Jeune

2 1 0
                                    


« Vous vous la jouiez à la 'Stand By Me' pour retrouver Paul ? » Se moque Daniel.

Des fois, ne dévoiler que parties par parties rend le reste facile à avaler. J'espère ne pas me tromper, je ne vois plus clair, indécis dans ma propre vie. La dernière fois que j'entendais une évocation à ce film remontait à notre surprise pour Paige. Elle jugeait la fin trop bâclée pour le développement des personnages, on partageait ce point de vue. J'ignore pas mal de détails alors que tout devient important. Du jour au lendemain, je deviendrais une pièce de l'enquête indispensable.

Marvin m'inquiète, s'il nous surveille, on assure nos arrières. A moins qu'il ne cache bien pire que ce qu'on accepte de raconter. Une cruelle envie de relancer une conversation obnubile mon esprit. Je ne rendrais que notre potentielle réconciliation compliquée bien qu'elle me paraisse impossible. « En quelques sortes. » J'admets sans ajouter un mot complexifiant mon point de vue, exprimant la difficulté supplémentaire à surmonter un deuil. Sans envenimer notre conversation.

Pour en revenir au jour précédent j'évoque :

« T'as appelé la serveuse ?

-Madi ? Non, je réfléchissais.

-Toute la nuit ?

-Si je suis énigmatique qu'est-ce que tu es ?

-Un écrivain.

-Quelle réponse ! » Son sourire envahit son joli visage.

Plus je lui en livre sur moi, plus je me demande si tout ce que je retiendrais à la fin se résumerait à un filet de cicatrices. Je lui mens déjà. Tout paraît si facile lorsque deux personnes s'aiment, pourtant rien ne doit être considéré comme un acquis. Trop de possibilités, mon cerveau me lâcherait mais il médite sur quatre sujets à la fois, hyperactif. En nous écoutant, tout ce dont on se soucierait serait nous mais le champs de sujets de conversation s'élargit toujours plus.

« Les autres parleraient de leur baiser à notre place. » Je finis par placer dans notre échange. Il demande :

« C'est ce que tu veux ?

-En parler ? Non, placer les limites.

-Vraiment ?

-Plus définir notre relation.

-L'ambiguïté te déplaît ?

-On a l'air sérieux.

-Un peu trop intense.

-Prends-le comme une amourette, deux jeunes, un saut de dix mètres.

-A nous de construire la corde ? Poétique ou complètement suicidaire. » Plaisante-t-il.

Une analyse aboutie. Si le câble lâche ou qu'on se trompe, la chute se présente comme lente pour nous exploser le crâne à l'arrivée. La vie ne tient qu'à un fil surtout dans la folie de la jeunesse. Je l'embrassais ce soir, un agréable accident, entrechoquant nos lèvres, perdant mes mots, explosant mon cœur pour lui en laisser une partie.

Je remarque :

« Tu portes un nouveau jean ?

-Depuis quand tu fais attention à ça ?

-J'essaierai volontiers la fermeture éclair. » Ma plaisanterie lui gâche son agréable visage ensoleillé.

Il s'éloigne, sans quitter ma chambre, s'asseyant sur ma chaise de bureau, fixant le sol. Je crois que j'ai compris. Ma blague plus que douteuse l'arrange dans cet état. Il y a bien pire dans ses yeux, je lis son lourd silence. « Je suis désolée. » Je m'excuse. « Ce n'est rien de bien grave. Tu ne sais même pas pourquoi j'agis comme ça. » Il se trompe et je m'en veux.

Juste nous [En Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant