Chapitre 14

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Pour la première fois depuis l'arrivée d'Adaliah, je lance un regard à celui qui l'accompagne, dont le nez n'arrête visiblement pas de saigner. Il n'affiche aucun sourire, aucune marque de satisfaction, comme s'il n'était pas concerné par la situation. C'est pourtant le cas, qu'il le veuille ou non. Toutefois, je suis heureux qu'il n'intervienne pas. N'importe lequel de ses mots me pousserait à vouloir le défigurer.
Adaliah reprend, le souffle court.

—Être venu ici dans le seul but de te dire au revoir était une erreur. Tu n'as toujours été que ce garçon égoïste qui part sans ne jamais dire au revoir, j'aurais dû le savoir. J'ai eu la naïveté de croire en toi, la naïveté de croire que tu avais changé. Tu es resté le même en fin de compte. Reste loin de moi, loin de ma famille.

Ses yeux sont remplis de larmes mais elle ne s'arrête plus.

—Le simple fait que tu aies manqué mon mariage pour t'envoyer en l'air avec la première personne venu me prouve encore que toi et moi, ça n'aurait jamais été quelque chose de possible. Nous n'avons jamais eu les mêmes notions du respect, de courtoisie, de gentillesse. Tu n'as pensé qu'à ton petit plaisir personnel. J'espère pour toi que tu ne regrettes pas et que cette personne sait comment tu l'as utilisé. Il manquait quelques invités lorsque mon bonheur a explosé comme tu l'as si joliment dit, j'espère que tu n'as pas fait exploser celui de quelqu'un qui ne le méritait pas.
—Adaliah, dis-je simplement.
—Tu n'as jamais supporté le bonheur des autres. Comment aurais-tu pu supporter le mien ? Quelle tristesse de savoir que le sexe est ton moyen d'échapper à ce que tu ne connaîtras sans doute jamais. J'ai de la peine pour toi Liam. Tu me fais...
—Ça suffit, dis-je en la coupant.
—Je te détesterais aussi longtemps que tu m'aimeras.

Son regard trouve le mien. Elle n'a plus la force de continuer et moi de l'écouter. J'ai eu ce que je voulais et bien plus encore. Je lui souris tristement, les joues mouillées. Je me sens délivré ce trou béant dans ma poitrine, léger comme l'air. Quelle sensation divine. Elle n'aurait jamais pu me faire plus de mal qu'elle ne vient de le faire et pourtant, je lui en suis reconnaissant. Même en lui expliquant des centaines de fois la manière dont elle vient de m'aider, elle ne comprendrait toujours pas. Qui pourrait comprendre comment on cherche à briser le cœur d'une personne dans le seul but de lui réparer ? Ça n'a aucun sens.

—Est-ce que tu veux qu'on...que je brûle tes toiles ?

Ce n'est pas Adaliah qui s'adresse à moi.

—Si tu es sûr de ne jamais oublier ses traits, même dans la folie la plus totale, alors brûle-les. Tu en es le propriétaire, fait ce qui te semble juste. Toutefois, sache que je romps dès à présent notre contrat. Adaliah ne sera plus jamais ma muse alors l'acquisition des collections « Ada » te revient de droit.

Il hoche simplement la tête. Ni lui ni moi ne nous excuserons pour nos comportements respectifs. Adaliah n'ajouta pas un mot, bien qu'ils quittent mon domicile les fenêtres de la voiture ouvertes. Ses cheveux volent au vent, ou peut-être est-ce le flot de larmes qui me submergent qui me laisse la voir ainsi. Elle n'en reste pas moins belle, ça c'est certain. Je ne m'attarde pas dehors et rejoins mon appartement, à bout de force.
L'alcool ne me donne plus l'impression de faire effet et la douleur du coup de Minho commence à se faire sentir. Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, je ne ressens rien. Les larmes continuent à rouler le long de mes joues mais je ne ressens plus de colère, plus de tristesse. Mon obsession pour elle semble s'être s'envoler aussi rapidement qu'un mirage. Je sais pertinemment qu'elle est encore là mais qu'elle tend à disparaître. Mais là, à cet instant précis, je ne suis plus qu'une coquille vide. J'ai l'impression que mon âme ne fait plus partie de mon corps. Il  faut que je n'oublie pas ce qui vient de se passer. Ni maintenant, ni demain, ni même les jours qui suivent. Je dois ne jamais oublier.

***

Les jours et les nuits qui suivent sont tous les mêmes. Je dors à peine et mes cernes continuent de se creusaient, au même titre que le vide artistique dont je fais preuve. Comme je l'avais envisagé, je ne semble plus être en mesure de peindre quoi que ce soit. Toute production est médiocre, vide de sens, brûlable. Cela fait pourtant un mois depuis cette fameuse nuit mais rien ne fait. J'avais aimé croire que mon talent ne reposait pas que sur ma muse or, je commence à penser le contraire. Si je n'ai plus l'envie de la peindre, mes doigts restent habituaient à ses traits.
On frappe à la porte de mon bureau. Elizabeth passe sa tête dans l'entrebâillement de la porte, l'air désolé sur le visage. Depuis que je lui ai raconté pour Adaliah, elle n'a plus que cet air sur le visage, ce qui ne m'aide pas vraiment à relativiser. Même lorsque je lui souris elle semble gênée. Elle a eu si pitié de moi qu'elle m'a même proposé d'aller dîner, ce que j'ai catégoriquement refusé. Je ne suis pas au plus bas. Je n'irai pas jusqu'à dire que je vais bien mais je ne suis pas quelqu'un qui a besoin d'être sauvé.

—Si tu viens me dire que ma mère est là, prétends que je suis mort, dis-je ironiquement. S'il s'agit de Choi, tu dois trouver un quelconque moyen de le mettre à la porte. S'il s'agit d'autres choses, alors je suppose que je suis contraint de t'écouter.
—Combien de temps allez-vous encore prétendre que tout va bien ?
—Quelques mois, je suppose.
—Je ne vous ai jamais vu aussi longtemps sans compagnie. C'est ce qui m'a alerté sur votre état de santé. Je suis venue pour vous rappeler que je suis là pour vous écouter, si jamais l'envie vous prend.
—Garde ta pitié pour ceux qui en ont vraiment besoin. Tout est sous contrôle Lilibeth.
—Vous savez que je déteste que vous m'appelez comme ça.
—C'est précisément la raison pour laquelle je le fais.

Elle quitte mon bureau en levant les yeux au ciel. Puis, les jours se répètent. Elizabeth m'apporte son soutien chaque jour, mon art ne se résume qu'à peindre quelques parties du corps floues, sans grand intérêt. Il m'arrivait de repenser au corps de Stan qui était le corps d'homme le plus beau que je n'avais jamais vu. Stan, pensais-je à nouveau. Il ne m'a pas recontacté une seule fois, alors même qu'il avait mon nom complet et mon numéro. Moi, je n'avais que son doux prénom et rien d'autre.
Puis, sans que je ne m'en aperçoive, un an s'était écoulé depuis que je l'avais rencontré.

ADALIAH [bxb]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant