Sainte Cassandre

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Elle ouvrit les yeux. 

Face à elle, un plafond de bois, soutenu par d'épaisses poutres qui semblaient dater d'un autre temps. Autour d'elle, rien d'autre qu'un silence apaisant. Le léger gazouillis d'un oiseau tout proche. Le crissement régulier des cigales. Et au loin, le doux ressac de la mer contre le sable. Elle inspira, et l'air iodé s'infiltra jusqu'au plus profond de son être, vivifiant, bien qu'étranger. Elle n'avait pas l'habitude de cet air; mais elle l'appréciait. Elle jeta un rapide coup d'oeil autour d'elle.

Elle était allongé dans un lit. Les couverture était bien serrée, elle avait été bordée avec vigueur et attention. Le sol, tout comme les murs, était composé de pierres taillées grossièrement. Le seul autre mobilier de la petite pièce était une table très simple accompagnée d'une chaise, ainsi qu'une lampe de chevet inutile à cette heure-ci, au vu de l'intensité des rayons de l'astre solaire qui frappaient la chambre au travers de la petite fenêtre vitrée. Elle se leva, pour regarder au travers. Face à elle, quelques branches d'un roncier sauvage qui s'agrippait de toutes ses forces au bord de la falaise. Et en contrebas, le bleu azur de la mer, s'étendant à l'infini, cachée par l'horizon, sous un soleil de plomb. Les pierres de la chambre permettaient de conserver une certaine fraicheur, mais elle pensa qu'il devait faire une température à vouloir se noyer dans un bac à glace, dehors. Un bruit attira son attention, et elle tourna son visage. La petite porte de bois avait été poussé, révélant le visage angélique d'une jeune femme. Ses yeux étaient aussi bleus que la mer en contrebas, tandis que des mèches d'un blond cendrés s'échappaient du châle noir qui recouvrait sa tête. Elle avait un grand sourire franc, et des yeux rieurs que la jeune femme n'associait en général pas avec celles qui, comme cette inconnu, revêtaient des habits de nonne. La jeune moniale semblait très heureuse que son invitée soit réveillée, et cette dernière hésita. Devait-elle lui parler? Oui, probablement. Après tout, elle ne pouvait pas vraiment prétendre ne pas l'avoir vue.

-Hum... bonjour?

Elle sursauta au son de sa propre voix. Rauque de n'avoir été utilisée pendant longtemps, mais ayant des notes graves et un peu trainante. Elle avait l'impression d'entendre sa voix pour la première fois. La nonne ne répondit pas. Elle se contenta de lui faire signe de venir. Alors, la jeune femme posa un pied hors de lit, et tenta de se lever, avant de s'effondrer immédiatement. Elle se sentait... tellement faible... comme si ses forces étaient aspirées. Comme si la pierre sur laquelle son pied reposait lui enfonçait mille aiguilles dans le pied, comme si l'air était soudain plus irrespirable. La nonne accourut pour l'aider à se relever, et elle accepta de se laisser être portée. Dans son état, elle ne se voyait pas capable de faire autre chose. La jeune nonne l'aida ainsi à marcher pour sortir de la chambre, puis pour longer un couloir flanqué de multiples portes semblables à la sienne. Une ouverture plus large, à l'épais battant de chêne, menait sur un cloître baigné dans la lumière du soleil, dans lequel plusieurs nonnes s'affairaient autour de ce qui lui sembla être un potager. Puis, elles entrèrent dans une grande pièce dans laquelle bancs et tables s'alignaient de part et d'autre d'une allée principale, peut être un réfectoire, pensa-t-elle. Tout au fond, un pupitre surélevé servait de chaire à une femme à l'allure sévère et austère, devant laquelle la jeune nonne aida la jeune femme à s'asseoir. La douleur était toujours là, comme des aiguilles s'enfonçant dans ses pieds à chaque pas, mais elle était plus supportable. 

La vieille femme la regarda depuis son perchoir avec ses yeux gris bleu perçants. Elle se sentit jaugée, comme si on sondait au plus profond de son âme. 

-Comment te sens-tu, mon enfant? Demanda la vieille nonne.

La jeune femme fut rassurée. Elle avait fini par craindre qu'il ne s'agisse d'un de ces ordres monastiques ayant fait vœu de silence. Elle ouvrit alors la bouche pour parler, et le son produit par sa voix était toujours aussi rauque.

1000 mètres sous la surfaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant