Chapitre 55

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Dans la tente des opérations, Tatiana continuait d'assister à l'avancée de la police. Elle avait entendue des brides de la conversation entre Tamayo et l'inconnu qui avait appelé sur son téléphone. Après avoir raccroché, il annula le second assaut de l'armée. A contrecœur, il n'y avait aucun doute sur ce point. Le Professeur ne devait pas être totalement étranger à cette soudaine dissuasion. Le temps s'écoula, dans lequel le Commandant Sagasta continuait l'offensive. Une énième explosion ébranla le bâtiment. Cela faisait des heures que cela se produisait, l'une après l'autre. Sauf que celle-ci semblait plus puissante. Avec un arrière-goût de défaite. Peut-être ce sentiment faisait suite au grésillement radio qui suivit.

- Commandant Sagasta ? S'écria Tamayo, livide.

- Colonel. Nous venons d'être attaqués par l'un des braqueurs. Il ne figurait pas sur la liste.

Tatiana retint son souffle. Le lien ne fut pas difficile à faire.

- C'était Berlin. Nous sommes tombés dans une embuscade. Les grenades ont tout fait sauté (il prit une inspiration pour ensuite énumérer d'un ton solennel) Salvador Torrecilla, tombé au combat. Lucas Hernando, tombé au combat. Isaac Cobo, tombé au combat. Mateo Canalejas, tombé au combat. Et César Gandia, tombé au combat. Almiro Vazquez, touché. Arteche, blessures légères. Moi, je suis indemne.

- Gandia était avec vous ?

- Berlin l'a utilisé comme bouclier humain pour nous approcher. Il avait des grenades partout sur le corps. Il se trouvait au centre de l'explosion. Le braqueur, lui, s'est enfui mais nous l'avons mitraillé. Il doit être blessé à l'heure qu'il est.

Tatiana serra les dents. Les larmes menaçaient d'inonder ses joues. Andrès avait le chic pour se trouver au cœur de l'action. Il ne pouvait pas s'empêcher de voler au secours des autres et d'être le clou du spectacle. Tamayo s'assit sur une chaise, exténué.

- Je suis désolé. L'opération est annulée. Préparez-vous à évacuer par les airs.

- Non colonel. Hors de question qu'on abandonne. Nous sommes ici pour remplir une mission, en finir avec ce braquage et c'est ce que nous allons faire.

- Sagasta. Vous êtes deux, plus l'échappé de l'asile. Dans ces conditions, vous n'avez aucune chance.

- Non au contraire. Parce que cette fois ils ne vont rien voir venir. Alors colonel, ne lancez aucune autre action. Terminé.

Tamayo enleva son oreillette. Il soutint sans broncher les regards accusateurs de Suarez et d'Angel.

- On aurait dû attaquer simultanément à plusieurs contingents en renfort. C'est comme ça que l'on fait.

Sa colère était justifiée. Sauf qu'Angel n'était pas cruel au point d'accuser Tamayo de tous les malheurs. Dans un sens, personne dans sa situation n'aurait fait mieux, il le savait.

- Tamayo ces soldats qui sont morts avaient des enfants. Hernando, trois enfants. Canalejas, deux jumelles de moins d'un an. Cobo, un petit garçon et une femme enceinte.

- Qu'est-ce que ta dit ? Coupa Tamayo, soudain sortit de sa déprime.

- Cobo allait avoir...

- Oui c'est ça la solution. On diffuse des photos de ces soldats avec leurs enfants, en train de manger du chocolat, d'embrasser des chatons, à la plage.

Il se leva brusquement, son idée effaçant toute trace de peur de son visage.

- Qu'est-ce que tu racontes enfin ?

- Je veux voir une saloperie de téléfilm de Noel. Et il faut qu'on montre au monde entier ces corps défigurés, mitraillés. On va les exhiber comme le putain de cadavre de Che Guevara. Ca va pleurer à chaudes larmes dans les chaumières !

- Qu'est-ce que tu vas faire ? Faire de la pornographie émotionnelle avec la douleur de ces familles ?

- Ces gentils petits Robin des Bois ont fait explosés des héros tombés pour la patrie. Plus personne ne soutiendra une bande de meurtriers. La marée rouge va devenir une marée noire.

Il sortit en trombe, demandant explicitement le service des renseignements. Les deux hommes le regardèrent à travers le rideau. Ca dépassait les bornes.

- Il va le faire ! C'est de la folie siffla Suarez.

Mais Angel n'écoutait plus. Il ne savait pas quoi faire. 

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