-Cassandre, attends!
Mais la jeune nonne accéléra le pas, suivie de près par une Ange pourtant décidée à ne pas la laisser lui échapper.
-Bon sang, Cassandre, laisse moi te parler! Grogna Ange.
Cette dernière était plus rapide que la blonde, malgré la volonté de cette dernière de la distancer, et elle ne tarda donc pas à arriver à son niveau. Mais Cassandre continuait de regarder droit face à elle, ignorant la présence de celle à laquelle elle devait pourtant servir de guide. Ange hésita à attraper la jeune femme par le bras pour la forcer à la regarder, mais se ravisa. Ce n'était pas une manière de faire... ce n'était pas... la manière dont elle voulait la convaincre de ne pas écouter les mots empoisonnés de la Mère Supérieure. La manière dont elle voulait la faire revenir vers elle.
Plusieurs jours s'étaient déjà écoulés, depuis la dernière réminiscence d'Ange, alors qu'elle s'occupait des provisions amenées par Aïsha et Sélène. Plusieurs jours depuis qu'elle s'était réveillée, sous le regard inquiet et les gestes emplis de douceur de Cassandre, avant que cette dernière ne s'éloigne prestement d'elle. Plusieurs jours que la jeune nonne ne lui adressait plus la parole, et tentait de son mieux de l'ignorer, restant presque tout le temps avec la Mère Supérieure. Pas que Cassandre pouvait parler, en soi; mais, malgré son handicap, les deux femmes avaient commencé à tenir des discussions avant que la vieille ne s'en mêle. Cassandre avait commencé à s'ouvrir. Et elle avait tant à dire... tant d'année à ne répondre que par la positive ou la négative, sans pouvoir s'exprimer comme elle le désirait... Ange avait été émerveillée de voir toutes les émotions qui avaient éclairé ce visage juvénile, illuminé ces magnifiques yeux bleus... elle avait eu l'air si vivante, si heureuse, si distante de l'image qu'elle renvoyait à ce moment, alors qu'elle marchait tout droit le long du corridor menant au réfectoire, le visage fermé.
-Cassandre, s'il te plait...
La voix d'Ange se fit suppliante, et une lueur d'hésitation perça dans le regard de Cassandre alors qu'elle tourna la première fois la tête dans sa direction.
-Ah, Cassandre. Te voilà enfin.
Ange se figea, et laissa échapper un grognement, tandis que la Mère Supérieure s'approchait d'elle avec un air affable.
-Viens, mon enfant. Je t'attendais pour commencer l'étude.
Cassandre sembla une nouvelle fois hésité, et son regard croisa subrepticement celui de Ange. Mais elle le détourna tout aussi vite, et s'engagea à la suite de la responsable du monastère, sans un seul regard en arrière. Une colère sourde grondait dans le cœur d'Ange, et, une nouvelle fois, une douleur insupportable commença à s'emparer de son corps. Cela aussi, était devenu plus courant depuis sa réminiscence. C'était comme si la moindre émotion un peu intense se manifestait physiquement par une douleur de moins en moins supportable, qui ne laissait Ange en paix que lorsqu'elle fuyait au jardin. Probablement un effet secondaire de la mémoire qui lui revenait, pensait-elle... si elle avait été emmenée dans un hôpital au lieu d'être séquestrée entre ces vieilles pierres, elle n'aurait pas eu ce genre de problème, elle en était sûre. Mais il était hors de question qu'elle parte maintenant. Pas sans tirer Cassandre des griffes de cet endroit.
-En train de te morfondre sur ta solitude?
La voix de Jeanne retentit toute proche, et Ange soupira. Elle était allée, comme d'accoutumée, au jardin pour calmer ses douleurs après avoir échoué à aborder Cassandre plus tôt. Allongée à l'ombre d'un figuier, elle réfléchissait et laissait les rares rayons de soleil filtrant au travers de la canopée feuillue créée par l'arbre caresser sa peau. Elle se sentait bien, pour une fois, et l'idée de voir Jeanne gâcher ce moment de tranquillité n'était pas vraiment ce qui l'intéressait le plus actuellement.
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1000 mètres sous la surface
Mystery / ThrillerUn groupe d'ami soudé comme une famille. Une petite croisière en Méditerranée. Et une tragédie meurtrière, qui frappe, sans se soucier de ceux qui restent. Mais pourquoi? Pour quelle raison le destin a-t-il frappé ces jeunes gens au destin si radieu...