Hésitation

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Peut-être que j'ai besoin d'un psychologue. Rien ne va mieux. En fait, je suis en train de me demander si ça ne devient pas pire. Paul est mort, c'est ce qui fait mal. Hier, j'ai appelé son numéro juste pour entendre sa voix. J'ai failli me mutiler mais c'était trop ridicule. Je veux dire, on passe tous par-là, alors pourquoi rien ne change pour moi ?

Je fais de mon mieux pour ne pas que Paige, Sam ou qui que ce soit, ne le sache. C'est inutile, un peu comme moi. La seule chose qui a changé c'est que j'arrive à dormir mais ça me fait regretter la réalité. Dans tous mes rêves, il y a Paul, à mon réveil, mon pessimisme me rattrape et il est mort. J'essaie de ne pas dormir, je reste en plein craquage psychologique.

Je n'ai pas oublié notre conversation, avec Daniel. C'est ridicule mais j'ai l'impression qu'il pourrait m'aider. J'ai demandé son numéro à Paige. Il est plutôt cool et traîne de plus-en-plus avec nous.

Je suis assis en-face de Daniel, je ne sais pas vraiment par où commencer. Il commence :

« Alors, comment tu te sens ?
-Je vais bien et toi ?
-Ça va mais tu peux être honnête.
-Merci. Ok, je vais mal.
-C'est un début.
-T'as dit que t'étais passé par là aussi.
-Ouais, je suis même parti en maison spécialisée. C'est le monde de l'ennui là-bas.
-Et tu vas mieux ? »

Il marque une pause avant de reprendre :
« Oui mais on n'est pas là pour parler de moi.
-Comment t'as fait pour savoir que j'allais mal ?
-J'agissais un peu comme toi, avec des réactions abusées comme si j'étais hyperactif.
-Merci de l'avoir remarqué.
-C'est juste que je ne veux pas que tu finisses en maison spécialisée aussi.
-C'est compliqué de juste devoir vivre sans Paul. »

Ce n'est pas la seule chose compliquée avec laquelle je dois vivre. Je reste coupable d'un putain de meurtre. Est-ce qu'un jour je le dirais à Daniel ? Je risque la prison. Est -ce que quelqu'un peut éviter la prison en allant en maison spécialisée ? Cette situation ne changerait pas grand-chose.

Daniel réagit :
« Il est mort dans un monde de con.
-Donc, tu viens de te traiter de con ? je le charrie.
-Non, je fais parti des exceptions, il dit en souriant. »

J'imagine que Daniel pourrait remonter le moral à n'importe qui. Je souris aussi, ça change. Est-ce qu'il est meilleur qu'un psychologue ? Honnêtement, s'il n'était pas venu me parler l'autre soir, peut-être que je me serais suicidé.

Je le remercie :
« Merci d'avoir été là l'autre soir. Mes réactions étaient...bloqués.
-Je devais agir donc je suis venu. T'as pas à me remercier pour ça.
-Ok, t'es officiellement meilleur qu'un psy.
-Parce que je suis gratuit ? Je comprends, je devrais facturer mon temps, plaisante Daniel. »

Je ris, lui aussi. Dans ces instants, personne ne soupçonnerait que j'ai aidé dans un meurtre ou qu'en deux jours, j'ai été traumatisé deux fois. J'avais presque oublié tous ce sang, du moins, c'est ce que j'espérais. Est-ce que c'était vraiment une cabane de chasseur ? J'espère. Peut-être que c'était à des braconniers, c'est mieux qu'à un sociopathe.

Je suis humain, c'est impossible d'oublier ça. C'est une autre des raisons pour lesquels Daniel est meilleur qu'un psychologue. C'est trop tôt pour lui dire mais il pourrait me laisser une chance de lui expliquer.

Est-ce que c'était une bonne idée de reprendre notre enquête ? Après avoir vu Paul mort, c'est compliqué de croire que quelque chose de pire peut être trouvé. Je ne crois pas à un putain de suicide mais il a changé, il était traumatisé. On n'est pas si différent, moi aussi, je veux en finir aussi, juste des fois.

Daniel assure :
« Sam et Eva s'inquiètent pour toi.
-Je ne sais pas si elle te l'a dit mais c'est Paige maintenant.
-Oh merde, c'est vrai. Elle me l'a dit. Pourquoi ?
-Elle a besoin d'un nouveau départ. Enfin, j'imagine. Oh. Et Paige va être adoptée par mes parents.
-Ça a l'air bien. Ça l'est ?
-Paige va devenir ma sœur, c'est cool.
-Donc, Paige et Sam s'inquiètent pour toi.
-Ils ne devraient pas.
-Vous êtes amis, c'est normal. Et c'est comme si vous aviez besoin les uns des autres.
-Ok, t'as raison mais ils n'ont pas besoin de savoir comment je vais vraiment.
-C'est toi qui vois. Ils m'ont dit que tu faisais des insomnies et t'as l'air fatigué. »

Je n'aurais pas dû faire une insomnie cette nuit. Qu'est-ce que je raconte ? Je ne peux pas contrôler mon sommeil. Je ne ressens presque pas la fatigue, c'est un autre mensonge. J'évite de m'endormir pour ne pas faire de rêve avec Paul ou un de ces étranges cauchemars. J'en ai marre, je ne peux pas y faire face. Parfois, mes paupières sont trop lourdes et je cède à la fatigue en priant pour ne pas rêver. Pour être honnête, c'est ça le plus fatiguant.

Je réponds :
« Je le suis.
-Pourquoi ?
-Ok, je vais être honnête avec toi.
-Quoi ? Tu ne l'étais pas ?
-Je l'étais mais là, c'est quelque chose de difficile.
-Je t'écoute.
-Avant qu'on ne retrouve Paul, je faisais des sortes de cauchemars. C'était presque prémonitoire et glauque. Après, j'ai fait des rêves avec Paul. C'est insupportable de se réveiller et de se dire que la réalité est vraiment merdique à côté.
-Wow ! J'avais raison, t'es courageux.
-Tu vas trop loin, je me moque.
-Cette fois, je n'abuse pas. »

Cette fois, c'est compliqué de le croire. J'ai failli me suicider, j'ai rejeté mes amis un temps et j'évite de dormir pour ne pas voir Paul ou ces putains de cauchemars. Je pensais que mon premier rêve était vrai, Paul est mort, je l'ai trouvé en premier et le seul qui me traite de tueur, c'est moi. Alors, je suis bien des choses mais je suis loin d'être courageux.

Daniel continue :
« T'essaies d'être là pour tes amis alors que tu vas mal, tu n'es pas mort et t'as essayé.
-Je ne vois pas les choses de cet angle.
-Comment tu les vois ?
-C'est vraiment négatif.
-Je sais que ça peut être vraiment difficile d'avoir de l'estime pour soi. J'ai mis du temps à comprendre que c'était une question de point de vue.
-Donc, tu ne le penses pas réellement.
-Tu crois que je mens ? Non, je pense que t'es une bonne personne. N'en doute pas. »

Je ne sais pas vraiment quoi croire ou non. Je pourrais tout lui dire, maintenant, mais je fais un débat pour savoir quoi faire à l'intérieur de moi. Généralement, l'argument qui gagne est celui qui dit qu'avec le temps, le moment où je pourrais lui dire pour cette étrange nuit, notre enquête et ce qui me hante, sera évident.

A l'extérieur, je décide juste de lui dire :
« Je sais que t'as dit que je ne devrais pas te remercier mais sans toi, je me sentirais vraiment mal. Je veux dire certainement pire que maintenant.
-C'est cool. J'aime bien être là pour les gens.
-Est-ce que ça veut dire que t'as déjà aidé quelqu'un d'autre ?
-J'aimerais mais tu es le seul.
-En y réfléchissant, ça fait très possessif.
-Oh Evan Hawke est jaloux, il me charrie. Je ne pense pas devenir psychologue un jour.
-Dommage, c'est vrai que monsieur Winsdom a des talents. Plus sérieusement, pourquoi ?
-Je suis trop émotionnellement investi.
-T'es humain.
-Donc les psy ne sont pas humains ?
-C'est des extraterrestres. La vérité est nue.
-Alors, c'est forcément vrai ?
-Evidemment. »

On rit et il y a ces moments où je le vois et dans lesquels je me demande si le mêler à cette histoire serait une bonne idée avant de m'assurer qu'il pourrait nous aider.

Je suis dans une phase indécise remplie d'une chose, l'hésitation.

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