Chapitre 23 : Thaïs seule

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Le jour se leva, les étoiles disparaissaient pour laisser place au soleil.

Thaïs se réveilla doucement. Au-dessus d'elle son amie dormait encore. Elle l'a secoua gentiment, mais Emilie refusait de se lever.

- Je viens pas en cours aujourd'hui, vas-y toute seule.

Thaïs ne comprenait pas ce changement d'attitude. Tous les jours, dès son réveil elle était toute pimpante, toute joyeuse.

- T'es malade ?

- Non.

- Je comprends pas Emilie...

- Vas-t-en ! Laisse-moi dormir !

Thaïs descendit du lit, l'air déçu. Elle n'avait jamais lu cet excès de colère dans sa voix et ses paroles. Et le pire, la jeune blonde allait se retrouver toute seule à l'école ce qui lui faisait peur. La pauvre ne connaissait encore personne, la seule personne qu'elle pouvait reconnaître n'était autre que cet affreux quatrième qui l'embêtait chaque jour.

*

A contrecœur Thaïs laissa son amie à la cabane, tandis qu'elle allait à l'école à reculons.

A la sonnerie, elle souffla un bon coup pour se donner du courage et entrer dans le collège.

En cours, elle se plaça au même endroit que les autres jours, seulement son amie n'était pas là pour l'épauler. Elle n'avait personne avec qui parler. Ainsi, pour une fois, cette dernière se tût toute l'heure. Aucun son ne sortait de sa bouche, à quoi bon, personne d'intéressant n'était là pour lui faire la conversation.

A chaque début de cours, les professeurs faisaient l'appel. Comme Emilie n'était pas là, ils ne cessaient de poser la question à Thaïs, « pourquoi ? ». Pourquoi répéter ce mot à tout moment ?! Ce n'est pas un drame qu'une élève soit absente.

Thaïs ne sût que répondre à la première heure. Elle n'avait pas réfléchi à une réponse et le temps de la trouver, la professeure s'impatientait. Elle finit par dire qu'Emilie était malade. L'excuse banale, mais qui fît son effet puisqu'aucun des professeurs ne remettaient en question cette réponse.

Thaïs resta dans son coin toute la journée, elle faisait tout pour éviter un quelconque conflit, que ce soit avec un autre élève ou un professeur. Car, le caractère de Thaïs n'étant pas toujours facile, il lui était arrivé d'avoir des problèmes avec ses maîtres et maîtresses à l'école primaire. D'ailleurs, son père avait souvent été convoqué et la pauvre fille punie. Chaque fois que cela lui arrivait, c'est parce qu'elle refusait soit de donner la réponse avec un grand sourire aux lèvres pour embêter l'adulte, soit à la cantine quand un aliment ne lui plaisait pas et que la fillette le jetait par terre. Comme autres bêtises, Thaïs avait aussi déjà mordu un camarade de classe qui lui disait que le paquet de carte collector de Thaïs était moins bien que le sien, ou encore de braver l'interdit de rester dans les couloirs pendant les récréations en hiver.

Mais, ce jour-là, Thaïs se contentait de suivre les cours et pendant les récréations elle s'asseyait sous le préau à réfléchir. Elle réfléchissait à sa vie tout simplement et en particulier à son père, ce qui par moment lui fît couler quelques larmes. Elle pensait à tous ces moments qu'elle avait vécu avec lui, les après-midis au parc, les goûters d'anniversaires qu'il lui avait préparé, les vacances à la mer, les jeux auxquels ils s'amusaient dans l'eau, les histoires qu'il lui lisait au coucher, ce moment si complémentaire, si doux qu'on peut avoir avec son parent. En bref, elle repensait à tous ces beaux moments passés avec son père.

A midi, alors qu'elle mangeait seule à sa table quelqu'un vint s'assoir à côté d'elle. Cet élève aussi était seul, et voyant Thaïs dans la même galère, il était venu à sa rencontre.

- Salut.

Thaïs ne répondait pas. Elle ne voulait pas, elle n'était pas dans son assiette. Elle souhaitait la tranquillité qu'elle avait eu toute cette matinée. Ne la voyant pas répondre, l'autre élève se leva et emporta son plateau avec lui pour se poser quelques sièges plus loin.

Se renfermant sur elle-même Thaïs avait l'impression de vivre seule et ne faisait pas attention aux regards des autres, comme si elle se cachait... en tout cas, elle en avait l'impression.

A la récréation de l'après-midi, le garçon de quatrième s'était avancé vers la fillette. Cette dernière, fidèle à sa journée, ne leva pas une seule fois les yeux pour le voir, bien qu'il lui parlât et la frappât douloureusement au bras pour attirer son attention. Voyant qu'elle ne s'intéressait pas à lui et que ces coups bien que violents ne la faisait pas réagir, il abandonna et parti.

Dans la tête de Thaïs, personne ne se trouvait autour d'elle. A certains moments, elle pensait à son père, puis à d'autres moments, à Emilie et la voyait devant elle. Non pas comme un fantôme, Emilie était belle et bien là, elle ressentait sa présence. Elle ne pouvait juste pas la toucher, mais sinon tout était là. Emilie était avec elle. La seule faute demeurait dans la voix, car elle ne pouvait lui parler. Difficile à expliquer, mais pour Thaïs, son amie lui parlait par la pensée, sans pouvoir échanger oralement avec elle. Dans ses pensées, Thaïs sentait qu'Emilie n'allait pas bien, le problème était qu'elle n'arrivait pas à sentir ce qui précisément n'allait pas. Cela la travailla un long moment. Elle se demandait aussi pourquoi Emilie l'avait-elle rejeté le matin-même ? 

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