Fracture

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Qu'on me frappe, diffuse un puissant insecticide, j'ai besoin d'éradiquer les sentiments, de me dégouter du poète. Les mots qu'il glissait me laissent perdu, encore et encore, comme un effet dont il est le maitre.

Lorsqu'une semaine suivait son départ, il m'appela erratique, il m'empêcha de me renseigner davantage sur le contexte ou lui et je fonçais chez Sam, incapable de me rappeler l'adresse d'Eva. Un message le jeta hors du lit, il s'organisa mieux, quitte à réveiller son foyer, on embarqua des produits ménagers, ignorant la situation, envisageant le pire.

Le bar sombre qu'on ne connaissait pas déjà nous prouvait que rien de bon ne se déroulait. Je claqua la portière en premier, indiquant au conducteur de patienter, le temps de rencontrer à nouveau Paul, il patientait en marchant les cents pas, je l'arrêta en prononçant son nom, il se portait physiquement mieux, plus soigné mais je m'inquiétais pour son mental.

Il salua notre ami de la main et cherchait impérativement à éviter mon regard, il m'entraîna tout-de-même dans la forêt, inextricablement, il se repérait, ouvra la porte, ne lâcha que cinq mots : « Dans la salle de bain. » Je vérifia, finis horrifié, une traînée de sang menait au cadavre inconnu d'un homme beaucoup plus âgé que nous, ma tête tournait, l'odeur simple commençait à dégouter mes narines alors que je contemplais.

Lui m'arrêta d'observer le massacre, claqua la porte : « Désolé. Je me déteste. » Je le laissa attraper ma main, d'un ton neutre il remarqua : « Tu gardes toujours ton sang-froid hein ? J'ai perdu, je l'admets. » Je le forçais par le poignet à retourner dans la forêt, autour du chalet. Face à face, je le confronta :

« Est-ce que ça va ?

-Non et toi ?

-Je me porte mieux que le mort là-bas.

-Je l'ai tué.

-Tu n'es pas un horrible personnage.

-J'aimerai bien te croire Evan. Avant que tu ne me couvres, je voudrais te protéger une dernière fois. »

Nous savions qu'il s'agissait de notre final.

— Je cache ma tête, celle sans repère, j'éprouve un besoin de la poser sur une surface stable, j'héberge toujours Eva alors je me prétends ciblé par une maladie. Lorsqu'elle rentre, elle me décrit les meilleurs moments, ce que je rate parce que j'ai besoin de poser des distances quelques secondes.

Elle s'occupe de moi, me préparant des tisanes, des bouillotes, je mens si bien. Que quelqu'un me lance dans une carrière de comédien ! Je me sens puissant affalé sous mes couvertures, étalé sur mon lit dans ma chambre minuscule. Puis, elle claque la porte et je ne dissimule plus un affreux sourire moqueur.

J'aimerai garder une bonne humeur constante mais je n'arrive pas à me voir complet, heureux et fier. Je profite de mes quelques jours pour avancer le roman que Paul complimentait, on s'échangeait des conseils une fois par semaine sur nos écrits, il me donnait l'envie de créer un monde de mots mais il a libéré l'oiseau et je dois détruire la cage de phrases que je m'entête à remonter.

En affrontant le miroir de la salle d'eau, j'évite mon reflet pathétique. La dernière fois que je me concentrais en salle de classe, je me dessinais clairement des hallucinations, formées d'étudiants me fixant, me criant : « Tu brûles. Tu brûles, tu brûles bon sang ! » Je me demande si nous pouvons affronter le pire inconsciemment, est-ce que j'ai allumé ce feu au beau milieu de nulle part parce que je me crame ? Est-ce que mon cerveau tente de me persuader que je suis sur la bonne piste ? De ne pas lâcher maintenant ?

Je voudrais garder mes espoirs, ne pas les harnachais en une personne qui s'en va lâchement, ne se retournant qu'à cause des résultats des quatre cents coups. Je suis son exemple, me coupe de nos amis qui sortent à chaque fins de semaines.

Juste nous [En Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant