Papillon

Chapitre 15

Sacha ne se souvenait plus à quand remontait sa dernière vraie gueule de bois, mais à n'en pas douter, celle-ci battait des records. A croire qu'une équipe d'ouvriers du bâtiment s'était invitée dans son crâne pour jouer du marteau-piqueur, entamant un chantier d'une telle envergure que le jeune homme sentait sa tête pulser quand des pics de douleur ne traversaient pas les gravas de sa conscience. Il avait passé une partie de la nuit à lutter contre les maux quand il ne pourchassait pas de rêves répétitifs, quand ses amis n'interrompaient pas son sommeil en rendant le contenu de leur estomac dans les toilettes.

Si seulement il avait eu le temps de dormir... Il venait à peine de se coucher quand son meilleur ami avait eu ses premières nausées, et Sacha avait failli vomir en découvrant Théo et son colocataire assis dans les toilettes à essayer de retrouver leur souffle. Un peu plus tard, Méliane puis Yann s'étaient joints à la partie et Sacha avait retrouvé son ami en pleurs dans la salle de bain car il avait tâché son haut de pyjama. Il était presque parvenu à le remettre au lit quand Andrew s'était levé à son tour car il commençait à se sentir mal. Le blond n'avait pas réussi à vomir mais il avait fallu le forcer à se rallonger et quasiment le bercer jusqu'à ce qu'il trouve le sommeil. Et au petit matin, c'était Sacha qui avait failli rendre les armes en lisant l'heure sur son téléphone et se rappelant soudainement qu'il devait promener ses chiennes.

Heureusement, Vicky s'en était occupé avec Iuliana, et à presque midi, Sacha hésitait à les rejoindre dans le salon où elles comataient devant un film de Noël, d'après le dernier message que sa sœur lui avait envoyé. Il manquait tant de sommeil qu'il ne se sentait pas capable de se lever, mais ce n'était pas en restant dans son lit à ressasser sa douleur qu'il se sentirait mieux. De plus, il n'était pas franchement d'humeur à câliner Andrew, celui-ci avait eu sa dose la veille. Et ce fut en pensant cela que son visage s'embrasa soudainement, engendrant un pic de douleur dans son crâne.

Un gémissement lui échappa et il entendit aussitôt Andrew remuer dans le lit. Ils avaient déconné la veille, Sacha l'avait su au moment même où son copain l'avait plaqué dans le couloir de l'entrée pour dévorer sa bouche. Ils s'allumaient depuis des heures, enchaînaient les verres, ne regardaient plus l'heure... Ce petit jeu ne pouvait que se finir ainsi, surtout après leur petit tête-à-tête sous la douche. Avec Andrew en ébullition tout contre lui, leurs mains se caressant dans la semi-obscurité de sa chambre, et son membre allant-et-venant contre le sien...

Les yeux grands ouverts sur le plafond de sa chambre, Sacha soupira un grand coup. Puis, il reconnut intérieurement que, depuis leur tout premier moment intime, il n'avait fait que rêver du suivant. Andrew avait été si compréhensif et Sacha si tendu que celui-ci ne pensait qu'à revivre ce moment sans toute cette pression. A vrai dire, au petit matin, il s'était senti comme à la fin d'une montagne russe dont il avait craint l'ascension et dont la descente s'était révélée plus sympa que prévue. Le jeune homme s'était fait la réflexion qu'il s'était monté la tête pour rien, bien qu'il sache que son traumatisme et son anxiété naturelle pour ces choses-là avaient beaucoup joué dans son blocage, et demeuraient bien présent. Il avait aussi conscience que sans la patience d'Andrew, et la totale confiance que Sacha nourrissait pour lui, ce moment n'aurait pas été aussi agréable.

Ainsi, le tatoueur avait secrètement espéré que son amoureux ne mettrait pas trop de temps avant de lui faire des avances, afin de rattraper la catastrophe qu'avait été leur première fois. Il ne pensait pas que ce moment arriverait si vite, et encore moins qu'il se répèterait deux fois dans la journée. Et que Sacha serait d'accord avec ça. Il s'était tellement imaginé refuser à Andrew l'accès à son corps, à cause de ce que lui avait fait Kyle, et de sa peur panique lié à cette étape cruciale dans la vie d'un couple, qu'il pensait vraiment faire ramer son petit ami. Or, Sacha avait accepté à chaque fois. Il en avait envie.