Attraction irrésistible

COMME AVANT

 Mon père et Lili n'ont rien touché dans ma chambre. Tout est là où je l'ai laissé il y a quelques mois. On a simplement changé les draps de mon lit, fait un brin de ménage sur les meubles et le sol et ranger le bazar qui régnait malgré moi dans le placard et la commode. Je suis soulagée de constater que cette pièce est restée la mienne et n'est pas redevenu le bureau de mon père. Ici, c'est mon espace.

Maintenant que l'euphorie des retrouvailles est redescendue et que la journée est finie, je me sens plus calme et apaisée. Tout le stress du voyage a disparu depuis que nous sommes arrivés. Gabriel et moi avons fait une longue sieste dans l'après-midi mais le décalage horaire fait que je ne parviens plus à fermer l'œil alors que la nuit vient de tomber. Tout le monde est parti se coucher après le dîner. Je n'ai plus rien à faire à part cogiter bêtement dans mon lit.

Il y a tant de souvenirs dans cette chambre, tant de bons comme de mauvais. Je me souviens encore du soir où Gabriel s'était glissé par la fenêtre pour rentrer dans la maison. Nous nous rencontrions pour la première fois ce soir-là. Je me suis tout de suite méfiée de lui et notre petit jeu a commencé. Je me rappelle aussi des nuits où il m'a rejoint pour que nous partagions un moment ensemble à l'abri des regards. Nous nous sommes aussi disputés dans cette chambre. Nous avons échangé autant de mots durs que de baisers ici.

Si je fermais les yeux un moment, je pourrais presque croire au voyage dans le temps. Je pourrais penser que je suis encore la fille qui est arrivée en Australie et non plus la femme que je suis devenue en la quittant. Je n'aurai pas de mal à croire à un retour dans le temps. Le décor est le même, l'odeur et la chaleur qui emplit la pièce n'ont pas changé et mes sentiments pour le garçon d'à côté n'ont pas failli depuis la dernière fois.

Je me demande alors si Gabriel a réussi à poursuivre sa nuit contrairement à moi.

La journée a été encore plus éprouvante pour lui. Lili ne l'a pratiquement pas lâché d'une semelle en dehors des quelques heures qu'il a passé dans sa chambre à se reposer. Il a dû encaisser toutes ses questions et ses attentions. Sa mère est tellement heureuse de le savoir de nouveau à la maison qu'elle ne parvient pas toujours à contrôler son instinct maternelle. Je crois que Gabi s'est senti étouffé mais il n'a rien dit. Il était simplement soulagé d'être de retour chez lui.

Quand je le vois arpenter les couloirs de cette maison, j'ai l'impression d'être de nouveau avec le Gabriel que j'ai connu en arrivant ici l'an dernier. Sa place est ici quoi qu'il en dise. Je ne pense pas qu'il soit aussi épanoui à Los Angeles. Son monde tourne autour de cette atmosphère qu'on ne trouve que dans ce pays au charme unique. Je ne serai pas étonnée s'il voulait revenir vivre dans la région. Il n'est totalement lui-même que quand il est sur ces terres sauvages et brutes.

Si j'y réfléchis une seconde, j'avoue qu'une vie ici ne me déplairait pas. Je pourrais m'adapter facilement et me sentir chez moi sans trop me forcer. J'aime mon quotidien dans la chaleur australienne. Le paysage m'est familier maintenant et le soleil quasi-permanent ne me dérange plus. Je me suis faite à la vie ici et j'aime celle que je suis quand je joue l'étrangère tombée amoureuse du pays des kangourous.

Tout à coup, je m'imagine construire une vie avec Gabi dans ce pays qu'il aime tant. Je suis certaine qu'il serait heureux ici. Je vivrais loin de ma mère, mon frère et mon beau-père mais je me sentirai quand même chez moi. L'Australie n'a plus rien d'étranger pour moi. Je m'y sens comme à la maison. Je sais qu'on serait heureux, lui et moi.

Le fait de penser à lui me donne soudainement envie de le rejoindre. Nous n'avons pas eu une seconde à nous depuis notre arrivée et on ne peut pas dire qu'on ait vraiment eu le temps de se retrouver à L.A. Entre les cours et les préparatifs de notre départ, nous nous sommes à peine touchés depuis que l'on s'est remis ensemble.