XLIX.

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Heureusement pour Maelia et Léo, une sirène de navire retentit. Elle retentit très violemment, au point que Monsieur Hedge tomba de son toit, que Piper sursauta si violemment qu'on aurait cru qu'elle s'envolait, que Léo s'enflamma et que Maelia s'envola telle une parfaite représentation de la fée Clochette.

Puis la sirène retentit de nouveau. Elle semblait lointaine, en fait, de quelques centaines de mètres, comme si elle venait d'un autre navire. L'avantage, c'est que tout le monde était déjà sur le pont, plus ou moins habillés avec classe (on remercie le réveil en douceur de Gleeson Hedge) : Frank portait son tee-shirt des Jeux olympiques de Vancouver à l'envers. Percy était en pantalon de pyjama avec un plastron d'armure en bronze – un style non dénué d'intérêt. Hazel avait les cheveux gonflés sur un côté comme si elle avait traversé un cyclone. Et Léo, qui s'était enflammé par accident, avait les bras qui fumaient et le tee-shirt réduit en lambeaux calcinés.

Une centaine de mètres à bâbord, un gigantesque paquebot de croisière passait à leur hauteur. Des vacanciers leur faisaient bonjour de la main depuis les quinze ou seize rangées de balcons. Certains souriaient et prenaient des photos. Aucun ne semblait surpris de voir une trirème grecque. Maelia se dit qu'elle avait peut-être un peu forcé sur le mode furtif, visiblement, elle maitrisait mieux la brume qu'elle ne le pensait. Le paquebot donna un nouveau coup de sirène et l'Argo II trembla de toute sa coque. Gleeson Hedge plaqua les mains sur les oreilles.

- Pouvez-vous me dire pourquoi ils sont aussi bruyants ?

- Ils veulent juste dire bonjour, avança Frank.

- COMMENT ? hurla Hedge.

Le bateau de croisière les dépassa enfin et obliqua. Les touristes agitaient toujours joyeusement la main. Ils n'avaient pas l'air de trouver bizarre que l'Argo II soit peuplé de jeunes à moitié endormis, en armure et pyjama, accompagnés d'un quinquagénaire affublé de pattes de bouc.

- Tchô ! leur lança Léo en levant une main encore fumante.

- Je peux charger la baliste ? demanda Hedge.

- Non, répondit Léo en se forçant à sourire.

Hazel se frotta les yeux et porta le regard sur l'eau verte qui scintillait au soleil.

- Où sommes... oh. Waouh.

Maelia suivit son regard et resta bouche bée. Maintenant que le paquebot de croisière ne leur barrait plus la vue, elle découvrit une montagne qui se dressait dans l'océan à moins d'un kilomètre au nord. Maelia avait déjà vu des falaises impressionnantes, mais rien de ce qu'elle avait vu n'était aussi spectaculaire que ce point de pierre d'un blanc éblouissant qui se tendait vers le ciel. Sur un côté, la falaise de calcaire, parfaitement lisse, s'enfonçait dans la mer en un à-pic d'une centaine de mètres, aurait dit Maelia; de l'autre côté, la montagne descendait par terrasses recouvertes d'une forêt verte. L'ensemble lui fit penser à un sphinx colossal, usé par les millénaires, qui sortait sa tête et son immense buste blancs de l'eau, un manteau vert sur le dos.

- Le rocher de Gibraltar, dit Annabeth d'une voix émue. À la pointe de l'Espagne. Et là-bas... (Elle tendit le doigt vers une rangée de collines rouge et ocre, plus éloignées.) Ce doit être l'Afrique. Nous sommes à l'entrée de la Méditerranée.

L'air matinal était doux, mais Maelia frissonna. Malgré la vaste étendue de mer qui se déployait devant eux, elle avait l'impression d'être perchée sur une barrière infranchissable. En entrant dans la Méditerranée – la Mare Nostrum –, ils pénétreraient dans les terres anciennes. Si les légendes disaient vrai, leur quête deviendrait dix fois plus dangereuse.

- On fait quoi, maintenant ? Demanda Piper. On y va, juste comme ça ?

- Pourquoi pas ? rétorqua Léo. C'est un grand canal de navigation. Il y a des bateaux qui vont et viennent sans arrêt.

forsaken || Percy Jackson ; Héros de l'OlympeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant