Papillon

Chapitre 18

« Donc, si je comprends bien : Tonton a rencontré Rémi à la gare quand tu as raccompagné Isaac à la gare, il l'a revu quand j'étais pas là parce qu'il est revenu déjeuner à la maison, il s'est fait embêter pendant un tea time entier pour tes beaux yeux, et moi, j'ai pas le droit de le rencontrer ?

- Exactement. »

Sacha regarda sa tante d'un air atterré. Il attendait probablement une réaction de sa part mais Isaline poursuivit ses bidouilles sur son ordinateur pour tenter vainement de lui faire comprendre que la discussion était close. C'était sans compter sur la ténacité de son filleul.

« Ca me dépasse ! lâcha-t-il soudain, la faisant sursauter. Tu te rends compte au moins que j'ai récuré la maison pour qu'elle soit bien propre pour ton date, et ta façon de me remercier, c'est de m'empêcher de le voir ?

- Je ne t'empêche pas de le voir, répliqua-t-elle. Je pense jusque c'est un peu tôt.

- Un peu tôt ? Vous êtes ensemble depuis bientôt deux semaines !

- Et c'est très peu !

- Mais Tata, Tonton est une véritable commère ! Je sais absolument tout de ce qui s'est passé en mon absence, il m'a tout raconté ! Tout ! Il est incapable de garder un secret, même Vicky a eu tous les détails ! Et tu as accepté qu'il le revoie. Alors que moi, je sais garder un secret, et je suis bien moins gênant que lui. Je te signale qu'il a parlé de tes culottes avec lui pendant que tu étais aux toilettes ! Pourquoi tu ne veux pas que je le rencontre ? »

Isaline se sentit à nouveau mourir de honte sur sa chaise. Une chance que la porte de la salle de repos soit fermée, sinon tout le shop serait au courant de ce détail que personne n'avait besoin de connaître. Elle n'avait pas besoin de Sacha pour savoir qu'elle avait commis une grossière erreur en réinvitant Rémi le dimanche où Sacha était absent et surtout en le gardant à la maison alors que Stephen devait passer. Le kiné avait été absolument adorable la veille et plus encore ce jour-là, et en lui demandant de partir, il aurait pu croire qu'elle avait honte de lui. La tatoueuse comptait donc sur le bon caractère de son meilleur ami, et sa parfaite compréhension des menaces proférées à son encontre s'il l'ouvrait trop.

Stephen n'avait évidemment pas pu s'empêcher de blablater pour ne rien dire, et comme Rémi était bon public, et soucieux de lui plaire, il s'était montré parfaitement attentif à tout ce que cet abruti pouvait lui confier. Autant dire qu'il l'avait jugée à de nombreuses reprises et qu'elle entendait encore parler de cette histoire de sous-vêtements, car s'il y avait bien un sujet sur lequel les deux hommes étaient tombés d'accord, c'était sur son style vestimentaire désastreux. Et le pire, dans cette histoire, était qu'Isaline avait fait un effort quand elle l'avait revu quelques jours plus tard, malgré son envie de lui mettre à lui aussi une claque derrière la tête.

« Sacha, je t'aime de tout mon cœur, mais je pense sincèrement que ce n'est pas le moment, répondit Isaline d'un ton plus ferme. On est ensemble depuis deux semaines, notre relation est fragile, et je ne me sens pas encore suffisamment en confiance pour te le présenter.

- Tu as rencontré Andrew alors qu'on était ensemble que depuis...

- Vous avez vingt ans, mon chéri. Moi, j'en ai dix-huit de plus. On n'est pas dans la même configuration.

- Précisément, j'ai vint ans, répliqua Sacha en croisant les bras. Je ne suis plus un enfant. Ce n'est pas un beau-père que tu vas me présenter, mais ton copain. »

Isaline allait le contredire mais le mot « copain » lui resta en travers de la gorge. La tatoueuse sortait avec son kiné depuis près de deux semaines à présent et elle ne parvenait toujours pas à le qualifier ainsi... Ils se connaissaient pourtant depuis deux mois, s'envoyaient des messages matin et soir, s'appelaient tous les deux jours et essayaient de se voir deux fois dans la semaine. Pour autant, elle n'arrivait pas encore à le qualifier ainsi. C'était un mot trop jeune pour elle, trop gamin, trop...