Chapitre 27

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Une fois Elizabeth partie, mes pensées étaient toujours pleines de photos d'enfants, de souvenirs que je n'ai moi-même jamais eu la chance de connaître. Je ne suis pas le seul, je suppose. Lorsque je commence mon croquis, je pense à tous ces enfants dont les parents ne s'occupaient pas ou très peu, à tous ceux qui n'ont jamais eu la chance d'apprendre à couper du bois avec leur père ou à peindre avec leur mère. Je décide cette toile à tous ceux qui n'ont pas eu l'enfance qu'ils méritaient mais qui ont survécu malgré tout. Je la dédie à tous ceux qui se sont élevés seuls ou presque, à tous ceux qui ont eu à agir en tant que père ou mère auprès de leur propre parent.
    Mon tableau est en noir et blanc. J'y représente deux enfants, un garçon et une fille, assis autour d'une table de quatre couverts. Je n'ai représenté aucun adulte, voulant ainsi montrer la puissance d'une absence. Le petit garçon tente de couper la dinde sur la table tandis que la jeune fille se sert un verre de vin. Le titre m'est apparu comme étant une évidence : « Dîner de famille ». Lorsqu'Elizabeth arrive au bureau, je m'empresse de lui montrer en réalisant qu'il est donc aux alentours de neuf heures du matin et que j'ai passé la nuit entière dans mon atelier.

    —Vous n'avez pas dormi de la nuit ?
    —Je ne pensais pas pouvoir le finir cette nuit mais ...noir et blanc et le temps de sèche... qu'en penses-tu ?

Les mots se bousculent pour sortir.

    —C'est une très jolie œuvre, dit-elle avec un sourire.
    —Est-ce que tu l'achèterais ?
    —Non, admet-elle timidement.
    —Pourquoi pas ? Est-ce une question d'argent ?
    —Ce tableau aurait tendance à rappeler à quelqu'un l'absence de ce qu'il a toujours voulu, de ceux qu'il a toujours voulu.

    Je hochais la tête en comprenant son point de vue. Elle n'avait pas tort. Seulement, je sais aussi que nous voyons tous des messages différents dans chaque œuvre que nous voyons. Je la remercie pour son honnêteté et lui demande si j'ai des rendez-vous de prévus pour la journée. Fort heureusement pour moi, je n'en ai aucun. Toutefois, elle me rappelle que j'ai une invitation pour un gala de bienfaisance ce soir et que plusieurs de mes toiles sont sur la liste des enchères. L'objectif est d'atteindre le million d'euros, si je ne m'abuse. Tous les bénéfices de la soirée seront reversés à une association luttant pour le droit à l'éducation des enfants dans les pays sous-développés.
    Lorsque je propose à Elizabeth de m'accompagner, elle me sourit tendrement en acceptant. Je lui demande alors si elle a une robe adaptée pour ce genre d'événements et elle m'affirme que oui, refusant ainsi que je lui en achète une nouvelle. Elle rit en disant qu'il faut que je garde cet argent pour faire grimper les enchères ce soir.
Une fois les détails concernant la soirée fait, je décide de rentrer chez moi pour me reposer un peu.

***

    Charlie, l'homme ayant postulé pour être mon assistant, a la joie d'être notre chauffeur privé. Lorsque je l'ai appelé pour louer ses services, il m'a remercié une bonne dizaine de fois avant de raccrocher, ce qui m'avait fait rire. Ainsi, une fois qu'il m'a récupéré, nous partons rejoindre Elizabeth. Charlie l'attend patiemment devant la porte, prêt à lui ouvrir comme un vrai gentleman. Il prend visiblement son rôle très à cœur.
    Elizabeth porte une robe longue noire lui moulant le corps. En fait, il s'agit d'une robe en col roulé, et lorsqu'elle tourne sur elle-même en souriant à Charlie, je remarque que le dos est nu, de ses épaules jusqu'au creux de ses reins. C'est une très belle robe, à la fois classique de par sa couleur, et osée de par sa coupe. Je lui embrasse la main et elle rit. Ses cheveux blonds tombent en cascade dans son dos, ce qui lui donne un air encore plus ravissant que d'ordinaire.
    La soirée se déroule dans un château dans le département voisin, ce qui nous permet de discuter pendant une bonne heure et demie avant que nous n'arrivions à destination. Comme à son habitude, Elizabeth me tient au courant de l'actualité concernant certains membres de l'assemblée, me précise qui sont les plus riches, quels sont les métiers des uns et des autres et encore ce serait bénéfique pour ma carrière d'artiste, ou même sur le plan personnel, de discuter avec certains d'entre eux. Elle sait toutes ces choses que je n'aurais jamais pensé à chercher. S'il elle n'était pas là ce soir, je me sentirai inculte et coupable, alors je l'en remercie vivement.
    Puis, soudainement, elle s'arrêta de parler. Je la regarde sans comprendre, en cherchant quelqu'un ou quelque chose qui aurait pu la surprendre. Minho, Adaliah et Stanislas se tenaient juste en face de nous. Minho était le seul que ne nous regardait pas.

    —Je suis désolée, monsieur Leclerc. Je n'avais pas remarqué leurs noms sur la liste des invités.
    —Ne t'excuse pas, ce n'est pas ton événement caritatif. Tu n'as rien à te reprocher, lui dis-je en posant une main sur son épaule.

    Ils s'avancent tout droit vers nous mais j'attrape Elizabeth par les hanches et leur tourne le dos. J'ai beaucoup de personnes à voir, à apprendre à connaître et ils n'en font pas partie. Je ne les connais déjà que trop bien. Il n'y a rien chez eux qui m'intéressent.

    —Allons nous asseoir, les enchères vont bientôt commencer, lui murmurais-je contre l'oreille.

    Elizabeth acquiesça. Une fois que nous sommes assis, elle me regarde avec un sourire que je ne connais que trop bien à présent. Il s'agit de ce sourire triste, rempli de pitié et de compassion.

    —C'est elle, n'est-ce pas ? Il s'agit d'Adaliah.
    —Oui.
    —Je comprends, avoue-t-elle. C'est une femme magnifique.
    —Elle a beau être une femme magnifique, c'est le fait qu'elle ne soit pas la mienne qui me pose problème.

    Elle attrape ma main et la presse doucement. Son geste se veut réconfortant mais la chaleur de sa main me brûle la peau. Je me détourne rapidement et inspecte la liste des objets aux enchères : trois de mes toiles, une montre des années mille neuf-cents, un voyage en Italie, de nombreux objets faits en divers cristaux, un collier ornés de pierres précieuses... La liste est longue.

    Lorsque les enchères commencent, le premier objet n'est autre qu'un collier orné d'une émeraude. Il est splendide. Il ne me faut que quelques secondes de réflexion avant que je ne lève ma petite carte montrant que je suis intéressé. Les enchères grimpent assez rapidement : cinq cents, huit cent cinquante, mille euros. Je finis par avoir le dernier mot pour un prix final de cinq mille cent euros. Quelques personnes m'applaudissent alors que je me lève de ma chaise pour remercier l'assemblée.

    —Je ne savais pas que vous aimiez porter ce genre de colliers, me sourit Elizabeth.
    —Il n'est pas pour moi.
    —Oh!
    —Il est pour toi. Joyeux anniversaire, Elizabeth.

    Elle ouvre grands les yeux, ce qui me fait rire aux éclats.

ADALIAH [bxb]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant