Automne monotone

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On est, mardi, jeudi, vendredi ou peut-être mercredi, je ne sais pas et j'en n'ai plus rien à foutre. Ça doit faire une semaine ou peut-être un mois qu'on a retrouvé le corps de Paul. C'était trop tard, il était déjà mort même si j'avais déjà cette impression.

Je ne suis pas allé à son enterrement, je ne crois pas que les Weaver m'aient invité. Ces foutus Weaver, ces gens qui n'ont pas daigné appeler la police pour ne pas salir leur réputation alors que leur fils avait disparu.

Tout ce qu'il me reste de Paul, c'est un paquet de cigarettes. Est-ce que ça a un sens ? Je suis trop fatigué pour comprendre. Qu'est-ce qui compte maintenant ?

Je fais des insomnies, je ne sors plus de mon lit et je serais bientôt prisonnier de ces draps puisque je ne veux plus m'installer sur le toit pour ne regarder que le ciel. Si je retourne sur le toit, je ferai une grosse erreur.

Je ne regarde que rarement mes messages, beaucoup trop de notifications et d'appels manqués. C'est mes parents ou mes amis.

J'ai ce sentiment amer, comme si tous ce que j'avais vécu était faux et que tous ce que je vis est une blague. Je déteste tout ce que je fais, tous ce que je suis en train devenir. On appelle ça la culpabilité, je crois.

Parfois, j'entends toquer à ma porte, généralement, c'est mes parents ou Eva et Sam. C'est sympa mais je suis trop mal pour leur parler. Je vis comme un agoraphobe.

J'écoute de la musique mais, ça ne me fait rien ressentir. Je sais que j'aimais comprendre l'histoire que ça racontait mais, je ne vois plus rien, c'est comme si, j'étais là sans être là.

Je pense que le pire vient quand j'essaie d'écrire. Ça me donne juste l'impression d'assembler une suite de mots sans logique et, ce n'est pas ce que je veux.

Je ne suis pas froid, juste irritable, je ne veux pas faire subir ça à mes amis. J'ai cette foutue émotion, de me sentir comme une coquille vide.

Depuis, la fac a fermé parce qu'il y avait un mort. Quel système de merde, ils auraient du le fermer plus tôt.

Je pense à tous et à rien, jusqu'à ce que je ne m'enfonce trop et que je ne finisse par fondre en larmes à cause de souvenirs de Paul qui me hantent. C'est comme mes rêves.

Apparemment, la police veut m'interroger. Je ne sais pas si je devrais faire une omission volontaire ou tout leur dévoiler. Je pourrais aller en prison, mais, est-ce qu'on peut prendre pire si on ment ? Je pourrais dire que j'ai tué l'homme dans la forêt sans salir la mémoire de Paul et sans dénoncer Sam mais, est-ce qu'il se sentirait coupable ? Est-ce que les policiers finiraient par découvrir ça ? Quoiqu'il en soit, je suis coupable et, ça me tue lentement aussi.

Les seules interactions que j'ai avec des gens c'est quand on m'apporte à manger. Je ne me sens pas capable de tenir une conversation sans craquer, quel horrible sentiment. Tellement sentimental, c'est honteux.

Quand je me regarde, tous ce que je vois, ce n'est même pas un humain, plus un monstre. J'ai commencé à couvrir tous ce qui me montrer mon reflet. J'en peux plus. Ça fait mal mais, ce que j'ai fait me fait moi à supporter.

Quand on a trouvé le cadavre de Paul, on a appelé la police et les urgences mais, c'était trop tard. J'étais trop sous le choc pour agir normalement. Je suis resté dans la voiture tandis que Sam et Eva ont parlé à des policiers. L'instant d'avant, en attendant la police sur le bord de la route, j'ai assemblé des mots sans trop de sens. Eva a essayé de me rassurer malgré le choc. Sam était presque dans le même état que moi. On est rentré chez nous, mais peu importe ce qu'on me disait, je n'écoutais pas.

Je hais ce qu'il se passe, je suis en pleine chute et c'est comme si, il n'y avait pas de sol. Il y a eu ce jour, où j'étais seul à la maison. Je suis descendu, et, je voulais tout oublier. C'était soit ça, soit cette option plutôt radicale. J'ai pris une bouteille et j'ai bu jusqu'à l'ébriété, le trou noir.

Apparemment j'arrive à sortir d'une addiction plutôt rapidement. Il faut dire que les redescentes de l'alcool, ce n'est pas motivant pour continuer... même si, on oublie tout, tout nous revient et, ça nous enfonce.

Ma tête est remplie de parasites, de Paul, j'essaie de dormir, sans succès parfois alors, je prends des somnifères, ce n'est pas très réparateur au niveau du sommeil et, il y a pleins d'effets secondaires mais, c'est utile. Je pense trop avant de dormir, je revois les deux scènes les plus traumatisantes que j'ai vu cette année, ça me garde éveillé. C'est pour ça que je prends des médicaments.

J'en ai marre d'en vouloir au monde, tout est intense, la chute n'en finit pas et pourtant, j'ai les pieds sur terre. Combien de temps ça va durer... cette destruction mentale. C'est sans tact et je sais, c'est honteux.

Pourquoi est-ce que je fais ça ? C'est parce-que je n'ai vraiment pas envie de me retrouver dans un de ces centres spécialisés, même si ce serait la meilleure des choses.

J'entends trois coups à ma porte, c'est Eva, elle ouvre sans que je ne lui réponde. Elle me salue :
"Hey, ça fait une semaine que je ne t'ai pas vu.
-Je sais, désolé, je m'excuse.
-Ce n'est pas grave, chacun gère son deuil comme il peut. C'est compliqué et, j'imagine que ça doit être pire pour toi, elle dit d'une voix calme.
-Désolé que tu me vois comme ça, je continue de m'excuser.
-Tu peux me parler, si tu veux, elle me propose.
-C'est vrai, c'est compliqué, j'avoue en détournant le regard.
-T'es pas seul, ne t'inquiète pas, elle me rassure."

J'ai envie de crier et de me laisser aller mais, je sais me contrôler, même si ma voix manque de se briser avec des sanglots à chacune de mes paroles.

Elle ne fait pas attention aux draps que j'ai posé, sur des miroirs, par honte, c'est rassurant d'une certaine manière. Elle fait plus attention à moi. Je ne suis pas présentable et pas stable mentalement.

Au bout d'une minute de silence elle m'invite :
"Viens, vas te laver, brosses toi les dents et, on sort, Sam et Daniel, il me semble, nous accompagne.
-Quoi ? Daniel ? On va où ? Je la questionne.
-Tu verras. Oh et, mets des vêtements noirs, elle ordonne."

Daniel est le gars qui était assis à côté de moi, dans notre premier cours, lundi. J'obéis, Eva sort de ma chambre. Je prépare des vêtements, les traine jusqu'à la salle d'eau, je me brosse les dents et je me lave la totalité du corps.

Merde. Comment est-ce que Eva a fait en sorte que j'arrive à lui obéir ? C'est une sorcière.

Dans les marches de l'escalier, j'entends les voix de mes parents et celle de Eva, Sam et Daniel. J'arrive dans le salon, mes parents sont surpris de me voir. Ma mère félicite mes amis :
"Vous avez une bonne influence sur Evan.
-Je sais, se vante Eva.
-Evan, tu es pâle, ça va ? s'inquiète mon père.
-C'est juste que ça fait quelques jours que je ne suis pas sorti, je suppose.
-On ne vous le ramène pas trop tard, m'entraine Daniel.
-Amusez-vous bien, encourage ma mère."

On sort, Eva referme derrière nous et, on marche. Sam commence :
"Ça faisait longtemps !
-Tu nous as manqué, annonce Eva.
-Je marque les esprits, je la charrie.
-C'est pour ça que je suis venu, rit Daniel. Non, vraiment, c'est cool de te voir.
-On va où ? je demande.
-C'est une surprise, dit Eva.
-T'es pas censé le savoir, renchérit Sam.
-Si je le dis, on va me tuer, sourit Daniel en haussant les épaules."

On continue de discuter jusqu'à l'entrée du cimetière... je m'y attendais, c'est pour ça qu'on est tous en noir.

Je fixe le sol, tout me revient. J'entends des bruits de pas. Puis, je sens une main sur mon épaule, ça me ramène à la réalité. C'est Daniel. Il me révèle :
"Hey, on a tout préparé pour qu'on puisse tourner la page. J'ai plus aidé mais... bienvenue à l'enterrement de Paul Weaver.
-C'est à la fois glauque et à la fois touchant, je déclare.
-On est trop touchant pour être des psychopathes, il me charrie. Oh, et toutes mes condoléances.
-Merci, je souris."

Eva et Sam sont devant l'arche qui indique l'entrée du cimetière est font de grands gestes vers le panneau, c'est plutôt drôle.

Tant que je suis avec eux, j'ai un sourire sur mon visage.

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