité de la patronne. En effet, elle n'était pas capable de lever le haillon seule et Sacha refusait de la laisser dans le shop avec son pied cassé. Le jeune homme la déposait alors devant la porte, garait sa moto au parking, revenait le plus rapidement possible et se tapait tout le nettoyage pendant qu'Isaline essayait de s'occuper avec de l'administratif. Autant dire que Vicky fut abasourdie par cette décision douteuse de son petit frère qui n'avait vraisemblablement aucune estime pour sa santé physique et mentale. Elle en fit donc part aux autres membres de l'équipe de tatoueurs afin que chacun se relaie pour seconder Sacha.

Bon, dans les faits, ils n'étaient que deux à bien vouloir venir plus tôt pour lever le haillon et se bourrer le ménage. Merry estimait que ce n'était plus de son âge et acceptait de faire l'effort une fois par semaine, là où Vicky et Laurent, chacun avec un enfant à charge, venaient deux à trois fois en s'arrangeant entre eux. Vicky avait du mal à cacher sa déception vis-à-vis de la tatoueuse aux cheveux roses, car il n'était pas seulement question de Sacha mais de cette culpabilité qu'éprouvait Isaline en voyant son gamin s'épuiser à la tâche. A côté de ça, Vicky découvrait en Laurent quelqu'un de confiance sur qui elle pouvait compter.

Un soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres en voyant enfin la moto de son petit frère au bout de la rue. Elle fit alors quelques pas sur le trottoir, et quand Sacha eut stabilisé son engin, elle aida Isaline à en descendre. Celle-ci n'avait certes besoin de personne mais elle semblait avoir enfin compris que la moindre maladresse supplémentaire pouvait la mettre sacrément dans la merde. Vicky soupçonnait un certain kiné' d'être à l'origine de cela...

« Je vais me garer et j'arrive, dit Sacha quand Vicky eut rangé le casque d'Isaline. A tout de suite ! »

Le jeune homme fila comme l'éclair, et le temps qu'Isaline la rejoigne en claudiquant devant la porte du shop, Vicky ouvrait le haillon d'un geste sûr et affirmé. Sa patronne l'aida un peu parce qu'elle était petite, et ensemble, elles entrèrent dans le shop. A peine Vicky en passa-t-elle la porte qu'elle éprouva cette sensation si agréable d'entrer dans son deuxième chez-elle.

« Ah, il fait bien meilleur ici ! dit-elle sans retirer son manteau. J'étais en retard ce matin mais j'aurais vraiment dû prendre le temps d'attraper un vrai manteau... Tiens, tes béquilles !

PapillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant