Chapitre 1 : Ambre

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Septembre 2022

Le son strident de mon téléphone me réveille en sursaut, du bout des doigts j'essaie de l'attraper, mais il m'échappe et finit sur la moquette. Un début de journée qui commence bien. Obligée de déplacer mon corps pour le récupérer, je suis soulagée en découvrant qu'il est toujours intact. Mon envie de bouger est presque inexistante, j'aime rester au chaud dans mon lit et prendre le temps de m'éveiller. Mon regard se dirige vers l'extérieur, le temps ne me motive pas davantage à sortir. Après de longues minutes à flâner, je me décide enfin à me lever. Peu habitué à ce nouvel environnement, mon corps rencontre malencontreusement le mur. Je me frotte la tête, riant de ma propre bêtise. Cela ne fait que trois jours que j'ai emménagé dans cet appartement, mon premier, le signe de mon indépendance. La chaleur de l'eau est réconfortante, là encore, je rêverais de rester des heures dans ma douche, seulement ma conscience écologique me rappelle souvent à l'ordre. Bien que n'étant pas une fervente défenderesse de l'environnement, j'essaie de limiter mon impact sur la planète.

Avant de partir pour profiter de l'air extérieur, je m'arrête pour observer la vue, j'habite au centre de New York et admirer les paysages est devenu une activité quotidienne. Même si je souhaitais être complètement indépendante, les prix des loyers sont exorbitants dans cette zone, et je ne cesse de remercier mes parents pour prendre cette dépense à leur charge. Depuis toute petite, ils font tout pour que je me sente bien, que je ne manque de rien tout en apprenant la valeur de l'argent. Je cumule les petits jobs étudiants depuis trois ans maintenant pour pouvoir financer mes études d'art. Le dessin est bien plus qu'une simple passion, il m'anime à chaque seconde. Ma préférence se tourne vers les portraits. Parvenir à faire ressortir une émotion rien qu'en faisant parcourir mon crayon sur une feuille est un véritable plaisir.

Dès que je traverse une rue, une nouvelle idée s'empare de moi et je ne peux m'empêcher de la réaliser. L'art est toujours mon exutoire, il me permet de coucher sur le papier les émotions que je ne peux pas exprimer autrement. Une discipline où l'on doit se dévoiler à chaque instant, en y laissant parfois un morceau de notre âme. La décoration de ma chambre se résume à une multitude de dessins accrochés aux murs. Je rêve de pouvoir montrer ce dont je suis capable à de vrais professionnels et pourquoi pas me faire une petite place dans ce monde si fermé.

Cette douche bien chaude m'a fait le plus grand bien, me voilà prête à arpenter la ville et m'en inspirer. Une chance que j'habite à proximité du centre-ville, des musées et des galeries d'art où je compte bien passer mon temps. En sortant du bâtiment, je m'aperçois qu'il commence à pleuvoir, finalement, une petite visite de galerie s'impose le temps que l'averse cesse. N'ayant pas le courage de remonter les trois étages, je presse le pas pour arriver au plus vite. Le sport n'est pas mon activité favorite, loin de là, avec mes nombreuses formes, je peine à marcher vite. Comme bien des fois lorsque je me déplace, mon esprit s'évade.

Je me remémore comment était ma vie d'avant, une vie d'adolescente sans problème, apprécié par presque tout le monde, jusqu'au jour où tout a basculé. Quelquefois, je me demande si les choses auraient pu être différentes, si j'étais devenue quelqu'un d'autre sans tous ces bagages émotionnels. Rien ne pourra effacer les remords, la peine, la douleur que je ressens à chaque fois que mon pied foule le sol. On ne peut pas changer le passé, seulement l'accepter pour continuer de vivre. Mais que peut-on faire si ce moment n'arrive jamais ? Si le poids de la culpabilité est bien trop fort, tellement fort qu'il m'empêche de penser à autre chose.

À la fin de la journée, je suis rêveuse. La découverte de cette galerie m'a remonté le moral, l'espoir de pouvoir un jour être à la place de ces artistes se fait une place dans un coin de ma tête. Pour parvenir à ce rêve, il va falloir que je travaille intensément. Dans mes pensées depuis un long moment, je ne me suis pas rendu compte que j'avais marché autant. Perdue dans mes réflexions, je m'engage pour traverser sans avoir regardé au préalable. Je ne vois pas la voiture arriver à vive allure, l'unique chose qui est visible ce sont ses fards puissants, éblouissant tout ce qu'il y a autour. Le bruit du klaxon retentit, mais je suis paralysée, comme si mes pieds étaient collés au sol. Mes paupières se ferment instinctivement, incapable d'esquisser le moindre mouvement, je reste planté là au milieu de la route attendant l'impact. Est-ce comme ça que ma vie devait se finir ? D'une manière si brutale que s'en est presque risible. Le dernier son qui parvient à mes oreilles et celui du crissement de pneus. Un bruit intense que je n'entends plus au bout de quelques instants.

Il est mon avenirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant