Chapitre 40

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Une fois chez lui, tout semble plus calme entre nous. Nous restons assis dans son canapé, entrelacés, pendant ce qui me semble être des heures. Le silence est doux, réconfortant et glisse sur la peau comme une légère caresse. La simplicité et la pureté de ce moment ne m'aide pourtant pas à avoir le cœur qui saigne. J'ai mal, bien plus mal que je en voudrais l'admettre. Pourtant, lorsque Stanislas attrape ma main et la porte à ses lèvres pour y déposer un baiser, mon cœur explose. C'est encore plus douloureux. L'amour que j'ai pour lui me fait mal. Seulement, on ne meurt jamais d'amour, c'est un fait bien connu.
Finalement, si je devais parler d'amour, je parlerais de lui. L'amour est finalement bien plus qu'un mot, bien plus qu'un sentiment profond qu'on peut avoir pour quelqu'un. L'amour, c'est lui. C'est lui et tous ses états d'âme, lui et chacune de ses cicatrices invisibles. Non seulement mon cœur s'est éprit du sien, mais je veux qu'il soit mien dans chacune de mes vies. Je veux continuer à passer ma main dans ses boucles brunes, voir l'illumination dans ses yeux à chaque fois que je le peins, sentir sa peau douce contre la mienne.
Je ne pensais pas connaître un amour aussi pur, simple et réel. Pas même avec Adaliah. Je l'ai longtemps souhaité, avant de croire que l'amour n'était finalement pas pour moi. Pourtant, le dicton disait vrai : « Ça viendra lorsque tu t'y attendras le moins. ». Il est arrivé comme un soleil dans ma vie et a chassé toutes mes tempêtes. Il est exactement ce dont j'ignorais avoir besoin. Plus je le regarde, plus je l'aime. C'est indéniable.
Je souris, les larmes aux yeux. L'enfant que j'étais me prendrait sûrement pour un idiot, et un faible. J'ai pris des décisions qui sont contraires aux idéologies que j'avais à l'époque, j'aime à la fois les hommes et les femmes, ce qui lui semblait incohérent et impossible, et j'ai abandonné la seule femme que j'ai toujours aimé. Je ne me suis pas battu jusqu'au bout pour elle. S'il me voyait aujourd'hui, je suis persuadé qu'il serait déçu de moi. Pourtant, je ris.
L'image et l'opinion que j'ai de moi aujourd'hui sont plus importantes. Le passé n'existe plus et demain est encore loin. Je suis fier de qui je suis devenu, de ce que j'ai accompli, et des projets de vie que j'ai construits. J'ai avancé seul dans le but d'être accompagné par quelqu'un que j'aime vraiment, et c'est ce qui s'est produit. Je ne suis plus seul. Je ne le serai jamais plus. Lorsque je regarde Stanislas, je n'ai plus l'espoir d'y croire. J'y crois. Je crois en nous autant que je crois au fait que le soleil va se lever demain matin. Et le lendemain. Et le surlendemain. Tous les jours, en fait. Lorsque le soleil arrêtera de se lever, nous serons tous deux des étoiles.
L'amour est comme une drogue : elle vous fait du bien, vous en voulez plus, vous devenez accro. L'amour semble vous guérir, mais il vous détruit. Si l'amour est beau, il n'en reste pas moins douloureux. Quelle ironie, n'est-ce pas ? J'ai longtemps trouvé ça ridicule, le fait d'être prêt à donner sa vie par amour. On ne peut pas aimer quelqu'un au point de vouloir lui donner son cœur s'il en avait besoin, ou de lui donner un rein. C'est ce que je croyais. En fait, c'est moi qui était ridicule. À l'heure d'aujourd'hui, je le ferai. Je lui donnerai chacun de mes organes si ça avait pour unique but de le sauver. Vivre sans lui serait pire que la mort.

—Tu sais, Liam, je crois qu'on devrait partir. On devrait déménager, partir dans un autre pays. Il n'y a rien qui ne nous retient ici. Tu pourrais avoir une carrière internationale, et je m'arrangerai pour retrouver du travail.
—Tes parents. Tu ne peux pas laisser tes parents.
—Ils nous rendront visite, ce n'est pas un problème.
—Où veux-tu qu'on aille ?
—Peu m'importe. Du moment que tu es à mes côtés, alors je me sentirai chez moi.

Je l'embrasse.

—En plus, si... si on veut avoir des enfants, ajoute-t-il timidement, on ne peut pas rester ici. La gestation pour autrui est interdite ici.
—Alors nous partons ?
—Nous partons.

***

Quelques mois plus tard, nous sommes enfin prêts. Stanislas a réglé ses affaires avec Minho, et j'ai réglé les miennes avec Elizabeth. Ils continueront tous deux de travailler pour nous, bien que des milliers de kilomètres nous séparerons les uns des autres. Elizabeth a longtemps pleuré, mais a finalement compris que c'était ce qu'il y avait de mieux pour moi. Finalement, elle m'a même encouragée à partir.
Nous avons trouvé une jolie maison en pierres blanches et avec un grand jardin, le tout pour un prix relativement élevé mais qui en valait la peine. La maison est un parfait mélange entre l'ancien et le moderne, et correspond parfaitement aux visions que Stanislas et moi avions. Nous avons d'abord trouvé une maison de ce genre en Grèce, mais nous nous sommes rapidement aperçus que la gestation pour autrui n'était ouverte que pour les couples hétérosexuels et que la procédure d'adoption était bien trop compliquée, presque impossible. À partir de là, nous avons trouvé la même maison en Floride, aux Etats-Unis. Il nous y sera plus facile d'y fonder notre famille.

—Tu es sûr que c'est ce que tu veux ? Me demande Stanislas une dernière fois.
—Ce n'est pas ce que je veux, mais j'ai le sentiment de devoir le faire.
—Très bien. Je t'attends dans la voiture dans ce cas.

Je l'embrasse avant de descendre de la voiture, le cœur battant à tout rompre. Je suis rempli de colère, de mots forts et aiguisé comme des lames de couteaux. Je suis prêt à en découdre. J'en ai les membres qui tremblent. Pourtant, une infime partie de moi à le cœur doux. Je sais qu'il n'y a plus de raison d'y croire, qu'il n'y a plus rien à arranger, qu'il est déjà trop tard. Seulement, le respect l'emporte apparemment sur la rancœur.
Je frappe à la porte.

—Qu'est-ce que tu veux ? dit-elle en ouvrant.

Ces simples mots suffisent à me faire regretter ma venue. Je voudrais faire demi-tour et prétendre n'être jamais venu. Seulement, je suis bloqué sur place, condamné à regarder la manière dont la fatigue et la vieillisse ont déformés ses traits. Il est clair qu'elle n'est plus la femme qu'elle était. Un jour, je serai comme elle, moi aussi. Seulement, je l'espoir de croire que je serai bien moins aigri.

—Je viens te dire au revoir.
—Tu ne peux pas dire au revoir à quelqu'un à qui tu peines à adresser un bonjour.
—Maman, s'il te plaît.

Elle hausse les sourcils et a un mouvement de recul, comme si je l'avais frappé. Il me faut quelques secondes pour comprendre à quoi cela est dû. Je ne l'avais pas appelé ainsi depuis qu'elle m'a envoyé dans ce pensionnat.
Maman.

ADALIAH [bxb]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant