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“À Ace, mon amour.

C'est pas une lettre d'adieux.

Ouais, t'as bien lu. Alors, arrête de pleurer.”

J'essuyai quelques larmes du revers de ma main en souriant. Je repris.

“Il y a quelques années, je me suis posée une question : "Où sont passées les lucioles ?". Tu sais, je me suis demandé si quelqu'un pourrait, un jour, rallumer mes lucioles. Ce quelqu'un, c'était toi. Tu m'as complété. Tu as fait de moi quelqu'un de bien. Et alors que le ciel était complètement noir, sans une lumière, je me suis rendu compte que mes lucioles étaient seulement endormies, quand je t'ai vu.

Dans ce métro, tout s'est mit à exploser en moi. Et ces petites lucioles, d'un coup, se sont réveillées. Ça a été comme un feu d'artifice.

Je sais que tu lis ça pendant mon opération. Je te connais par cœur, tu n'y as pas résisté, pas vrai ?

C'est pour ça que ce n'est pas une lettre d'adieux. C'est chiant, les lettres d'adieux, dis pas le contraire.

Enfin.

Il n'est pas beau, le lever du soleil ? J'aurais voulu le voir à la plage, une dernière fois, avec toi, avant de me faire opérer. J'ai qu'une semaine pour le faire, avant mon opération. Mais, je sais que je ne pourrai pas conduire. J'avais dit que je voulais peindre ça. C'est pour ça que j'aimerais vivre pour en être capable. 

Ça, puis... Bien-sûr, rester avec toi pour toujours.

Aujourd'hui, c'est ton concours. Je peux au moins être là. Je suis heureux.

Écoutes, le destin nous a permis de nous rencontrer une fois. Peut-être sera-t-il aussi gentil une fois de plus ?  Quand viendra le moment où je serais dans cette salle, où nos regards se perdront à l'entrée du bloc, je sais que tu continuera à allumer les lucioles.

Je sais que ça va aller.

Parce que quand je fermerai les yeux à ce moment-là, je peindrai ton image sous mes paupières. Tes tâches de rousseur, tes yeux aussi profonds que la fosse des Mariannes, tes cheveux cosmos, qui volent au vent comme un corbeau plane au dessus d'un champs enflammé, ces rougeurs, comme le vin renversé sur une nappe blanche, encrées sur tes joues chaque fois que tu m'embrasses, ces douces petites mains qui attrapent les miennes timidement dans la rue, sur le lit, sur le canapé, au café... Ta bouche comme un bouton de rose qui s'épanouit et forme cette virgule quand tu me dis "je t'aime", celle-là même qui pose des baisers sur mon nez quand tu me crois endormi. Si mignon. Ta peau de lait, comme un doux voile de soie blanche, ta voix cristalline, qui pourtant porte un léger accent campagnard. Je ne t'ais jamais demandé. Viens tu de la campagne ? Un petit coin de Caux, je dirais."

Je souris. Il avait vu juste. Mes frères et moi habitions autrefois au Pays de Caux, petite région naturelle perdue en Seine maritime, en Haute Normandie, dans un petit village en bord de Seine : Caudebec-en-Caux. Cela remontait à loin, et je ne m'étais jamais rendu compte d'un possible résidu d'un léger accent cauchois.

Tu bredouilles quand tu parles, j'aime ce son particulier. Tu n'as pas la même voix avec moi qu'avec ton petit frère, la crevette. Ta voix sonne plus protectrice, mais aussi plus douce.
Je peindrai sous mes paupières l'image de mon Ace. Celui que j'aime, celui qui est mon âme sœur. Celui qui a su rallumer mes lucioles. Celui qui a su me compléter, me supporter, moi et ma maladie. Tes frêles épaules semblent supporter toute la misère du monde, et je m'excuse d'avoir ajouté ce poids. Aussi, je te remercie de l'avoir supporté.

My Anxiety, His FirefliesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant