La Mort, ou la Vie

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La porte fut arrachée si violemment hors de ses gonds qu'elle alla violemment traverser la vitre de la chambre d'hôpital. Mais elle ne la brisa pas. Car la vitre était déjà brisée. Le pauvre morceau de bois continua donc, seul, sa route en parabole pour aller s'écraser dans la rue en contrebas. 

-On dirait... uff... uff... que la cavalerie est arrivée... parvint à articuler Morgane. 

L'air de la chambre d'hôpital s'était refroidit d'une dizaine de degrés, en un instant. Une pression immense s'abattit sur la pièce manquant de faire s'étouffer Morgane, mais, surtout, Sheira, qui se tenait face à elle, les griffes encore recouvertes du sang de la demi-démones.

-Toi... Toi... 

La voix d'Alice n'avait plus rien à voir avec celle qu'elle avait à l'accoutumée. Elle avait perdue toute note de sarcasme, d'amusement, toute trace de cette folle assurance qu'elle démontrait au quotidien. Elle était juste froide. Glaciale. Et se réverbérait dans le crâne de Morgane et de Sheira, face à elle, comme si Satan elle même s'était trouvée dans la pièce, comme si ce n'était plus une humaine presque démone qui se tenait dans l'encadrure de la porte, mais une démone qui avait été autrefois humaine. 

Alice ne prit même pas la peine d'apostropher Sheira. Dans son état, elle ne ressentait qu'un seul désir, celui de déchiqueter la dragonne de ses propres mains. Alors, c'est ce qu'elle fit. A une vitesse surhumaine, elle traversa la pièce et envoya voler Sheira vers le plafond. Contrairement à la fois où Jill avait tenté de la frapper de la même manière, quelques heures plus tôt, la dragonne n'avait pas pu l'éviter. Mais elle se reprit tout de même, alors qu'elle retombait vers le sol, pour éviter le second coup qui aurait bel et bien pu déjà lui être fatal, tant son souffle fit voler en éclat facilement la cloison des chambres attenantes. 

-A-A-Attends, fille de Satan! S'exclama la dragonne en se relevant. N-n-ne crois pas les mensonge de cette vipè-

La main de Alice saisit si rapidement la mâchoire de la dragonne qu'elle n'eut ni le temps d'esquiver, ni de finir sa phrase. 

-Ferme la.

La voix tout à fait glaciale d'Alice était en contraste absolu avec son visage. Déformé par la haine, la colère, et le chagrin, Alice pleurait. Elle pleurait, et toute la rage qu'elle avait contenue si longtemps durant explosa. Sheira poussa un glapissement de douleur lorsque son aile gauche chuta au sol, et que la pression d'Alice sur sa machoire s'intensifia au point d'en faire craqueler ses os. La terreur passa dans le regard de la dragonne. Son réflexe de survie fut le plus simple du monde. Sa griffes acérées fondirent sur Alice, et déchirèrent la peau de ses épaules, brisant ses os, et la forçant à la relâcher. Immédiatement, la dragonne tenta de s'éloigner, mais c'était comme si la douleur n'avait plus aucune prise sur la fille de Satan, qui vint l'interrompre sur son chemin, et percuta sa cage thoracique d'un violent coup de poing. Sheira recula, sonnée, mais, sentant le prochain coup arriver, elle entrouvrit sa machoire pourtant déjà fissurée, faisant étinceler les rangées de dents aiguisées et venimeuses. Cela sembla intensifier encore la fureur d'Alice, qui se jeta vers elle avec un cri, mélange de rage, de haine et de tristesse, tandis que le torrent de flammes de la dragonne vint la noyer. Alice, cette fois-ci, hurla de douleur, alors que son corps s'était transformé en véritable torche humaine, se secouant dans tous les sens pour tenter de s'éteindre.

-J-j-je n'ai jamais voulu vous blesser! Tenta Sheira, décontenancée par sa propre action. J-j-je suis... non, j'ai encore... échoué... à les protéger...

Une larme s'écoula le long se son visage contusionné, avant que son regard ne se tourne vers Morgane, gisant, dans un coin de la pièce n'ayant pas encore été réduit en lambeaux par l'affrontement, dans une mare de son propre sang.

1000 mètres sous la surfaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant