Chapitre 68

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Le colonel Tamayo avançait sur l'estrade. Devant lui, les micros des différents médias attendaient sur le promontoire, là où il allait se tenir pour informer et rassurer le pays.

- Bonjour à tous, pardon de vous avoir convoqué si précipitamment mais j'ai une nouvelle importante à vous annoncer. L'enquête des forces de police a porté ses fruits et nous avons intercepté deux camions transportant l'or de la réserve nationale.

Son sourire tendu tenta de calmer l'afflux de questions. Il apaisa les journalistes, son esprit se remémorant les paroles du Professeur. Il suivit à contrecœur les instructions, comme s'il récitait une leçon, et non pas l'avenir du pays.

- Le Professeur est entré dans la banque pour négocier la reddition de sa bande et éviter des pertes supplémentaires. C'est dans cet objectif qu'il s'est rendu dans le sous-sol de la banque à 48 mètres de profondeurs ou se sont retranchés les braqueurs et où ils repoussent encore l'assaut des forces armées de sécurité.

Il s'interrompit, prenant le temps de reprendre son souffle et de garder son calme.

Vous conclurez sur un message de confiance et de transparence. Dès que votre conférence sera diffusé, des camions viendront devant la banque, vous pourrez les escorter sur l'autoroute du nord.

- Et comment tu vas donner cet ordre menotté et enfermé ici ? Avait ricanné Tamayo.

- Je ne vais pas le donner. C'est vous qui le donnerez. Vous et votre communiqué à la presse. Tout est déjà prévu. Vous aurez gagné. Et tout le monde pourra le constater.

Son regard vit alors les fameux camions débarquer à sa droite, comme prévue. Une part de lui doutait encore des tours du Professeur mais là, devant les caméras, il vit que cet homme était vraiment capable de tout. Que les braquages n'étaient qu'une infime part du mal qu'il pourrait causer dans le monde. Quand cet homme jouait à un jeu, il prenait le temps d'avoir toutes les cartes en mains.

Bouche bée, le colonel suivit les soldats ouvrir les portes du camion. Les lingots d'or s'empilaient à l'intérieur, aussi majestueux qu'effrayant pour la police. Digne rescapé d'un cambriolage qui avait mal tournée. Mais il n'était pas au bout de ses surprises :

***

- Du laiton hurla-t-il. Les lingots transportés dans les camions sont du laiton ! Du putain de laiton plaqué or ! Je vous avais prévenu. Suarez, Canizo, à mes ordres.

Les soldats se préparaient à tirer sur les braqueurs. La panique s'installa. Seul Berlin ne paraissait pas inquiet.

- Laissez-moi une seconde. Ces lingots ont sauvé le pays, de la crise financière.

- Attend c'est pas toi qui jouais les Robin des Bois ? Et là tu n'as aucun scrupule à voler l'or de ton pays ?

- Je suis un voleur dit-il, après un regard à Lisbonne. Fils d'un voleur et frère de voleur et j'espère être un jour le père d'un voleur. Nul ne peut renier sa vraie nature Tamayo. Et je vous laisse une sortie honorable.

- Réfléchissez bien colonel continua Lisbonne. C'est assez drôle en vrai. Ca s'inscrit plutôt bien dans la tradition espagnole. Quel autre pays pourrait avoir une réserve nationale en laiton ? Et continuer à être l'une des principales puissances économiques du monde ? Le roman picaresque espagnol, n'a pas été écrit par les Anglais non ?

- Tamayo, vous allez devenir un héros. Cette petite différence de métal, ne sera juste qu'un secret d'Etat en plus. On se le confiera entre président durant, j'en sais rien, 50, 60, ou 70 ans. Et au fond, il ne se passera rien du tout.

- Armez se contenta de dire Tamayo.

- Non Tamayo, non! Supplia Lisbonne.

- Vous pensiez que vous alliez sortir d'ici comme des fleurs en me laissant une réserve nationale en laiton ? Dis-moi ou est l'or !

Il commença à décompter, insensible aux protestations des deux braqueurs.

- Cette réserve en laiton est pourtant la meilleure option possible. S'ils tirent je prouverai que votre or là en bas c'est du toc menaça le Professeur. J'ai des vidéos, des documents. Tout sera diffusé partout.

- quatre.

- Ce sera la faillite totale et vous n'aurez pas de plan B !

- trois.

- Ecoutez-moi c'est la solution à tous vos problèmes. Acceptez-le. Les marchés financiers du monde entier l'ont déjà fait. Vous devez l'acceptez-vous aussi. C'est votre seule option.

- Deux.

- Jamais vous n'aurez cet or. Ca ne dépend pas de moi. Le plan va suivre son cours. Pour protéger la bande, ceux qui sont à l'intérieur et ceux qui sont là-bas dehors.

- Un.

- Donnez l'ordre et vous aurez des morts et la faillite. Je vous l'ai déjà dit et je vous le répète, soit on gagne tous les deux, soit on perd tous les deux.

Tamayo baissa sa radio. Le Professeur y vit une ultime occasion, un mince espoir pour retourner la situation.

- Colonel, il est temps de le reconnaitre. C'est fini. Echec et mat.

***

- Bonjour à tous, le braquage est terminé. Le groupe d'intervention des forces spéciales a réussi à accéder au sous-sol de la banque à l'aide d'explosifs, libérant ainsi les derniers otages. Durant l'opération, après avoir opposé une forte résistance, les braqueurs suivants ont été abattus.

Tous les regards se tournèrent vers les hommes et les femmes qui sortaient de la banque en courant. Derrière, venait des soldats transportant des corps dans des sacs mortuaires. Il en sortait toujours plus, en écho aux noms dévoilés par le colonel.

« Anibal Cortes alias Rio »

« Santiago Lopez alias Bogota »

" Matias Cano alias Pameplune"

" Daniel Ramos alias Denver"

" Mirko Dragic alias Helsinki"

" Monica Gaztambide alias Stockholm"

"Martin Berrotti alias Palerme"

"Raquel Murillo alias Lisbonne"

" Andrès De Fonollosa alias Berlin"

" Sergio Marquina alias le Professeur"

Les soldats chargèrent les corps dans les camions ambulanciers de l'armée. Un silence respectueux les suivit lorsqu'ils sortirent de la grande place de la banque d'Espagne. Les fidèles de la marée rouges accompagnant leur héros du regard. Un simple regard mais brillant de toute la reconnaissance qui les avait assaillit durant le braquage. L'espoir perdurerait après leur départ. Leur mort n'était pas une fin en soi mais plutôt un nouveau départ. Un nouveau souffle rendu par l'amour, le courage et la détermination de cette bande des Dali. 

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