•Chapitre 50•

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    Willow était allongée dans son lit, les bras derrière la tête, à dormir sans vraiment quitter le monde réel. Ses pensées étaient toutes centrées sur Harry et leur jeunesse. La jeune femme soupira en revoyant leur jeune visage pas plus âgé de 9 ans. Elle se laissa guider par des souvenirs doux et joyeux, où tous deux jouaient le rôle de protagonistes dans une histoire à l'eau de rose qu'elle abhorrait tant maintenant. Elle se souvenait exactement de leur promesse, il y a des années de cela.

Harry était âgé de quelques mois de plus qu'elle, de cela, ils avaient grandi ensemble. Lorsque son oncle l'éleva, elle fut très vite touchée par la gentillesse du jeune homme, et par celle de sa famille. Sortant tout juste d'un trauma, elle se méfiait de tout le monde, baladait de manière paranoïaque ses yeux partout, sur tous les passagers, toutes les intersections de rues, tous les toits de la ville... Les nuits passaient lentement, les mauvais rêves la gardaient éveillée et s'amusaient à la tourmenter de la pire sorte. Ainsi, la lune lui apprit les premiers tours de cet art sanguinaire qu'était la torture, et le soleil lui procurait les sujets dont elle aurait besoin pour démasquer cet étrange ennemi caché dans les ombres des Murs. Mr Turion était un très bon ami de l'oncle de Willow, et avait à ce moment un fils, Harry Turion. Sept mois après la mort de ses parents et son adoption, la jeune fille alors âgée nouvellement de 7 ans rencontra les deux Turion à la forge de Martin.
La première fois qu'ils se virent, aucun d'eux ne parla. Elle était trop occupée à l'analyser, à monter une liste des possibles dangers qu'il pouvait engendrer. Le garçon, lui, était hypnotisé par la fille. La couleur de ses cheveux accentuait le gris clair de ses yeux perçants et concentrés. Son regard, tout comme sa présence, pesait lourd dans cette atmosphère chaude qu'était la forge.
Les adultes les présentèrent l'un à l'autre, puis reprirent une discussion les laissant seuls. Willow monta sur le toit de la maison, et quelques instants après, fut suivie du garçon. Il s'était assis à côté d'elle, silencieuse, les bras autour de ses jambes pliées. Elle fixait la ville d'un air mélancolique, sans étincelle de joie. Des cernes étaient encore tracés sous ses beaux yeux en amande, son teint était blanc, presque maladif, ses traits étaient tirés et monotones. Comme si elle n'avait pas pu dormir durant des nuits et des nuits, pas pris le soleil durant des jours et des jours; pas sourit durant des mois et des mois. Il l'avait toujours vue sous sa capuche, peu importe que la pluie battait ou que le soleil rayonnait, marchant rapidement dans les rues, aux aguets de quelque chose qu'il ne voyait jamais. Ce soir là, ils ne parlèrent pas. Ils restèrent tranquillement sur le toit, à regarder les autres de la ville fantôme.
Les jours passèrent sans qu'ils ne se revirent une fois. Puis des semaines. Harry la voyait parfois dans les rues, toujours cachée sous son couvre-chef. Et à chaque fois qu'il accélérait et courait pour l'atteindre, elle disparaissait. Comme s'il n'avait vu qu'une hallucination.

Deux semaines et demie après leur première rencontre, leur seconde eut lieu. Le ciel était couvert et le vent réveillé, mais la terre toujours aussi sèche et piétinée. Les rues étaient bondées, les voix portées, les marchés ouverts. Harry était en ville avec son père pour faire des courses, Mr Turion était en train de payer ses légumes quand le garçon repéra une petite silhouette au loin, de magnifiques cheveux à l'éclat rouge volant derrière elle. Il sourit et s'apprêta à courir vers elle quand il vit deux hommes lui prendre violemment les poignets, l'un couvrant sa bouche. La foule fut telle que personne ne vit ce qu'il se passa. Harry écarquilla les yeux et tira brusquement la manche de son père, lui criant qu'il avait vu la fille se faire kidnapper. Le père réagit directement après et courut avec son fils dans la direction de l'enlèvement. Après quelques instants, ils les virent de loin, la jeune fille avec un poignard dans la main, un homme au sol, baignant dans son sang, l'autre attrapant les poignets de la petite. S'ils furent choqués en premier temps, ils coururent vers eux sans se faire entendre, permettant au père de se jeter sur le dernier agresseur. Ils tombèrent au sol, puis Mr Turion vint l'assommer alors qu'Harry tenait Willow dans les bras pour l'empêcher d'achever la victime. Le père se retourna vers elle et écarquilla les yeux en voyant l'étincelle meurtrière et sans peur dans le regard de la fillette. Il tourna son attention vers le cadavre, poignardé plusieurs fois dans le ventre, une fois dans le coeur et une fois dans la jugulaire.
Il ne dit rien, dans le même état que son fils, puis se leva, lui prit son poignard par force et le plaça à côté de l'homme inconscient avant de prendre la main des deux enfants. Willow ne comprit pas, mais ne fit rien, encore rouge de rage et le regard noir. Ils se dirigèrent vers la forge en silence. En y arrivant, Martin avait regardé avec horreur les mains en sang de «sa nièce » ainsi que les marques que les hémorragies avaient posées sur son visage. Elle s'en rappelait comme si c'était hier.

CLAN ROUGEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant