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Ça y était. Nous rentrions chez nous. J'ouvris la porte doucement, la boule au ventre.

Personne.

"Il est parti."

Sabo souffla longuement son soulagement.

Je rentrai dans la maison, Marco me suivit en tenant Luffy par la main.

"Papa va bientôt recevoir la lettre."

Je m'installai dans le canapé et observai mon petit frère un instant. Il resserra son emprise sur la main de mon blond, lui faisant crisper un peu ses doigts. Marco était grand, et, à côté, Luffy avait l'air ridiculement petit. Mon amoureux mit un genou à terre et posa sa paume sur la joue de mon cadet.

"Faut pas t'en faire. Je te promets que tout va bien se passer, crevette. Ton papa va bientôt faire quelque chose pour vous aider, tu verras."

Luffy baissa les yeux, et je l'entendis murmurer :

"J'ai peur..."

Il pleurait.

"Et... Et si c'était une mauvaise idée ?"

Marco sécha ses larmes de son pouce.

J'inspirai longuement. Ça faisait mal de voir mon petit frère comme ça. Je plongeai mon regard dans celui de Sabo, qui posa sa main sur mon épaule, comme pour me faire comprendre qu'à lui aussi, ça lui faisait mal.

"Imagines que ça soit pire, après ? I... Imagine que Ace prenne encore plus de coups, à cause de nous ? Et... Et si il nous faisait encore plus de mal ? Je... C'est tellement égoïste, mais... J'ai peur de me faire taper aussi."

La main sur mon épaule se crispa. Je levai les yeux vers mon jumeau. Il pleurait aussi.

"Co... Comment on va faire, si il revient quand même ? Et... Et qu'il frappe trop Ace et que du coup il..."

Marco coupa mon petit frère en le prenant dans ses bras.

"T'as pas à t'en faire, crevette. Ce qui arrive là, c'est des histoires d'adultes, maintenant, d'accord ? Enlève toi ce poids de tes épaules. T'es trop jeune pour te soucier de tout ça. Un enfant ne devrait jamais avoir à subir ça, ou même à voir ça, Luffy. Tu vas avoir 16 ans. Combien de tes années d'enfance ont été prises par lui ? Tu as grandi bien trop vite. Mais, maintenant, je vais m'occuper de ça, d'accord ? T'auras plus jamais à t'en faire, c'est promis, p'tit bonhomme."

Mon cadet posa son front sur l'épaule de mon blond, se laissant aller dans son étreinte.

Je me redressai, pour m'agenouiller sur le bord du canapé et prendre Sabo dans mes bras.

Ce contact, cette simple étreinte... Cela faisait un moment que je n'avais pas fait ce genre de choses avec mon jumeau. Et j'en souffrais. Avant, lui et moi avions cette relation si particulière, cette relation fraternelle et fusionnelle. Elle me manquait. Je regrettais les instants que l'on partageait ensemble, ces moments de complicité qu'on avait avant qu'on soit séparés, à notre entrée au lycée. Mon Sabo me manquait. Mon jumeau n'était plus là. Il n'était plus lui-même. Plus qu'un reflet de lui. Il était ailleurs, tout le temps. Délicatement, je passai une main hésitante dans son dos pour tenter de calmer ses pleurs.

Il renifla, puis ferma les yeux.

"On va s'en sortir, tu verras."

Il ne répondit rien.

"Tout ira bien, maintenant."

Il ne répondit rien.

"Faut pas avoir peur."

Il ne répondit rien.

"C'est en train de changer."

Il ne répondit rien.

"Je t'aime, frangin.

_... Je t'aime aussi..."

Je le fis basculer sur le canapé avec moi, et tendit la main à Marco et Luffy, qui ne tardèrent pas à nous rejoindre. Mon petit frère se réfugia dans les bras de mon jumeau, et mon blond me prit dans une douce étreinte.

"C'est demain, la rentrée, dis-je, pour changer de sujet.

_Hmm, souffla Sabo.

_J'veux pas déjà y retourner..., grogna Luffy.

_Allez, dans à peine deux mois t'es en vacances, lui rappelai-je.

_C'est trop long..."

Je ricanai.

"Et ton concours, c'est mercredi, remarqua Marco."

Je toussotai.

"Je vais aller m'entraîner, du coup."

Mon blond sourit et me suivit jusque dans ma chambre.

Je posais mon classeur de cours et pris ma pochette verte sur mon dos.

"Qu'est-ce que tu fais ?

_Je vais sur le vieux bâtiment."

Il souffla du nez, amusé, et marcha à ma suite.

Le soleil dans la rue tapait fort. Je soupirai.

"Il fait vraiment chaud, hein ?"

J'agrippai l'échelle. Marco s'installa sur le muret de béton pour m'observer.

Je sortis mon instrument.

Paganini.
Caprice numéro cinq.
Tellement technique...

Je jouais la partition entièrement.

À la fin, Marco applaudit. Je secouai la tête.

"M'applaudis pas, c'est pas abouti."

Je posai à nouveau l'archet sur les cordes.

Non, je ne devais pas jouer la partition.

Je devais m'approprier la partition.
Je devais ressentir chaque note, y intégrer mes émotions.

Quel sentiment m'évoquait cette partition ?

Je réfléchis un instant.

Et si elle ne m'évoquait rien ?

Peut on jouer avec le néant ?

Est-ce que "rien" était un sentiment ?

Je commençai à jouer.

"Rien" ?

"Rien", était-ce l'absence de son ?

Ou était-ce un son vide ?

Un son perdu, qui ne trouvait pas son sens.

Comme...

Comme moi.

"Perdu", était-ce une émotion, alors ?

Parfois, je me sentais perdu, oui.
Parfois, je me sentais rien, aussi.

Fin.

"C'est bon ? Je peux applaudir ? Parce que là c'était encore mieux que tout à l'heure."

Je souris.

"Oui, c'est bon, j'ai trouvé."

My Anxiety, His FirefliesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant