Promesse

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Lorsque la chambre de la porte d'hôpital s'ouvrit, Lutz tourna la tête, espérant sincèrement ne pas avoir à être confrontée à Jill ou Mélody, comme deux jours auparavant. L'inspectrice avait hésité à disposer du petit sachet de drogue qu'elle avait trouvé. Après tout, c'était de la destruction de preuve, et elle aurait pu se servir de cet échantillon pour remonter jusqu'au fournisseur sans que Jenn soit inquiétée pour autant. Mais elle ne faisait pas partie de la brigade des stups, et n'aurait donc pas été en mesure de vérifier que l'enquête ne risquait pas de poser de problème à la mère d'Alice; Lutz avait réalisé qu'en ne détruisant pas l'échantillon, elle pouvait risquer de mettre en danger la promesse qu'elle avait faite de ne pas impliquer Jenn. Le petit flacon avait donc été vidé, et le reste jeté - et compte tenu du prix de ces substances, Lutz savait que le simple fait d'avoir fait cela aurait causé quelques crises cardiaques à des toxicomanes. Mais Jenn... en faisait-elle partie?

Lutz tourna la tête, et vit le visage épuisé et les membres légèrement tremblants de la brune. Elle déglutit. Au vu de ce qu'elle savait désormais, elle se doutait que cette fatigue ne devait pas être sans lien avec le manque qui devait la frapper violemment. Mais la question était plutôt, est-ce que cette addiction était récente, ou ancienne? Le comportement de Mélody laissait croire que c'était loin d'être la première fois que ce genre de substance se retrouvait dans l'appartement de Jenn. Mais datait-ce d'il y a longtemps, et avait repris suite à la tragédie qui frappait la famille? Ou bien était-ce un problème auquel Jenn faisait face en continu depuis des années? Un simple coup d'œil à l'apparence de la femme ne lui donnait pas vraiment de réponse. Et elle ne savait pas vraiment si elle pouvait poser la question.

-Bonjour, Isabelle. Salua Jenn en entrant.

-Bonjour, Jenn. Hum... si ça ne vous gêne pas, vous pouvez simplement m'appeler Lutz. C'est ce que tout le monde fait. 

-Oh... je m'excuse, je vous ai appelée Isabelle à plusieurs reprises jeudi soir...

-Ne vous en faites pas. La rassura Lutz. C'est juste... hum, c'est un peu stupide, mais depuis le décès de mes parents et l'accident de Tom, la seule personne à m'appeler ainsi est mon ex-mari. Disons que l'avoir entendu pendant si longtemps uniquement dans le contexte de nos disputes m'en a... un peu dégoutée. 

-Eh bien, je tenterai d'y faire attention à l'avenir. Déclara Jenn. Et, hum... je tenais à vous remercier et... à m'excuser, pour jeudi soir. J'ai... grandement exagéré sur la boisson, et je vous ai posé des problèmes. 

-Ça ira, ça ira. Rit légèrement Lutz. La prochaine fois, je me contenterai de mettre une limite sur le nombre de bouteilles. 

Le rire de Jenn était clairement gêné, tandis qu'elle traversa la petite salle pour aller s'asseoir au chevet d'Alice. 

-Pas de Jill, aujourd'hui? Demanda Lutz.

-Non... répondit Jenn avec une mine déçue, ce qui était loin d'être le ressenti de Lutz à cette nouvelle. 

La réponse monosyllabique mit pourtant la puce à l'oreille de l'inspectrice.

-Vous avez eu un... comment dirai-je... un accrochage? 

Les yeux de Jenn s'écarquillèrent légèrement. 

-On ne peut décidément rien vous cacher, Inspectrice. 

Lutz frissonna légèrement à l'évocation de son grade. Jill devait donc lui en avoir parlé. Jenn reprit.

-Jill est très protectrice... un peu trop, même, si vous voulez mon avis. Et l'accident l'a rendue... particulièrement paranoïaque. 

-C'est à dire?

Jenn eut un rire sans joie.

-Elle est persuadée qu'il y a des ennemis partout. Que des gens vont venir tenter de finir le travail. Elle voit des dangers en tout le monde. Et comme vous êtes de la police, en plus... 

1000 mètres sous la surfaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant