BEL INTELLO

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-Alors, tu travailles ici ?

Assise face à Cole Davis, j'observe un instant le restaurant où nous sommes attablés. Lui a commandé un milk-shake au chocolat et moi un à la vanille. Je prends mon service dans trois-quart d'heure. Un petit milk-shake ne fera que me mettre en appétit pour tout les plats que je vais servir dans la soirée qui suit.

-Ouais, je réponds. J'ai commencé il y a deux semaines. Je suis encore en phase d'apprentissage. Ce qui veut dire qu'il ne vaut mieux pas que ce soit moi qui te serve pour le moment.

-C'est normal, sourit-il à ma blague. Tu as besoin d'un temps d'adaptation.

-Ouais, surtout quand on sait que je n'ai jamais été serveuse de toute ma vie.

-Tant que tu sais tenir un plateau, tu devrais t'en sortir.

J'acquiesce en souriant timidement.

Cole est vraiment un beau garçon. Ce n'est pas un mannequin de magasin ni un athlète au corps d'enfer mais il a son charme bien à lui. Ses lunettes qui lui tombent toujours sur le nez et qu'il doit sans cesser remettre en place y sont pour quelque chose. Je n'ai jamais vraiment fait attention à ce genre de garçon mais je dois avouer que lui a quelque chose de spécial.

-Bon, et si on parlait de notre projet, binôme ? rétorque-t-il après avoir avalé une gorgée de son liquide chocolaté.

-Allons-y. J'ai eu quelques idées. Je peux t'en parler d'abord et tu me donneras les tiennes ensuite.

-C'est d'accord. Je t'écoute.

Pour appuyer mes dires, je sors les quelques feuilles que j'ai imprimé avant de venir de mon sac et les pose devant lui. Sans attendre, il les étale sur la table et les inspecte minutieusement.

-J'ai découvert le travail de ce photographe il y a quelques années, commencé-je, et j'ai vraiment aimé ce concept. Il est allé dans la rue et a photographié le visage de gens prit au hasard. Des personnes totalement différentes les unes des autres. Il y en a pour tout les goûts. Différentes classes sociales, homme ou femme, de tout âge ou de tout style. Je me suis dit qu'on pourrait faire la même chose avec la population de Los Angeles. Lui l'avait fait avec les habitants de New-York. Je pense que ce serait intéressant de faire ça ici et de comparer nos résultats avec les siens pour en faire un commentaire dans notre dossier. On pourrait aller dans plusieurs quartiers de la ville et prendre des portraits de gens totalement différents, à l'opposé des uns des autres.

Cole ne quitte pas mes fiches des yeux durant toute la durée de mon monologue. Il étudie chaque feuille une par une. Après mon discours, il garde le silence encore un moment et prend le temps de regarder mes recherches. Il est impliqué dans notre projet, ça se voit. Et j'aime ça. Je n'ai jamais eu l'occasion de travailler avec quelqu'un qui aime la photographie tout autant que moi. C'est plutôt plaisant de se sentir connecté à quelqu'un quand cela concerne une passion qui nous tient depuis des années.

-Bon, j'ai une question, déclare-t-il finalement.

-Je t'écoute.

-Est-ce que tu te fous de moi ?

-Quoi ? rétorqué-je en pensant avoir mal entendu.

C'est lui qui se fout de moi. Pourquoi me moquerai-je de lui ? J'avais pourtant cru que mon idée était bien. Qu'elle lui plairait et que nous pourrions l'approfondir. Je ne comprends pas où il veut en venir.

Avant de dire quoi que ce soit, il fouille dans son sac et en sort un petit dossier qu'il ouvre devant moi. J'hésite un instant, ne comprenant pas ce qu'il veut dire, et pose finalement mes yeux dessus. Sur ces fiches, je vois – à quelques détails près – les mêmes recherches que moi. Ce sont les mêmes portraits que ceux que j'ai retenu et imprimé. Il y a là le nom du même photographe. Je comprends enfin. Nous avons eu la même idée, lui et moi.

Attraction irrésistibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant