_ On peut faire une pause s'il te plaît ?
_ Mais Safia on en a déjà fait une il y a trente minutes, il faut qu'on avance, lui dis-je.
_Mais ça fait deux jours qu'on marche et depuis tout ce temps il n'y rien à l'horizon. Moi je suis fatiguée.
Elle s'arrête et se met à bouder, souvent j'ai envie de frapper cette fille, je la tire par le bras et l'oblige à avancer même si elle ne veut pas.
_ Je peux avoir de l'eau au moins?
_ Tu es vraiment une gamine, dis-je en étant hors de moi.
Je retire le sac de mon dos et je prends une bouteille d'eau que je lui lance, elle la rattrape au vol et étanche sa soif.
_ Maintenant je ne veux plus t'entendre, tu vas tranquillement rester sage et continuer d'avancer, grondé-je.
_ D'accord maman, j'arrête. Tu penses qu'ils nous cherchent?
_ Je pense qu'ils ont mieux à faire pour le moment et si c'était le cas , ils nous auraient sûrement déjà rattrapé.
_ Tu penses que nous sommes encore loin de la ville...enfin si nous sommes sur le bon chemin.
_ Je ne sais pas, tout ce que je sais c'est qu'il faut continuer à avancer donc bouge-toi.
Sans opposition on se remet en route, on a encore marché pendant une heure ou deux je crois, on a pas de téléphone ni de montre pour connaître l'heure. Bref je disais on a marché encore une ou deux heures avant de commencer à voir des bâtiments au loin.
Safia et moi nous sommes lancés des regards remplis d'émotions. On était tellement contente qu'on s'est pris dans les bras en sautillant comme deux petites filles à qui on avait dit qu'elles pouvaient dormir ensemble._ Il ne reste plus que quelques mètres avant qu'on ne soit libre, dis-je avec les larmes aux yeux.
Oui je sais je m'emballe un peu trop parce que je ne connais pas ce qui nous attend ni combien de temps nous passerons dans la rue mais je préfère ça au traitement de la maison chez Maria. Safia et moi nous nous mettons à courir, c'est comme si on nous avait subitement rajouter les forces que nous avions perdues pendant ces deux jours de marche. Nous sommes très heureuses mais nous nous calmons en arrivant à la civilisation pour ne pas que les gens nous regardent bizarrement.
_ J'ai l'impression de rêver, dit Safia, mais rassure-moi nous n'allons pas nous arrêter là n'est-ce pas ? C'est trop facile.
_ Bien-sûr nous n'allons pas nous arrêter, nous allons continuer notre chemin jusqu'à un endroit plus éloigné d'ici. Pour l'instant nous allons nous faire toutes petites et se reposer un peu.
On se cache entre deux bâtiments, je fais une petite grimace en m'asseyant sur le sol qui est très froid. Toute ma vie j'ai vécu dans un pays chaud et humide comme le Gabon donc vous comprenez bien évidemment que la fraîcheur et moi ne sommes pas très amies. Je me rappelle que pendant la saison sèche je me couvrais toujours avec de gros pulls pour éviter de sentir l'air un peu trop frais.
_Tu peux me lancer un truc à grignoter s'il te plaît ?
J'ouvre le sac pour voir ce qu'il reste à l'intérieur, on a encore de quoi tenir pendant une semaine ou deux si nous conservons bien les provisions. Je lui lance un mini paquet de cookies et moi-même j'en prends un.
_Tes plats vont horriblement me manquer, avoué-je à Safia
_ Merci, ça me fait plaisir de l'apprendre, répond-t-elle avec le sourire.
Après avoir mangé, je me suis allongée malgré moi sur le sol. J'ai besoin de récupérer de l'énergie après ces deux jours de marche non stop. Lorsque je ferme les yeux, je ne tarde pas à m'endormir profondément.
Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi mais à mon réveil , Safia était endormie aussi à côté de moi. Je souris en voyant son visage de bébé, je me lève pour faire quelques étirements pour faire passer les courbatures que je ressentais.
Le temps était devenu un peu plus glacial et le soleil commençait déjà à se coucher. Je regarde la nuit s'installer petit à petit et je finis par me perdre dans mes pensées, celles-ci convergent vers ma famille et surtout vers mon avenir. Je ne sais pas ce que la vie me réserve encore, quelle sera ma prochaine punition pour avoir pris cette décision qui aujourd'hui paraît stupide à mes yeux. Si je pouvais revenir en arrière, je n'aurai jamais entrepris ce voyage et je serai restée sagement chez moi avec ma famille. C'est toujours lorsque les conséquences des actes que l'on pose nous pourchassent qu'on se rend compte qu'en fait on avait tout mais nous étions trop aveuglé pour le voir. Chez moi, j'avais la paix, la tranquillité, la liberté, un travail, des parents qui m'aiment, des petits frères formidables. J'avais tout ce qu'un être humain normal rêverait d'avoir mais je me suis laissée berner et maintenant j'ai tout perdu.Deux semaines passent et nous sommes toujours dans la rue. Nous sommes comme des oiseaux migrateurs, on ne reste jamais au même endroit pendant plus de deux ou quatre jours, on finit toujours par se déplacer vers je ne sais où à la recherche de je ne sais quoi. Côté provision c'est la catastrophe parce que nous sommes presqu'à court de nourriture et d'eau.
Aujourd'hui encore, quelques minutes après notre réveil, nous nous lançons dans une destination inconnue. Bien qu'on essaie de se fondre dans la foule, les gens nous remarquent et nous évitent comme une maladie contagieuse. On marche sans même savoir où l'on va, on prend des chemins dont on ne connait même pas l'issu. Au bout d'un moment étant fatiguées de marcher pour rien, nous décidons de nous arrêter dans une ruelle.
Je m'assois en soupirant et en frottant mes mains contre moi à cause de la fraîcheur. J'ai l'impression qu'on approche de l'hiver parce qu'il fait de plus en plus froid._ Je peux te prêter mon blouson si tu veux, me propose Safia.
_ Pour que tu meurs de froid et que je me retrouve seule ? Non merci.
_ Si je ne fais rien c'est toi qui finira par mourir et me laisser seule, répondit-elle.
_ C'est bon ne t'inquiètes pas, je vais tenir le coup. J'ai déjà vécu pire ce n'est pas ça qui va m'emporter.
_ Parfois j'aimerais être aussi forte que toi.
_ Tu l'es et peut-être même plus que moi. Tes parents sont décédés, ton oncle et ta tante t'ont mené la vie dure puis ils ont fini par te vendre à Maria. Là nous sommes dans la rue en train de mourir de froid, bientôt de faim et de soif mais tu es toujours celle qui garde le sourire malgré tout et tu sais partager ta bonne humeur avec les autres. La seule chose positive qui m'est arrivée depuis que j'ai quitté mon pays était d'avoir rencontré une personne formidable comme toi. Si tu n'étais pas là j'aurais sûrement rejoint les étoiles à l'heure qu'il est.
Fragile comme elle est, elle n'a pas pu se retenir de pleurer.
_ On ne m'avait jamais dit de mots aussi, dit-elle en reniflant.
_ Ah ouais ? Même ton Ibrahim ne t'a jamais fait ce genre de déclaration ? Demandé-je
_ Non même pas lui...Moi aussi je suis hyper contente de t'avoir rencontré et de vivre tout ça avec toi. Ça ne se voit peut-être pas au premier abord mais tu es quelqu'un de formidable.
_ Mouais, je vais faire semblant de te croire ma belle.
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Mon Aventure Tome I : Le Voyage De L'espoir
عشوائيPour offrir une vie décente à sa famille, Danielle quitte tout et entreprend un voyage clandestin à travers des territoires inconnus. Mais les chemins de l'espoir sont souvent pavés de dangers insoupçonnés. Que fera-t-elle lorsque son rêve prendra u...