Chapitre 31

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Stanislas est toujours plein de sujets sérieux et qui donnent à réfléchir. Il fait partie de ceux qui se posent beaucoup de questions profondes et qui cherchent par tous moyens d'obtenir des réponses. C'est à la fois un trait de caractère que j'admire mais également quelque chose qui m'agace facilement. Si les questions sont trop nombreuses, je sais que je n'aurais pas la patience nécessaire de répondre à chacune d'elles.

—Pourquoi ne veux-tu pas venir à la montagne avec moi ? Y a-t-il quelque chose que j'ignore ? Ce n'est pas comme si nous ne nous connaissions pas. Certaines personnes partent en voyage ensemble alors qu'elles se sont rencontrées dans la soirée.
—Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, dis-je en mettant en place le matériel nécessaire à ma prochaine peinture. Je ne sais même pas ce que tu attends réellement de moi, de nous. Je ne sais pas ce qu'on est.
—Je me fiche de ce qu'on peut être, je...
—Pas moi. Pas moi, répétais-je. J'ai vingt-sept ans, Stan. Je ne veux plus être celui qui couche avec quelqu'un un soir de temps en temps. Je veux quelque chose de vrai, de sérieux.
—Et tu penses que je ne suis pas prêt à te l'offrir ?
—Tu ne pourras jamais me donner tout ce que je veux.
—Comme quoi ? Des enfants ?

Je l'ai blessé. Sa voix est sèche et aiguisée comme la lame d'un couteau. Comme à notre habitude, il nous est impossible de passer plusieurs heures ensemble sans que nous ne finissions par avoir une sorte de dispute. Cela fait partie des choses qui me poussent à ne pas aller à la montagne avec lui. Je ne veux pas qu'un sanctuaire de paix devienne un lieu dans lequel je me sens irrité et déçu.
Le problème avec Stan est que nous n'avons aucun plan, aucun projet ensemble. Le fait qu'il soit plus jeune que moi a un impact plus grand que ce que je pensais. Enfin, nous avons des plans et projets, mais qui sont bien différents. Je dois vivre en ville pour mon travail, lui préfère l'air pur de la campagne. Notre attirance sexuelle fait que nous ne pourrions pas avoir d'enfant naturellement, si ce n'est par voie d'adoption. Je ne connaîtrais donc jamais la chair de ma chair. Le fait qu'il travaille avec Minho est un fait que j'ai fini par assimilé et n'est donc pas un facteur à prendre en compte. Aussi, il veut se marier à tout prix alors que je m'y refuse. Certains de ses faits sont encore bien loin de nous mais ils ne sont pas à omettre.
Je respecte chacun de ses choix, de ses projets et de ses ambitions mais je sais que je ne pourrais me contraindre à chacune d'eux. Faire des concessions est quelque chose de normal dans n'importe quelle relation, mais je sais qu'il est bien plus facile de le dire que d'en faire réellement. Je ne sais pas de quoi Stanislas est capable. En fait, je ne sais même pas comment il nous voit, ou même ce qu'il envisage pour nous. S'il envisage quelque chose, évidemment.

—Je ne sais pas ce que je veux précisément, je n'ai pas de... Je ne sais pas, putain. Je ne sais même pas si on est en couple, ou si on est juste deux personnes qui...

Il passe sa main dans ses cheveux et fait les cent pas dans la pièce. Je savais que le laissé venir avec moi aujourd'hui me serait contre productif. Nous aurions dû en parler ce soir, autour d'un verre.

—Tu es celui que je veux voir lorsque je ne me sens pas bien, et tu es celui avec lequel je me sens libre de parler de tout, tu es celui que je veux sentir contre moi aussi souvent que possible. Je ne sais pas ce que si c'est ce que tu veux, si c'est moi que tu veux ou même si c'est assez pour toi mais... Tu m'as. Oui, je suis à toi.

Son souffle est bref tant la nervosité l'empêche de respirer correctement entre ses phrases. Ses yeux sont remplis d'inquiétude. L'insistance de son regard est lourde et je me sens victime d'une pression bien plus grande que ce à quoi je m'attendais. Je n'avais pas demandé à ce qu'il me dise tout ça, à ce qu'il me fasse une sorte de déclaration. Toutefois, je suis heureux qu'il l'ait fait. Parmi toutes les personnes du monde, où du moins de la région, c'est moi qu'il choisit. Je suis celui avec lequel il veut au moins partagé ses journées et ses nuits, peut-être même sa vie, qui sait ?

—Dis quelque chose, je t'en supplie.

J'en suis incapable. Je ne sais pas quoi répondre, quoi faire. Tout ce que je sais est qu'il est l'homme le plus pur que je n'ai jamais rencontré de toute ma vie et que pour lui, je serai prêt à beaucoup de choses. Il a une importance dans ma vie que personne ne pourra jamais égaler, et ce pour la simple et bonne raison que je ne vois pas en lui un quelconque moyen d'oublier Adaliah. Il est différent de toutes les personnes que j'ai rencontré, je ne me sers pas de lui pour panser mes blessures. Je ne me sers pas de lui du tout.
D'une certaine manière, même s'il ne pourra jamais me donner tout ce dont je désire, ça ne veut pas dire qu'il n'essaiera pas de me rendre heureux par tous moyens. En fait, peut-être que je me pose beaucoup trop de questions. Je ne sais pas quel genre d'homme peut être Stanislas au quotidien, ni même si on arrivera à se supporter sur le long terme. Ce n'est pas quelque chose qui peut se prévoir, mais c'est quelque chose que nous pouvons en partie contrôler par une bonne communication, non ? J'aime y croire. Dans le fond, le plus important est la manière dont il me fait me sentir. Lorsque je suis avec lui, je me sens bien, en paix et extrêmement désiré. Il me rend heureux sans même faire quoi que ce soit de particulier pour y parvenir : nous ne sommes allés dîner au restaurant qu'une seule fois, nous ne nous sommes jamais donnés de rendez-vous à proprement parler, nous ne sommes jamais allés au cinéma ou avons fait de pique-nique dans un parc. Tous ces clichés du romantisme ne sont pas et n'ont jamais été pour nous.
On frappe à la porte de mon atelier mais je reste de marbre. Je en dis rien, ne bouge pas. Cela aurait pu être question de vie ou de mort, ça ne m'importait pas. Rien ne m'importe désormais, si ce n'est lui. Lui et ses boucles brunes. Lui et ses yeux qui me transpercent l'âme. Lui et ses mains sur mon corps. Il n'a jamais rien eu d'une obsession, il était simplement voué à avoir cette place dans ma vie. Il devait avoir son importance et il l'a. Putain, il l'a.

—Je ne demande pas à ce qu'on se tienne la main en public, ou à ce que tu admettes quoi que ce soit dans la presse si tu considères que c'est ce qu'il y a de mieux pour ta carrière. Je sais que... je veux seulement pouvoir t'embrasser sans retenue à chaque fois que je te vois, ajoute-t-il en s'approchant de moi.
—Stanislas, réponds-je d'une voix à peine audible.
—Oui.

Ses yeux passent de l'inquiétude à l'espoir. Il est à bout.

—Partons à la montagne ensemble.
—Bien. Je vais rentrer chez moi pour prendre quelques affaires. J'appellerai pour prévenir de notre arrivée. J'espère que tu aimes les vacances d'hiver, dit-il un sourire aux lèvres, la main sur la poignée de la porte.
—Attends !

L'inquiétude réapparaît de plus belle.

—Embrasse-moi.

Quelques secondes plus tard, ses lèvres, s'écrasent sur mes lèvres.

ADALIAH [bxb]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant