Chapitre 1

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L'odeur était épouvantable. C'était exactement dans de telles circonstances qu'Andrew réalisait dans quel environnement privilégié et purement citadin il avait grandi durant toutes ces années. Certes, il était habitué à circuler presque exclusivement en transports en commun et toujours en train quand il s'agissait de parcourir de grandes distances. Ses parents s'offraient parfois des places en premières classes pour plus de confort, et même les rares fois où ils avaient pris l'avion, ils ne faisaient jamais appel à des compagnies low-cost. Cependant, Andrew se pensait plus près des réalités, surtout depuis qu'il passait tous ses dimanches dans une maison de banlieue.

Or, s'il avait cru que promener des chiens sur les bords de Marne ressemblait à une sortie à la campagne, il avait tort. La réalité, c'était qu'il était un putain de citadin parisien.

« Je déteste les toilettes publiques, gémit Seamus en se lavant les mains. Je n'arriverai jamais à comprendre comment les gens font pour dégueulasser à ce point des sanitaires !

- Si les mecs apprenaient déjà à viser au lieu de pisser à côté, maugréa Andrew en l'imitant.

- C'est juste immonde. »

Les deux hommes se jetèrent un regard dans le miroir, puis ils terminèrent prestement de se laver les mains afin de mettre fin à leur apnée.

Celle-ci avait débuté dix minutes plus tôt quand Sacha s'était garé devant cette hideuse station-service. Il faisait nuit noire, un vent de dingue soufflait à l'extérieur et Andrew se sentait autant en sécurité à l'idée de sortir de la voiture que si son copain l'abandonnait en plein milieu de la forêt. Il était même prêt à souffrir encore mille morts à cause de sa vessie sur le point d'exploser, pourvu qu'ils arrivent à bon port, mais c'était sans compter Seamus qui avait insisté pour s'arrêter et Soraya sur le point de vomir dans la voiture de Yann.

Andrew ne voulait pas faire la moindre pause. En fait, il ne voulait même pas de ce week-end à la campagne organisé par ses amis qui souhaitaient se mettre un peu au vert pendant deux jours. Le jeune homme détestait la nature, les petites bêtes, le froid et cette impression de décalage qu'il ressentait auparavant chez Sacha et qu'il éprouvait à chaque étape le menant si loin de Paris. Il n'était même jamais mis les pieds dans un endroit ne ressemblant pas à une ville et il craignait profondément de se sentir mal-à-l'aise dans la maison du grand-père de Théo. Et puis, il y avait toute cette route, l'idée que Sacha roulait de nuit après une longue journée de travail et son manque de confort à l'arrière.

Rien n'allait. Ni le trajet, ni la destination, ni cette station-service aux abords d'Auxerre, une ville qu'Andrew aurait été bien incapable de situer sur une carte.

« Allez, courage, souffla Seamus. Dans une heure, on est chez René. J'ai qu'une hâte : poser mon cul à table, manger et aller me coucher. On les a méritées, ces vacances !

- Comme tu dis, soupira Andrew. Cette dernière période a vraiment été épuisante sur le plan mental... Entre le couple de Bao et Jérôme, les saloperies qu'il a sorties à Sacha, les angoisses de celui-là à propos de notre première fois et la crise avec Vince et Iuliana... Ne te marre pas ! Je te jure, je suis épuisé. Qu'est-ce que j'aurais pas donné pour passer un week-end pénard à Paris...

- Dis-toi que ses fesses seront tout à toi dès lundi, plaisanta l'Irlandais. Allez viens, on va les rejoindre. »

Andrew y comptait bien, et ce fut sur cette pensée positive qu'il quitta les sanitaires pour hommes avec Seamus. Quelque part, cracher tout ce qui lui avait pris la tête au cours de ces dernières semaines lui avait fait du bien, car il avait accumulé une certaine fatigue et un grand besoin d'appuyer sur le bouton « pause ». L'effet vacances commençait toutefois à agir, en dépit de sa mauvaise humeur, due à une journée globalement pénible et l'impossibilité d'aller embrasser son petit ami la veille.

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