WORST NIGHTMARE I

𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄

𝐀 𝐭𝐨𝐮𝐭 𝐜𝐞𝐮𝐱 𝐪𝐮𝐢 𝐜𝐫𝐨𝐢𝐞𝐧𝐭 𝐚𝐮 𝐝𝐞𝐬𝐭𝐢𝐧.

𝐂𝐞𝐭𝐭𝐞 𝐡𝐢𝐬𝐭𝐨𝐢𝐫𝐞 𝐞𝐬𝐭 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐯𝐨𝐮𝐬 :

𝐋𝐞𝐬 𝐬𝐮𝐫𝐯𝐢𝐯𝐚𝐧𝐭𝐬.

7 heures 55. 
Maud St NW, Washington.

Je me suis précipité à toute allure dans les escaliers de ma maison, animé par la hâte. Le parc m'attendait, ainsi que des amis que je n'avais pas eu l'occasion de voir depuis une éternité. 

Ma mère était assise à la table de salle à manger devant un cendrier plein, envahi d’un amas de papier.

Je pouvais sentir l’odeur âcre de la fumée qui imprégnait la pièce, mais je savais que ma mère détestait les vulgarités, donc je n’ai rien dit.

Elle marmonnait des phrases incompréhensibles, le visage crispé de concentration. Un crayon de bois serré entre ses doigts, elle griffonnait des notes sur une feuille de papier.

De temps à autre, elle s’arrêtait, s'éloignait légèrement, puis se relisait attentivement.

J'ai avancé silencieusement, conscient de ne pas vouloir la perturber, et j'ai effleuré délicatement le sommet de la feuille du bout de mon index.

– C’est qui Jackson-Jack Carson ? lui demandai-je. 

J’avais l’impression que le prénom changeait toutes les semaines.

– Une nouvelle personne à défendre. 

– Et il a fait quoi lui ? Accident ? Braquage ? Vol ? 

Ma question lui fit lever les yeux vers moi. 

– Homicides volontaires. 

Elle me répondait toujours de sa voix calme et douce, comme si elle voulait me rassurer. Comme si elle était capable de m’apaiser instantanément, même dans les moments les plus difficiles.

Cependant, je savais que sa voix n’était pas suffisante pour apaiser les traumatismes que d'autres auraient pu ressentir dans les mêmes circonstances.

Mais moi, j’étais devenu insensible à la violence et à la brutalité du monde. Chaque jour, j’en apprenais davantage sur les horreurs que les gens infligeaient à d’autres, mais je m’étais habitué à cela.

Plus rien de pouvait vraiment me choquer, et je me sentais presque détaché du monde qui m’entourait. 

– Et tu à accepter de le défendre ? Pourquoi ? 

– Parce que c’est mon travail. Qui sommes-nous pour juger ce qui est bien ou mal ? 

– Et lui, qui est-il pour ce permettre d’enlever la vie à quelqu’un ? 

Elle laissa échapper un soupir résigné, signe que nous avions toutes les deux raisons.

C’est pour cela que nos discussions pouvaient s’éterniser pendant des heures, sans que nous soyons en mesure de nous mettre d’accord.

Nos visions de la vie étaient comme des rivières distinctes qui refusaient de converger. Elle voyait la vie comme une avocate, cherchant à comprendre les nuances et les complexités de chaque situation.

Quant à moi, j'étais plus en phase avec la perspective de mon père.

Pour moi, les choses étaient claires et nettes : si l'on transgressait la loi, on devenait automatiquement un méchant, et la punition était méritée. Ma conception de la justice était résolument manichéenne : les coupables derrière les barreaux. 

Je remarquai qu’elle me regardait d’une drôle de façon, mais rapidement, j'ai compris que c'était simplement sa manière distinctive de me regarder.

Ce regard particulier, unique en son genre, avait toujours eu le pouvoir de me faire sentir exceptionnel.

– Je t’aime Charlie, a-t-elle finalement déclaré en déposant doucement sa main sur la mienne.

En réponse, j'ai esquissé un sourire, mais intérieurement, je regrettai de ne pas avoir eu le courage de lui dire à quel point je l’aimais aussi.

– Je dois y aller. Si ce soir je ne suis pas rentré, commencez à manger sans moi, ajouta-t-elle en rassemblant ses affaires avant de partir.

C’est bien trop tard que j’ai réalisé que la vie est éphémère et que j’avais attendu trop longtemps pour lui exprimer mes sentiments.

La vie a continué son cours, mais désormais, elle était teintée d'une nuance différente. 

Grisâtre. 

Comme si la couleur avait fui du monde depuis qu'elle était partie.

Et ainsi, alors que le temps continuait de s'écouler inexorablement, je m'accrochais à l'espoir que quelque part, elle savait.

Elle savait combien je l'aimais, même si les mots n'avaient jamais franchi mes lèvres.