Chapitre 7

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Il aura fallu attendre des heures avant que je ne sois pris en charge, plusieurs minutes encore avant que quelqu'un ne me demande ce qu'il s'est passé. Puis une éternité s'est écoulée avant qu'on ne me fasse des points de suture avec une anesthésie presque inexistante. Toutefois, je ne m'en suis pas plaint. Pas une seule fois. La manière dont l'aiguille, ou cette espèce de crocher, rentrer dans ma peau me faisait oublier ce que je ressentais à l'intérieur. J'aurais pu, et peut-être même que j'aurais dû, demander de la morphine, mais je doute qu'ils en donnent pour une si petite blessure. J'aime croire qu'ils auraient eu pitié de moi, il aurait seulement suffi que je leur raconte l'ensemble de la situation. Enfin, peut-être qu'à l'inverse, ils m'auraient pris pour un fou.
Ce n'est pas le fait que je sois resté des heures dans la salle d'attente, ni même le fait que j'ai plusieurs points de suture sur le visage, qui me surprend le plus. Ma surprise vient du fait que Stan soit toujours là, à l'exacte même place de l'endroit où il m'a laissé. Qui sait, si j'avais dû passer la nuit ici, il aurait sans doute demandé à faire mettre un lit dans ma chambre. Je ne suis pas en colère, ni même agacé par sa présence. En fait, j'y vois beaucoup de gentillesse. Si j'avais été à sa place, je pense que je serais resté moi aussi, uniquement dans le but de savoir si la personne allait bien. Ce n'est pas grand chose, mais dans ce genre de situations, cela peut faire une certaine différence de savoir que l'on n'est pas seul.

—Tu n'avais rien mieux à faire que d'attendre sur le parking des urgences au beau milieu de la nuit ?
—Oh, si. Bien sûr que si. Je suis allé au mariage auquel nous étions tous deux invités apparemment. J'ai trouvé ton nom sur une étiquette. Puis, je me suis dit que si tu avais trouvé une excuse pour ne pas y aller, j'en trouverai bien une moi aussi.
—Oh! Et quelle est ton excuse ? dis-je en mettant les mains dans mes poches, un sourire amusé aux lèvres.
—Toi. C'est toi, mon excuse.

Il sort de sa voiture une bouteille de champagne, de laquelle l'étiquette a été arrachée.

—Tous les magasins étaient fermés, mais je n'allais tout de même pas venir te récupérer les mains vides. Ça ferait mauvais genre, tu ne crois pas ?
—Qui t'as dit que j'allais repartir avec toi, hm ?
—Mon égo surdimensionné, évidemment. Qui refuserait de boire une petite coupe de champagne avec un garçon aussi charmant et gentil que moi ? Tu me dois bien ça après tout. Sans moi, tu te serais sans doute vidé de ton sang devant une église, quelle fin dramatique.
—Effectivement, je te dois bien ça, dis-je en saisissant la bouteille. Allons ailleurs dans ce cas. Boire sur le parking d'un hôpital ne fait pas...bon genre, dis-je ironiquement.

Pour la deuxième fois de la soirée, je me retrouve en voiture avec Stan. Il conduit sans but précis, retraverse les mêmes rues, encore et encore. Cette absence de destination ne me dérange pas. Je n'ai nullement envie de rentrer dans ma chambre d'hôtel miteuse dans le seul but de pleurer sur mon sort. Finalement, si je croyais que sa présence n'était pas la bienvenue, je suis heureux qu'il soit là. Il parle constamment, me pose quelques questions sans grands intérêts à mon goût mais qui lui permettent sans doute de savoir à qui il a affaire. Son flirt et sa gentillesse occupent mes pensées. Enfin, s'il n'y avait que ça. Sa personne entière est très intrigante et plaisante à regarder, je me dois de le reconnaître. Si ma soirée a mal commencé, qui sait comment elle va se terminer.

—Boire sur la voie publique peut nous coûter cher, et si un artiste comme toi est sans doute riche, je ne le suis pas, dit-il soudainement. Je pense qu'on devrait aller chez moi.
—Tu es le chauffeur, je te suivrais où que tu ailles, dis-je en levant la bouteille toujours pleine.

Le trajet fut court, une chanson à peine. En ouvrant sa porte, il m'explique qu'il vit seul et qu'il s'agit là de la meilleure décision qu'il ait pris. Je n'écoute que d'une oreille, bien trop occupé à regarder les détails de son appartement. Lui et moi avons des goûts similaires, une décoration dans un style très neutre et tricolore. Tout est blanc, gris et noir, avec des plantes qui apportent une touche de couleur. Pour quelqu'un qui prétend ne pas avoir beaucoup d'argent, ce n'est pas l'impression que son appartement dégage. Pour être honnête, lui-même ne dégage pas cette impression.
Sa veste retirée, sa chemise blanche me laisse apercevoir toute la musculature qu'elle cachait. Son corps n'a rien avoir avec Monsieur Choi. Lui était maigre, mais très attirant. Stan, lui, est bien plus grand et définitivement plus musclé. Je le regarde saisir la bouteille, la déboucher et m'en servir un verre comme s'il s'agissait là de la chose la plus érotique qu'un homme puisse faire. Je ne peux pas détacher mes yeux de son corps, de le détailler et de le désirer. Pourtant, je refuse de faire quoi que ce soit.

—Tu comptes boire ton verre ou est-ce que je dois te le donner d'une manière un peu...
—Je vais le boire moi-même, le coupais-je alors que mes pensées divaguent déjà.
—Tu m'en vois déçu, ironise-t-il avec un sourire.

Il s'adosse au comptoir de la cuisine sans me quitter des yeux alors que je lève mon verre à sa santé. S'il a parlé toute la soirée, il me semble maintenant bien silencieux. Toutefois, cela n'a rien d'un silence gênant. Oh, non. En réalité, ses yeux parlent à la place de sa bouche. C'est un silence, un regard remplis de sous-entendus. Je sais que ce n'est pas que dans mon imagination. Je ne suis plus allongé par terre sur le sol, je ne me vide pas de mon sang, je ne suis pas en train de mourir. Je suis chez un homme que je viens à peine de rencontrer, le cœur en miettes et les pensées remplis de positions sexuelles qui j'ai envie d'essayer ici même, sur le comptoir de sa cuisine.

—Tu as un regard très insistant, Stanislas.
—Ne m'appelle pas comme ça.
—Pourquoi pas ?
—Je n'aime pas mon prénom.
—Oh, tu veux des excuses ?
—Ne gâche pas ta salive.
—Pourquoi cela ?
—Elle pourrait être utile à d'autres choses, répond-il avec un sourire.
—Oh! Quel genre d'autres choses ?

Il saisit sa cravate, comme s'il étouffait. Je vois ses joues rougir à vue d'œil. Son souffle est plus court, presque haletant. Si j'étais près de lui, si j'avais son corps contre le mien, je suis persuadé que je le sentirais gonflé contre moi.

—Liam, soupire-t-il. Tu ne veux pas savoir.
—Tu as raison, dis-je en me levant.
—Tu pars ?
—Non, tu vas me montrer.

Il n'a pas le temps de dire quoi que ce soit. Je contourne le comptoir et saisie fermement sa cravate avant de l'attirer à moi. La volonté que j'avais à ne rien faire s'évanouit.

ADALIAH [bxb]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant