Chapitre 4-1

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Il sent qu'on le bouscule. À l'aise dans son monde, ces secousses empêchent un repos convenable. Rory gigote d'un côté à l'autre pendant que ces gênes s'intensifient. Puis elles finissent par s'accompagner de paroles brusques. Il maugrée, ses yeux difficiles s'ouvrent. Au réveil, un paysage inconnu se dévoile. Des maisons en brique rouges défilent sur le long des routes. Des nuages dominent le ciel gris. Aucun doute possible, on se trouve en Angleterre. L'adolescent regarde la source de son éveil. Rayenne l'a secoué et il présente un sourire malicieux.

« Faut se réveiller Blanche-Neige, on est bientôt arrivés ! »

À ce surnom, Rory l'intime de la boucler, ponctuant sa phrase par un léger coup de coude. Monsieur Terconita, l'un des professeurs qui les accompagne, lance une remarque pour les calmer. Les professeurs ne comprendraient jamais le jeu de leurs élèves, pensée volatile partagée par tous les adolescents. Ce simulacre de bagarre les piège. Mais plutôt que de s'en plaindre, Rory en rit. Derrière eux, Rosemary et Alice vannent leurs camarades avant de reprendre leur conversation. Il reste encore du temps à tuer. Alors Rory discute le temps restant avec ses camarades.

La voix robotique du train annonce l'arrivée à la gare. Rory remballe ses affaires et se prépare à sortir. L'agitation dans le train se ressent par les tremblements du sol. Les passagers du wagon, réservé pour les élèves, se pressent à ranger leurs divers jeux de cartes, obtenir leurs bagages. Les professeurs, comme des bergers, essayent d'organiser le troupeau, ce qui leur prend une dizaine de minutes. L'ensemble quitte le véhicule pour l'immensité de la gare de St. Pancras. Les grilles au sommet filtrent le crépuscule. L'eau du fleuve reflète les grandes bâtisses et les bus rouges. Dans l'un d'eux, la classe continue son bout de chemin.

Certains élèves admirent la ville historique, d'autres prennent des photos grâce à leur smartphone afin d'immortaliser le moment. Le petit groupe d'artistes, eux, discutent de l'avenir, de ce qu'ils désirent visiter. Victor cherche à garnir sa garde-robe, la culture picturale appelle Rosemary. Ils essayent d'assembler les désirs de chacun pour une journée, sans oublier les habituels désaccords. Cela prend tout le trajet avant de combler l'agenda pour la semaine. Ce dernier prend en compte les activités des professeurs, alternant entre les moments libres et ceux en communs. En bref, la semaine s'annonce chargée, mais, pour l'heure, ils viennent d'arriver à destination.

Le groupe se trouve en face d'une bâtisse en brique. Son immensité fait rêver, de même que les chambres spacieuses. Ils se sont répartis entre groupe d'amis, non-mixte, directive imposée par les professeurs. Cela n'empêchera pas le groupe d'artiste de se regrouper, tard dans la nuit, dans la ville. Monsieur Terconita les a dès lors avertis : du moment qu'ils se trouvent à l'auberge, réveillés au déjeuner pour suivre le programme du voyage, ils sont libres d'agir comme bon leur semblait. À cette pensée, alors qu'il déballe ses affaires, plusieurs idées font leur chemin jusqu'à l'esprit de Rory.

La chambre présente deux lits, l'un superposé, l'autre simple. Victor et Rayenne bataillent pour dormir en hauteur, tandis que Rory se contente de la place indisputée. Pour ce soir, il ne va pas suivre son groupe. La fatigue engourdit ses membres, les étoiles l'appellent au sommeil. Ses deux amis le traitent de vieux, il répond à ces provocs par son majeur dressé, des rires étouffés résonnant derrière la porte.

Puis, la solitude calme se manifeste dans le silence.

Le jeune homme, allongé, encore habillé, regarde le plafond immaculé. Il distingue l'ancienneté du béton, entend les pas de la chambre du dessus, les rires des voisins. La lumière allumée, sa flemmardise l'empêche de l'éteindre. Dans cette sérénité, une pensée le dérange. Sans plus tarder, il se penche vers son sac, l'ouvre ; ce carnet occupera sans cesse sa solitude !

Ses doigts le feuillètent, explorant des paysages et mises en scène éparses. Une table, une montagne, un lac, une maison... Il s'attarde davantage sur la photo qui l'intrigue. Les courbes des meubles et leur disposition lui rappellent la maison d'Alice. Mais, comme d'habitude, rien n'anime son esprit. Les sourcils froncés, il essaye de se remémorer des différentes soirées qu'ils ont passées avec le groupe, là-bas, mais le résultat reste le même : un néant qui le laisse en proie au doute. Un râle insatisfait s'expulse de ses lèvres, avant qu'il ne lâche le livret par terre, ses mains recouvrant son visage blasé. Finalement, l'adolescent se lève, se change, éteint la lumière et se jette dans le lit, l'obscurité l'emmenant avec douceur dans les bras de Morphée.

Carnet d'un ami disparuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant