COUP DE THÉÂTRE

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  Je n'ai pas adressé la parole à Gabi depuis plus d'une semaine, depuis que nous avons appris les fiançailles de June et Aaron. Ce soir-là, il est parti en trombe de l'appartement sous prétexte de devoir prendre l'air et il n'est revenu qu'une heure après. Je ne sais pas où il a été ni même ce qu'il a fait pendant ce temps-là mais Gabi a été extrêmement chamboulé quand il a su que nous allions retourner en Australie ensemble. Je l'ai été moi aussi mais certainement pas autant que lui.

Depuis cette soirée-là, nous n'avons pas échangé un mot. Je crois que nous avons tous les deux eu besoin d'un moment pour réaliser que tout ça était bien réelle, que nous allons bientôt retourner là où tout a commencé entre nous. Je ne suis pas rassurée à cette idée et Gabriel semble du même avis que moi. Notre comédie est sur le point de reprendre de plus bel.

Dès notre retour là-bas, nous devrons enfiler de nouveau nos masques d'acteurs, ceux-là même que nous avons porté pendant des mois. Nous ne pourrons rien faire d'autre que de reprendre notre rôle d'imposteur pour jouer la comédie que nous avions mise sur pause depuis notre vie à L.A. Je n'aime pas savoir que nous allons être réduit à ça de nouveau mais je crois que Gabriel vit cette situation encore moins bien que moi. Il déteste devoir mentir et faire semblant. J'ai peur qu'il ne supporte pas ce retour à la case départ.

Ainsi, j'ai pensé qu'il était nécessaire que nous en discutions tous les deux. Je n'ai pas osé aborder le sujet la dernière fois de peur qu'il ne s'emballe une fois de plus et qu'il m'envoie valser. Il était déjà tellement à cran. Je n'ai pas voulu en rajouter une couche. J'ai préféré attendre qu'il encaisse la nouvelle et qu'il accepte l'inévitable.

A présent, je ne peux plus attendre. J'en ai assez de me torturer l'esprit à propos de toute cette histoire. J'ai besoin d'en parler avec Gabi et je veux m'assurer qu'il va bien. J'ai donc décidé d'aller le trouver à la fin de son cours de théâtre. Il ne pourra pas m'échapper cette fois-ci. Nous devons discuter de tout ça comme des adultes. Je ne me suis pas déplacée pour le regarder dans le blanc des yeux sans rien dire.

Quand je pousse la porte du petit théâtre où la répétition se termine, des étudiants sont déjà en train de sortir, leurs affaires sur les bras. Ils se dirigent tous vers la sortie. J'avance alors à contre sens pendant qu'ils se déplacent par groupe vers l'extérieur. Il ne me faut qu'une petite dizaine de secondes pour repérer celui que je suis venue chercher.

Gabriel est justement en train de ranger ses affaires au deuxième rang. Il ne me voit pas approcher, trop occupé à mettre des fiches en vrac dans son sac. Je fonce vers lui pour être sûre de l'attraper avant qu'il ne s'en aille lui aussi. Nous avons des comptes à régler et je n'ai pas l'intention de sortir d'ici avant que ce soit fait.

-Gabi, l'interpelle-je alors en arrivant à ma hauteur.

En entendant ma voix, il lève ses yeux vers moi tandis qu'une mèche brune retombe sur son front. J'ai envie de la replacer et de dégager son beau regard mais je me retiens. Il le faut finalement de lui-même.

-Qu'est-ce que tu fais là ? me lance-t-il avec un regard sceptique.

-Je voulais te voir.

-Pourquoi ça ?

Je n'ai même pas le temps de répondre qu'il m'assène une de ses remarques sarcastiques dont lui seul connaît le maniement.

-Je te manque peut-être ? ricane-t-il.

Interloquée, je fronce les sourcils.

Je n'avais pas eu le droit à ça depuis un bon moment, depuis que nous avions décidé d'enterrer la hache de guerre. J'ai l'impression que l'annonce de notre retour en Australie nous a fait faire demi-tour sur la voie de la réconciliation. Gabriel ne semble pas décidé à coopérer. Il est en train de redevenir celui qui m'en a tant fait bavé l'année dernière. C'est comme s'il se préparait à se venger de moi pour l'avoir forcer à mentir. Je n'aime pas ça.

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