Chapitre 20

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Un air inquiet traverse son visage et il se relève immédiatement. Mes mots lui semblaient insensés, ce qui me fit sourire. À en croire sa réaction, c'est comme s'il était l'artiste et que je m'apprêtais à ruiner son œuvre.

    —Tu ne peux pas me peindre, affirme-t-il.
    —Pourquoi cela ?
    —Je ne suis pas ta muse.
    —Je n'ai plus de muse, réponds-je sans même le regardé.
    —Adaliah.

    Mes yeux se posent sur lui. Mon sourire s'évanouit alors que ses mots résonnent dans ma tête. Toutefois, en regardant Stan, je ne ressens rien d'autre que de la certitude. Ses traits sont fins et doux, il est agréable et apaisant à regardé. Il sera difficile de retranscrire sa simplicité et sa légèreté à travers une toile mais j'ai la conviction que je peux le faire. Je me dois d'essayer.

    —Ne remets pas ton maillot et allonge toi sur le sol, un bras tendu vers moi, l'autre posé sur ta poitrine. Incline légèrement ta tête vers moi. Je vais te prendre en photo sous plusieurs angles pour que tu n'aies pas à rester dans cette position pendant des heures.
    —Ça ne me dérange pas. Je n'ai rien de prévu. Tu es la seule raison pour laquelle je suis dans cette ville.
    —Quelle ironie de se dire que je suis aussi celui qui finira par te demander de partir.
    —Cela ne fait pas de toi le méchant de mon point de vue de l'histoire.

    Je lui souris. Je trouve le rendu des photos décevant si l'on compare la manière dont l'unique lumière de la pièce éclaire l'ensemble de son torse recouvert d'un léger voile de sueur. Seulement, je ne lui dis pas. Il ferme ses yeux et reste parfaitement immobile. Je regarde sa poitrine se soulever à chaque inspiration, comme si je n'avais jamais vu quelqu'un respirer de toute ma vie.
    Mes sentiments pour lui, bien qu'ils ne soient que purement affectifs, résident dans la manière dont tout cela n'a été qu'une suite d'imprévus parfaitement bien synchronisés entre eux. Notre rencontre a été la plus anodine, la plus triste qui soit. Je me serai laissé mourir sur le sol, devant cette église s'il n'était pas arrivé. Finalement , peut-être était-ce voué ainsi. Peut-être que Dieu lui-même a envoyé un ange à ma rencontre. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Stan n'a rien d'un humain banal. Il est gentil, drôle, séduisant et honnête. Les Hommes sont bien connus pour être égoïstes, fermés d'esprit, orgueilleux et vaniteux. Il n'est rien de cela. Ses traits mêmes semblent irréels, bien trop parfaits. Ses boucles brunes, ses yeux d'un marron profond, ses pommettes saillantes, sa mâchoire dessinée et son nez bien droit. Tout cela sans parler de son corps dont chaque trait semble avoir été sculptés. Je n'ai jamais aimé porter un jugement sur un corps, ça n'a toujours été que futile puisqu'il est si changeant dans le temps. Toutefois, celui de Stan est celui qui épouse parfaitement le mien. J'aime sentir son cœur battre contre le mien, j'aime sentir ses hanches contre les miennes lorsqu'il est en moi mais plus que tout, j'aime la manière dont ses mains se moulent aux miennes comme si elles avaient été créer dans ce seul but.
    Le peindre est un défi personnel. J'aimerais que mon œuvre dégage une douceur incomparable à mes précédents tableaux. Ce n'est pas la première fois que je tente de peindre les traits d'un homme, mais Stan est le premier modèle masculin auquel j'ai recours. Ce fait n'a pas l'air de le déranger. Il est si calme que je doute même qu'il soit éveillé.

    —Tu peux aller dormir dans mon lit ou su le canapé, si tu veux. Il est tard et je ne voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose, dis-je d'une voix plus basse.
    —Je n'ai pas sommeil. Je veux voir le résultat de ton tableau.
    —Il ne sera pas terminé avant plusieurs heures, tu sais. Cela représente des jours de travail. Tu ne vas pas resté ici, à même le sol, pendant tout ce temps.
    —Alors, j'attendrai chaque soir avec impatience pour revenir ici et m'allonger dans cette exacte même position. Je veux me voir à travers tes yeux, Liam.

    Il a cette manière de me regarder comme s'il n'y avait que moi à voir. Au milieu de dizaines d'œuvres artistiques présente dans la pièce, il n'avait d'yeux que pour moi. Jamais personne ne m'avait regardé ainsi. Ce n'était en rien du désir, mais de la pure admiration. Alors, je décidais de le regarder. Son visage, son torse, puis chaque centimètre de son corps. Son sourire ne faisait que grandir, presque autant que le mien.
    Du peu que je le connais, je peux dire que Stan ne fait pas partie de ceux qui haussent le ton. Pour qu'il en soit ainsi, il faut qu'il ait été repoussé dans ses retranchements. Autrement, il reste fidèle à lui-même avec son flirt naturel et son humour décalé. Son charme ne réside pas dans sa beauté, bien qu'elle y contribue, mais dans la manière dont il ne porte jamais de jugement sur quoi que ce soit ou qui que ce soit. Il est curieux de tout, comme s'il découvrait le monde pour la première fois, comme s'il avait les yeux d'un enfant de quatre ans. Pourtant, du haut de ses vingt-trois ans, il a dû vivre bien plus de choses que je ne peux l'imaginé.

    —Qu'est-ce que tu fais dans la vie ? Tu m'as dit que tu avais arrêté tes études mais tu ne m'en as jamais dit plus.
    —Rien qui ne soit vraiment intéressant.
    —Cela ne répond pas à ma question.
    —J'investis dans des biens immobiliers, me confie-t-il.
    —D'où est-ce que tu tiens l'argent nécessaire à...
    —L'héritage d'un oncle qui n'avait pas d'enfant, me coupe-t-il. J'ai gardé son ancien conseiller qui me permet de m'y connaître un peu plus et qui me permet avant tout de faire les bons choix.
    —Tu ne veux pas d'un vrai travail ? Je veux dire, avec des horaires fixes et qui te permet de te bouger ?
    —L'investissement est un métier. Je travaille avec mon conseiller pour investir au profit de jeunes entrepreneurs.
    —Ça ne doit pas courir les rues de ton village.
    —Il s'agit plus de ton village que tu miens, tu sais.

    Stan n'avait pas tort. Il n'a pas passé son enfance là-bas. Autrement, nous aurions été à l'école primaire et au collège ensemble. Nous n'aurions pas été dans la même classe, certes, mais il s'agissait de petits établissements. Tout le monde connaissait tout le monde. Il m'explique alors que ses parents ont déménagé lorsqu'il avait trois ans, juste avant qu'il n'entre à l'école. Son discours est cohérent, mais une question me reste toujours dans un coin de la tête : pourquoi est-ce que quelqu'un qui investit dans des biens immobiliers voudrait aller vivre dans un endroit aussi monotone et triste que ce petit village dont jamais personne n'a entendu parlé ?

ADALIAH [bxb]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant