Chapitre 10

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Lorsque je me réveille, le soleil est déjà à son zénith. Nous étant couché bien tard, je ne suis nullement surpris de voir le ciel dégagé par la fenêtre. Toutefois, je suis surpris de constater que je ne suis pas dans le canapé, à l'endroit même où je me suis endormi. Au bout du lit se trouvent mes vêtements pliés avec un sous-vêtement propre et qui ne m'appartient pas. Je comprends rapidement que Stanislas n'est plus là, ou du moins, pas à mes côtés. Je ne suis nullement surpris qu'il ait eu la force de me porter jusqu'ici, seulement, j'aurais aimé m'en souvenir. Nul doute ne fait qu'il ait dormi à mes côtés. S'il est de ceux qui laisseraient volontiers son lit à n'importe quel invité, je doute qu'il en fasse de même avec un homme dont il a embrassé chaque partie du corps.
Une odeur de brûlé me sort de mes rêveries et j'enfile rapidement un boxer avant de me diriger vers la cuisine, comme si j'étais moi-même propriétaire de l'appartement. J'appuie mon épaule sur le mur alors que je regarde Stan essayé désespérément de sauver ce qui s'apparente à des steaks. La cuisine n'est visiblement pas innée pour tout le monde. J'éprouve un certain soulagement en voyant qu'il n'est pas parti, bien qu'il n'ait aucune raison de le faire. Après tout, c'est chez lui et je suis celui qui n'a nullement sa place ici. Il y a quelque chose de plaisant dans le fait de rester après une telle soirée. Je ne peux m'empêcher de sourire en le voyant si maladroit. Lorsqu'il remarque ma présence, un petit sursaut lui échappe. Il ne dit rien, comme si ma présence était naturelle, habituelle. Je pense que je ne me lasserai jamais de cette simplicité dont il est le seul de mon entourage à faire preuve.

—Tu aurais pu me réveiller, je t'aurai aidé, dis-je simplement en saisissant la poêle.
—Tu avais besoin de repos.
—Et tu avais besoin d'aide, soulignais-je.
—Ce n'est pas vrai. Je me débrouillais très bien avant que tu ne m'arraches la poêle des mains. Si le repas n'est pas bon, ce sera entièrement de ta faute.
—Je t'ai pourtant connu bien habile de tes mains, retourné un steak dans une poêle devrait être un jeu d'enfant pour toi.

J'affiche un sourire avant qu'il ne me donne un coup d'épaule, ce qui me fit rire. Il n'ajoute rien et dresse simplement la table. Quant à moi, je me cantonne à essayer de rattraper son manque de compétences culinaires. Je lui demande quelques ingrédients dans le but de faire une sauce et de masquer ainsi le goût trop cuit d'une bonne viande rouge. Il me regarde faire, l'air concentré, mais n'ajoute rien. Peut-être attend-il que je dise quelque chose, que je fasse le premier pas. Que pourrais-je dire ? Il sait que j'ai passé une bonne soirée, je n'ai pas besoin de le lui rappeler. Je pourrais lui demander plus de détails sur sa vie ou ses projets du jour mais je donnerais sans doute plus l'impression de vouloir combler un vide entre nous.
Il me devance.

—Qu'est-ce que tu vas faire aujourd'hui ?

Apparemment, mes projets l'intéressent.

—Je vais retourner dans ma chambre d'hôtel et organisé mon départ. Je n'ai plus aucune raison d'être ici, dis-je sans réfléchir.
—Aucune raison, répète-t-il.

Je ne m'excuse pas. Je sais que mes mots peuvent lui semblaient brutaux, froids, secs. Ce n'était pas mon intention d'agir ainsi, mais je ne regrette pas de les avoir prononcés. Malgré notre bonne entente, Stan n'est pas une raison suffisante pour que je m'attarde ici. Il n'y a rien de bon ici, si ce n'est lui. Si je voulais le revoir, ce serait à lui de venir avec moi. Or, après une simple soirée passée ensemble, je refuse de lui demander de venir passer quelques jours dans une ville loin d'ici avec moi. Tout ici me rappelle mon malheur : la maison de ma mère, la tombe de mon père, le mariage d'Adaliah. Stan a été la bouffée d'air frais dont j'avais besoin. C'est comme s'il m'avait sauvé de la noyade. Sa présence n'aurait pas pu tomber à un meilleur moment. Il ne sait rien de tout cela, ou sans doute n'imagine-t-il pas à quel point j'avais besoin d'être sauvé. Ce n'est pas plus mal ainsi.

—Qu'as-tu prévu de faire, toi ? Demandais-je en servant le repas.
—Je ne sais pas. Je n'ai rien de particulier de prévu.
—Il n'y a rien que tu aies envie de faire ?
—Rien que je n'ai envie de faire seul, répond-il avec un sourire en coin.
—En fait, j'ai encore quelque chose à régler avant de partir. Ce n'est rien qu'un tas de paperasse qui ne devrait pas me prendre l'après-midi. Peut-être qu'on pourrait se revoir avant que je ne parte.

Il me sourit sans répondre. Il semble peser le pour et le contre, ce que je comprends parfaitement. Je lui demande son téléphone, et il s'exécute sans même me demander ce que j'avais l'intention d'en faire. J'y ajoute mon numéro et lui écrit l'adresse et le numéro de ma chambre. Il n'aura aucune raison de ne pas me trouver. Je sais qu'il viendra. Je le sais autant que deux plus deux font quatre.

***

Ma mère ne m'accueille pas à bras ouverts, sans grande surprise. Si ça ne tenait qu'à elle, je ne serai jamais revenu dans ce village. Pourtant, elle n'avait pas d'autre choix que de venir me chercher. Étrangement, au moment de sa mort, mon paternel s'est rappelé qu'il avait un fils et a décidé de me mettre sur son testament. La seule bonne nouvelle que j'en tire est de constater qu'il n'a aucune dette, rien que je ne dus rembourser à qui que ce soit. Il me lègue quelques biens futiles dont je n'aurais aucune utilité : des couteaux de chasse, une montre qui appartenait à mon grand-père, sa chevalière... et bien d'autres encore. Je n'emporterais avec moi rien de tout cela. Pas même une simple photo.
Durant tout le processus, mes pensées sont ailleurs. Je ne pense qu'à Stan et à ce que nous avons prévu de faire. Je me blâmerai volontiers d'avoir ce genre de pensées dans de telles circonstances mais je n'en fais rien. Que mon père soit mort ou vivant, ça ne change rien à la vision que j'ai de lui. Je ne fais pas partie de ceux qui retournent leur veste dès qu'une personne est en fin de vie ou qu'elle n'est déjà plus là. L'hypocrisie n'a jamais été mon fort contrairement à ma mère. D'ailleurs, cette dernière me lance quelques regards remplis de haine et de dégoût. Non seulement elle ne m'a jamais voulu, mais en plus je n'ai jamais été le petit garçon parfait qu'elle a tenté de faire de moi. Je n'ai rempli aucune de ses attentes. Elle m'a gardé par amour pour mon père.
Une fois dehors, l'amertume de ses mots ne se fait pas attendre.

—Tu n'as plus de raison d'être ici désormais. Retourne chez toi, nous savons tous les deux que ta maison n'est plus ici.
—Un simple merci pour le déplacement aurait été suffisant, soupirais-je.
—Un remerciement ? Pour être venu sur la tombe de ton père mort ? Comment oses-tu ?
—Nous n'allons pas avoir cette discussion, réponds-je en lui tournant le dos.
—Bien sûr que si, reviens ici Liam !
—Assure-toi d'avoir un messager qui m'informera de ta mort puisque ton mari n'est déjà plus là pour le faire. Je pensais que tu partirais avant lui mais les démons sont coriaces. On se reverra en enfer.

Je lui dis tout cela dos à elle, une main levée pour la saluer. Une partie de moi aurait aimé voir son visage devenir rouge de colère mais l'autre reste concentrée sur ce qui m'attend à l'hôtel. Lorsque j'y arrive, Stan n'est pas encore là. Seulement, lorsque l'on frappe à ma porte, je ne m'attendais pas à voir un tel visage.

ADALIAH [bxb]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant