🟢 Alexandre Fournier #3

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Comme tous les matins, je suis arrivé en retard à mon cours de maths. J'aurai espéré que monsieur Sevestre soit un minimum tolérant suite à toutes ses révélations de la veille, mais ça reste un connard. Du coup, il m'a obligé à perdre vingt minutes à courir dans les étages pour aller chercher des papiers stimulants que mes parents seront mis au courant de mon retard (ce qui ne sert strictement à rien dans mon cas en plus). Ça m'a épuisé plus qu'autre chose, suite à ma nuit blanche.

C'est donc avec un soulagement à peine dissimulée que je me suis affalé sur ma chaise de cours, celle tout au fond de la classe et à côté du radiateur (la place du cancre par excellence paraît-il). Pour la dizaine de minute qu'il me reste à passer en classe, je juge parfaitement inutile de songer à écouter le discours soporifique de monsieur Sevestre. Je croise donc les bras sur mon bureau et je plonge ma tête dedans avec un plaisir immense. Je suis absolument à bout de force. Et je retiens à peine le sommeil qui m'envahi pleinement...

Où suis-je ? Tout est noir, je ne vois rien. Sans savoir pourquoi, je commence à courir. Comme si ça allait m'apporter toutes les réponses.

- Alexandre, prononce maman d'une voix douce et lucide. Je vais bien, tout va mieux. Alexandre, tout est rentré dans l'ordre. Alexandre. Alexandre. Alexandre...

- Alexandre Fournier ! répète le professeur de maths d'une voix énervée. Réveille-toi ! FOURNIER !!!

Je sursaute brusquement et la moitié de la classe ricane méchamment, les autres se sont précipités dans le couloir dès que la sonnerie a retenti, annonçant la fin de la première heure de cours.

- Bien, prononce monsieur Sevestre d'une voix à faire frémir un boeuf. Toujours aussi dissipé, hein ? Pour la peine, tu viendras me tenir compagnie ce soir.

Ce qui finalement, ne faisait qu'officialiser nos petites magouilles magiques. Pas de quoi s'énerver, me direz-vous et vous auriez raison, je ne devrai pas aggraver mon cas. Seulement, j'avais un plan pour retourner au chevet de maman le plus rapidement possible et il vient de tomber à l'eau. Et s'il y a une chose qui me met hors de moi, c'est bien quand quelqu'un complique ma vie déjà si difficile.

- Vous n'avez pas le droit. Je me suis juste endormi et vous n'avez pas le droit de me retenir à cause de ça !

Pour la première fois de sa vie, monsieur Sevestre semble déconcerté. Serait-il humain tout au fond ? Une découverte incroyable !

- À quoi tu joues ? grogne-t-il de sa voix impitoyable. Imbécile, nous nous voyons toute à l'heure pour commencer ton apprentissage ! Ne me dit pas qu'en plus d'être l'élément perturbateur le plus féniant qu'il m'est été donné de voir, tu es également alzheimer ? Oh, misère...

Ah, non. Pardonnez-moi, je me suis trompé : monsieur Sevestre est toujours un connard insensible. Pas de miracle pour aujourd'hui ? Dommage. Je suis beaucoup trop crédule par moment...

- Et si, par le plus grand des hasards, je n'avais pas pu dormir de la nuit ? Me laisseriez-vous rentrer chez moi pour ce soir ?

- Alors comme ça, on fête son anniversaire avec tous ses petits camarades et on n'en dort pas de la nuit...

Vous êtes vraiment con ou quoi ? Ai-je simplement l'air d'avoir un seul ami dans ce fichu collège ?

- QU'EST-CE QUE TU VIENS DE DIRE ?!

Oups. J'ai pensé tout haut. Là, c'est le moment pour COURRIR !

Sans ne plus réfléchir, je m'élance hors de la salle-de-classe et je détale comme un lapin prit en chasse. Je cours comme si j'avais le diable à ma poursuite (heureusement pour moi, il ne s'agit que de Satan).

Si je suis moyen en cours, même pas cancre juste moyen, c'est le cas pour toutes les matières également le sport. Seulement, pour des détails de mon passé (l'enfant-victime dans les cours de récréation ? Présent !), j'ai toujours couru très vite et j'arrive à tenir la distance. Alors ce prof est peut-être un super-héro-sorcier-bizarroïde-et-tout-ça mais j'ai réussi à le semer !

Génial ! Et maintenant, je fais quoi au juste ? Je m'en suis tiré de justesse pour aujourd'hui mais ce crétin ne semble pas prêt à me lâcher. La poisse, comme toujours, ne semble pas au courant que je ne suis pas la seule personne dans ce monde de merde.

J'achète des nouvelles baskets et je passe le reste de mon existence à courir pour échapper à ce destin qui me colle au cul. Chouette perspective d'avenir, sponsorisée par Nike !

09.04.2015

Le Loup, sa corne et trop de caféOù les histoires vivent. Découvrez maintenant