Chapitre 38

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Adaliah est morte. Cette même personne qui m'a donné une raison de vivre pendant tant d'années. Adaliah s'est donné la mort. Elle ne reviendra pas. Un nouveau flash surgit et je la vois frappée à mon carreau, alors qu'une pluie torrentielle s'abat dehors. Je me sens coupable de ne pas avoir été l'ami qu'elle souhaitait avoir ce soir-là. Je suis presque sûr qu'elle voulait m'annoncer sa grossesse. Cet enfant, lui aussi parti trop tôt, lui aura coûté sa vie. J'aurais aimé lui dire que je voulais des enfants moi aussi, et que nous en avons parlé sérieusement avec Stanislas. Je suis sûr qu'elle aurait été ravie pour nous.
    Peu importe où elle est, ce qu'elle fait ou qui l'accompagne, j'espère de tout mon être qu'elle est heureuse, qu'ils sont heureux. Elle ne mérite que ça. Je suis désolé pour la perte de son enfant, je suis désolé pour la douleur qui s'est avérée être trop difficile à supporter, je suis désolé de ne pas avoir été là. Seulement, être désolé ne la fera pas revenir. Je dois être heureux, moi aussi. Pour elle. Pourtant, j'éclate en sanglots.
    Je prends ma tête entre mes mains et réalise enfin l'ampleur de la situation. Je ne la reverrais plus, plus dans cette vie, plus de mon vivant. Je ne verrais jamais plus l'éclat pétillant de ses yeux, je n'entendrai jamais plus le son de sa voix, ses traits ne berceront plus jamais mes nuits. Je ne la connaîtrai jamais vieille et fripée, et je n'aurais plus jamais de ses nouvelles.
    Je frappe mon volant avec une agressivité dont je n'ai pas l'habitude. Je hurle à ne plus avoir d'air dans les poumons, pensant que personne ne m'entendrait. Pourtant, le prêtre voulant rentrer dans son Église m'aperçoit. Il s'agit de celui qui a unifié Adaliah et Minho. Je suis persuadé que c'est aussi lui qui a fait la cérémonie de l'enterrement. Il frappe à ma vitre et je lui hurle de me laisser, mais son ton insistant et son air triste finissent par me faire céder. Je sors de ma voiture et m'adosse contre l'une des roues de ma voiture, les joues rouges, le souffle court. Pourtant, plus je le regarde, plus je suis pris de colère.

    —Je refuse de croire que votre dieu avait besoin d'elle autant que nous, dis-je d'un ton dur.
    —Je comprends ta colère, mon garçon. Cependant, Dieu l'a rappelé à lui pour une raison que nous n'avons pas besoin de connaître, mais qu'il nous faut pourtant accepter. Veux-tu venir prier avec moi ?
    —Prier pour quoi ? Pour qu'elle revienne ?
    —Pour sa famille, son mari, ses proches. Pour toutes les personnes en deuil, comme toi.
    —Nous savons tous les deux que la douleur ne disparaîtra pas de si tôt et qu'Adaliah ne reviendra pas. Les prières ne sont bonnes que pour les personnes qui croient en quelque chose. Moi, je croyais en elle. J'avais la foi. Je croyais qu'elle était plus forte que toutes les personnes que j'ai pu rencontrer dans ma vie, qu'elle balayerait d'un simple coup de main tous les problèmes de la vie. Je croyais qu'elle aurait un mariage heureux, même s'il n'était pas avec moi, et qu'elle nommerait sans doute son enfant par le prénom de l'un de ses parents. J'avais des rêves et des espoirs la concernant. Elle n'est rien de cela à présent, et je n'ai rien d'un bon croyant mon père. Mais j'aurais dû m'en douter, dis-je en riant ironiquement alors que des larmes roulent sur mon visage. Je ne peux pas être heureux. Pas sans qu'une catastrophe ne vienne gâché mon bonheur.

    Avant qu'il ne réponde quoi que ce soit, Stanislas arrive en courant vers nous. En le voyant, l'homme d'église me fait un simple signe de tête compatissant avant de retourner à l'intérieur. Il ne voulait simplement pas que je sois seul dans cette épreuve.
    Stanislas s'agenouille en face de moi et prend mon visage entre ses mains. Je n'ai même pas la force d'affronter son regard. Que pourrais-je répondre lorsqu'il me demande si je vais bien ? Non, bien sûr que non. Je n'ai aucune raison d'aller bien, je n'ai aucune envie d'aller bien. La femme de ma vie est morte. Je côtoie les personnes qu'elle a elle-même côtoyée, je foule une terre que nous avons partagés, et les souvenirs qui nous étaient communs sont devenus personnels. J'admire la sensibilité et l'humanité dont il fait preuve, mais je suis incapable de lui dire quoi que ce soit de ce que je ressens. Il essuie les larmes causées par la femme que j'ai aimée, par la femme que j'aurais longtemps choisie dans une pièce remplie de personnes, par une femme qu'il a lui-même dû côtoyer. Puis soudain, une question me vint en tête et je ne peux m'empêcher de la lui poser.

    —Est-ce que tu t'es déjà comparé à elle ?
    —Oui, dit-il simplement.
    —Pourquoi ?
    —Pourquoi pas ? Tu m'as dit toi-même que tu l'aimais dès le jour de notre rencontre. C'est un fait dont j'ai toujours eu connaissance et que je n'ai jamais ignoré. Tu l'as aimé et tu l'aimeras toujours.
    —Tu sais, ça ne veut pas dire que toi et moi, ce n'est que du vent.
    —Je sais, dit-il en m'embrassant tendrement le front. Tu n'as pas besoin de le dire, Liam. Je sais ce que tu ressens pour moi, je le vois. Je le vois à la manière dont tu me regardes lorsque tu me peins, à la manière dont tes pupilles se dilatent alors même que je porte encore chacun de mes vêtements, à la manière dont tu me parles, tout simplement. Tu n'as pas besoin de me dire que tu m'aimes, parce que je le sais et ça me suffit.
    —Stan, murmurais-je.
    —Adaliah est sans aucun doute la femme qui a le plus compté à tes yeux. Je ne vais pas te demander de l'oublier et de passer mon temps à essayer de mon convaincre que c'est quelque chose de possible. Je suis ici pour te rappeler que tu n'es pas seul, et que même si je ne la remplacerai jamais, je serai à tes côtés aussi longtemps que tu voudras de moi.
    —Promets-moi de ne pas mourir, s'il te plaît.

Mon ton est pathétique, suppliant. Il sourit tristement.

    —Nous savons tous les deux que c'est une promesse que je ne pourrais pas tenir. Personne ne le peut.
    —Alors promets-moi de ne pas mourir avant moi. Je ne pourrais pas. Je ne pourrais pas le supporter, répétais-je en hoquetant. Je ne veux pas me réveiller dans un monde dans lequel tu n'es pas.
    —Je te le promets, dit-il après quelques secondes d'hésitation.

    Il embrasse mon front avant de s'allonger sur le sol. Il ne dit rien. Je reste adosser à la roue de ma voiture et le regarde, les bras étendus, les jambes écarter. Sa présence est réconfortante et me détourne de mes pensées négatives. Certes, Adaliah ne reviendra pas, mais Stanislas a raison. Je ne suis pas tout seul. Je l'ai lui. Le temps qu'il est à mes côtés, alors je vivrai. Il est le seul qui me fera me sentir vivant à nouveau. Dans mes amas de pensées noires, il sera la lumière. Lorsque mon regard se pose sur le clocher de l'église, tout devient plus clair, comme si c'était une évidence.
Je dois l'épouser.

ADALIAH [bxb]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant